Ce n'est pas une chronique facile. D'abord parce que le photogramme ci-dessus ou la bande-annonce que j'ai délibérément choisie sans sous-titres, en disent beaucoup trop, focalisant sur la violence et l'aspect branché du montage à la Tarantino. Ce n'est pas une trahison, même si la mise en scène de l'hémoglobine contrarie ici l'univers machiste des films d'action américains. Avec Assassination Nation le réalisateur Sam Levinson dresse un portrait terrible des États-Unis et pourtant juste, derrière une mise en scène outrée qui tient du western et du film d'épouvante. La réalité n'a hélas rien à envier à la fiction. Une des quatre héroïnes du film rappelle le chiffre de 300 tueries de masse par an dans ce pays où les armes sont en vente libre et où l'intolérance fait rage. Le titre du film est bien choisi, d'autant plus si l'on élargit le champ à l'action belliqueuse des USA dans le monde depuis leur fondation. Malgré son échec populaire, le second film de Sam Levinson a tout pour devenir un film culte, explicitement féministe et basant l'intrigue sur l'absence de protection des données informatiques de chacun. Certains critiques l'ont trouvé outrageusement féministe, ils ont raison, mais cela ne les gêne pas de voir des milliers de films outrageusement machistes depuis plus d'un siècle ! Faut-il pour se faire que les femmes adoptent les attitudes des hommes, fussent-elles dictées par l'auto-défense, mais toutes aussi absurdes et sanguinaires ?


La superposition de messages SMS, hashtags, mails, séquences vidéo, etc. sur l'écran n'est pas nouvelle, mais Assassination Nation montre à quel point tout peut voler en éclats sous les doigts d'un hacker mal intentionné, inconscient ou d'un lanceur d'alerte. Les États, dont la France, glissent néanmoins vers la censure et la dictature en condamnant ces derniers. D'un autre côté les jeunes ne se rendent pas compte des risques qu'ils prennent, se croyant à l'abri du regard d'autrui en mettant en ligne tout et n'importe quoi. Il y a dix ans je participai déjà, avec Sophie de Quatrebarbes et Nicolas Clauss, à 2025 exmachina, un serious game sur les dangers d'Internet, et récemment à une web-série sur la RGPD et un podcast sur le même sujet. Heureusement les répercutions ne sont pas toujours du niveau de celles imaginées par Levinson à Salem, la ville des sorcières, dans le Connecticut, état particulièrement puritain ! Son atmosphère survoltée rappelle Fury de Fritz Lang, Johnny Guitar de Nicholas Ray et d'autres films où la population toute entière est prête à lyncher le premier venu pour cacher ses contradictions mortifères. La bande-annonce dit vrai, cette Nation est une marmite où bouillent racisme, oppression de classes, homophobie, transphobie, sexisme, machisme, violence, nationalisme, et nous prenons tout cela en pleine figure...