Le son sur l'image (21) - Un collectif 3.2
Par Jean-Jacques Birgé, vendredi 11 janvier 2019 à 00:09 :: Le son sur l'image :: #4014 :: rss
Un collectif
La musique a toujours été pour moi une expérience collective. Je suis d’une génération où l’on quittait le cocon familial pour « la vie en communauté ». Il y a un plaisir de faire, mais plus grand encore à partager et confronter sa pratique à celle des autres. La musique est un art qui s’exprime très souvent à plusieurs. Je l’imagine comme une conversation, ou comme un spectacle engageant différents talents. Le solo n’est pas une expérience qui m’ait jamais intéressé, si ce n’est celle ici à l’œuvre, lorsque je tape ces lignes sur mon PowerBook. Lorsque je rencontre Bernard Vitet, je joue déjà depuis quelques années avec Francis Gorgé. N’est-ce pas plus opportun de réunir mes deux camardes de jeu plutôt que de mener de front deux projets simultanés, aussi excitant l’un que l’autre ? Le trio était né.
Dès la deuxième représentation, nous l’appelons Un Drame Musical Instantané, et ce pour quatre raisons, autant qu’il y a de termes à notre nouveau nom. Un signifie l’unicité de chaque représentation : ne jamais nous répéter, inventer chaque fois un nouveau dispositif. Drame Musical renvoie au théâtre musical, à l’opéra, en italien melodrama, drame en musique, drame au sens théâtral du terme car, même si nous avons toujours été plus doués pour le drame que pour la comédie, nous ne négligeons pas l’aspect humoristique de certains de nos spectacles. Instantané correspond mieux à l’idée que nous avons de l’improvisation : pensant que nous sommes rentrés dans une ère où la musique n’a plus toujours besoin de s’écrire avant de se faire, que le papier va céder la place à la bande magnétique, que la hiérarchie sociale au sein du monde de la musique est à repenser de fond en comble, nous opposons composition instantanée et composition préalable. Nous avons gardé notre nom jusqu’à aujourd’hui, même si la composition préalable a pris de plus en plus de place dans notre travail depuis 1981. (Seul rescapé du Drame, j'ai dissous le groupe en 2008, mais en 2014 avec Francis nous l'avons reformé le temps d'un concert mémorable).
Un Drame Musical Instantané se caractérise par une liberté totale dans ses choix : aucun style formel n’est imposé, nous mélangeons toutes les sources, les traitements électroacoustiques s'intègrent aux instruments traditionnels, l’écriture préalable et l’improvisation font bon ménage, et surtout, nous inventons le concept de « musique à propos », petite fille de la musique à programme et du poème symphonique pratiqués par Berlioz ou Richard Strauss. Il s’agit de fabriquer d'évocatrices fictions musicales, qui font naître des interprétations imagées, propres à chaque auditeur ou spectateur. Le rôle des images devient capital dans l’ensemble de nos œuvres, que ces images soient suggérées comme dans notre théâtre musical discographique ou radiophonique, accompagnées comme lorsque nous jouons en direct la musique de films muets, ou partie intégrante de nos spectacles multimédia.
Précédents chapitres :
Fruits de saison : La liberté de l’autodidacte / Déjà un siècle / Transmettre
I. Une histoire de l’audiovisuel : Hémiplégie / Avant le cinématographe / Invention du muet / Régression du parlant / La partition sonore
II. Design sonore : La technique pour pouvoir l’oublier / Discours de la méthode / La charte sonore / Expositions-spectacles / Au cirque avec Seurat / Casting / Musique originale ou préexistante / Bruitages et un peu de technique 1 / 2 / Le synchronisme accidentel / La musique interactive
III. Un drame musical instantané : Un drame musical instantané
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