C'est écrit en tout petit, mais L'intellectuel connaît... l'insomnie, les fatigues et l'angoisse ! J'avais photographié ces trois œuvres provenant d'un ouvrage des Éditions Paul Martial à l'exposition Coup de pub au M.A.M.C. de Saint-Étienne l'été dernier. Anonymes, elles datent probablement des années 1930.
J'aime les photomontages, qu'ils soient signés Rodtchenko, Hausmann, Heartfield, Ernst, Prévert ou je ne sais qui. Ma musique s'en inspire autant que du cinéma. J'ai toujours préféré les généralistes aux spécialistes, surtout lorsqu'ils se jouent des citations, comme Jean-Luc Godard par exemple. La technique des samples s'y apparente également, ou comment faire du neuf avec du vieux de manière créative. Toute œuvre peut être néanmoins considérée comme du recyclage, car il n'existe aucune génération spontanée et les inventions poétiques les plus originales héritent tout autant du passé que les autres. Le secret réside dans le point de vue, l'angle personnel adopté, et dans l'association des éléments. C'est dire si je suis passionné par le montage, qu'il soit cinématographique ou musical, prémédité ou instantané.


Pour exprimer les états d'âme des créateurs, l'artiste aura choisi de juxtaposer photos et dessins. Mon humeur du moment m'a donc poussé à exhumer ces trois œuvres. Même si je mets régulièrement les mains dans le cambouis, je reste un intellectuel. Mon travail se nourrit de l'équilibre entre contrôle et abandon, savoir et magie, incompétence et nécessité d'une solution adaptée.
Comment entrevoir les affiches en question ? Je me moque de mes insomnies en allant travailler au milieu de la nuit pour me rendormir tranquillement après une ou deux heures. Il est inutile de forcer lorsque je suis fatigué, il vaut mieux attendre le moment propice. Penser lentement, agir vite. Il y a toujours une ligne de ma liste virtuelle qui me sourit. L'angoisse est plus existentielle. Elle traite de l'humain d'abord, de son appartenance à la plus impérialiste des espèces, du mieux faire avec les autres plutôt que du bien et du mal, du temps qui file de plus en plus vite et de l'échéance qui se rapproche dans son inéluctabilité biologique. Penser par soi-même sans ne jamais rien considérer comme acquis est forcément facteur d'angoisse, mais la création devient alors une échappatoire vitale, une planche de salut révolutionnaire, une ouverture sur le rêve éveillé qui fait fi de tous les renoncements et de tous les cynismes. C'est miraculeusement salvateur en cette période aussi stupide que brutale, où personne n'est encore capable d'entrevoir la moindre issue. Elle existe, mais elle sera forcément douloureuse.