C'est évidemment toujours par hasard que se font les découvertes, sérendipité appliquée à ma veille expérimentale que dessinent mes pérégrinations sur le Net et IRL (In Real Life), hasard tout de même guidé par la Méthode et ses tangentes. L'album Musique Brut Collection signé Graeme Revell est un objet à part. Certains ou certaines me diront évidemment qu'ils connaissent ce disque par cœur, mais pour moi c'est une surprise ! Il se compose de deux parties distinctes, mais néanmoins cousines, The Insect Musicians et Necropolis, Amphibians & Reptiles. Les dix premiers titres sont des œuvres de ce compositeur néo-zélandais de musiques de blockbusters qui a trituré ici exclusivement des sons d'insectes qu'il a enregistrés ou dont il a acquis les droits en sillonnant la planète en 1984 et 1985 et qu'il a retravaillés l'année suivante sur un synthétiseur Fairlight dans l'esprit de ce que suggère le Traité des objets musicaux de Pierre Schaeffer. Le résultat sonne comme une exotica électronique très mélodique, aussi étonnante et originale que lorsque les impressionnistes ou les minimalistes se sont inspirés des musiques du monde.


Les six dernières pièces sont des interprétations personnelles des musiques et partitions de l'artiste suisse d'art brut Adolf Wölfli. C'est tout aussi bizarre et passionnément hétérogène, mélange de bruits, d'ambiances, voix parlée en allemand, fanfare, piano mécanique, cloches, grandes orgues, chœurs, percussion, etc. Après plusieurs agressions sexuelles contre de très jeunes filles, Wölfli passa 35 ans enfermé dans l'asile d'aliénés de la Waldau près de Berne, pratiquement le foyer inaugural de l'art brut que découvrira Jean Dubuffet. Ce grand schizophrène fut probablement le modèle de Blaise Cendrars pour Moravagine, dessina quelques 1300 dessins et rédigea une biographie de 25000 pages. Sa musique est d'une incroyable modernité, du moins telle que l'interprète Revell qui lui trouve ou lui crée un cousinage évident avec ses propres expérimentations.

→ Graeme Revell, Musique Brut Collection, cd The Fine Line of Mute Records / Musique Brut