Si les documentaires politiques, philosophiques ou militants m'ennuient lorsqu'ils ressemblent à de la radio filmée, les enquêtes en bande dessinée trouvent plus facilement leur légitimité, leurs auteurs se sentant obligés d'inventer des modes graphiques là où les filmeurs sont souvent paresseux. Ce sont évidemment des généralités. Il y a heureusement quelques cinéastes qui savent se servir des images et des sons. Pour Algues vertes, l'histoire interdite le dessinateur Pierre Van Hove illustre l'enquête d'Inès Léraud en cases et phylactères, mais il ne faut pas oublier la mise en couleur de Mathilda qui participe à l'ambiance puante d'œuf pourri de l'hydrogène sulfuré (H2S) meurtrier.


L'enquête sur les plages bretonnes relève du thriller politique. Il aura fallu un demi-siècle avant que l'assassin, qui tua au moins 3 personnes et 40 animaux, soit démasqué et reconnu. Les algues vertes sont essentiellement la conséquence de l'expansion de l'élevage de porc longtemps encouragé par le gouvernement centralisateur. Les laboratoires sont complices de l'omerta. Il aura fallu des lanceurs d’alerte, scientifiques, agriculteurs et politiques pour briser le silence de mort. À la fin de l'ouvrage, les auteurs livrent les documents, lettres, photos et coupures de presse de cette passionnante enquête révélant la mauvaise foi, l'incompétence et la manipulation criminelle des responsables. Combien de temps faudra-t-il ailleurs, sur d'autres fronts, pour que soit révélé qu'on nous empoisonne ou nous irradie sous prétexte de rentabilité économique ?

→ Inès Léraud et Pierre Van Hove, Algues vertes, l'histoire interdite, La Revue Dessinée, ed. Delcourt, 19,99€ (13,99€ édition numérique)