Le soleil irradie Nāga, le double album d'Alexandra Grimal, un soleil mythique, immémorial, tandis que le nāga est ce cobra pouvant prendre forme humaine, voyager sous terre, nager dans l'eau et voler dans les airs, prenant en charge la fertilité des sols et la fécondité des femmes. J'ai cherché dans Wikipédia le sens des titres dont les textes anglais ont été écrits par Lynn Cassiers, Inti, Meltemi, Noun, , Sekhmet, Perseus, des contes et légendes qui ont conservé tout leur pouvoir sur ce que nous traversons. Celui en français de Cambium est d'Alexandra. Il incarne tout ce qui sous-tend le propos de cette œuvre déterminante pour la saxophoniste devenue aussi chanteuse. Elle est allée chercher au fond d'elle-même de quoi renaître et donner la vie. Pour se faire, elle s'est entourée de musiciens exceptionnels, les guitaristes Marc Ducret et Nelson Veras, les claviéristes Jozef Dumoulin et Benoît Delbecq, le batteur Stéphane Galland et Lynn Cassiers qui chante et trafique l'électronique.
À l'alto ou au sopranino, le jeu de la saxophoniste a toujours quelque chose de droit et transparent, une brise qui sous la pluie dessine un arc en ciel. J'ai bizarrement pensé à Steve Lacy et René Lussier, mais ce sont des liaisons dangereuses qui me sont propres, alors que la filiation avec le Jazz West Coast est évidente. Alexandra mène sa barque, déterminée et patiente. Il lui a fallu huit ans pour accoucher de Nāga, celui qui recèle des trésors. Après nos deux albums en duo, Transformation (2012) et Récréation (2013), Alexandra avait participé à la version pour sextuor de mes Rêves et cauchemars (2014). Je reconnais la musique dont elle me parlait, avait désirée, savait devoir laisser mûrir, et qui enfin voit le jour, un jour ensoleillé...

Alexandra Grimal, Nāga, 2CD ovni, dist. Orkhêstra, sortie le 4 mars 2019