Jeudi soir, Air France annonce l'annulation de tous ses vols jusqu'au 31 mai. Cela vous donne une idée du délai supposé de confinement.
L'idée que nous sortirions de cette crise par un voyage génial au pays du soleil levant s'est envolée en fumée. Et me voilà enchaînant les annulations avec le même zèle que j'avais eu à choisir l'itinéraire, les ryokans, onsens, transports, etc. Si Booking et Nissan sont d'une clarté et probité exemplaires, je n'ai pas réussi à me faire rembourser intégralement par un malhonnête Tokyoïte sur AirBnB qui y pourvoira peut-être. L'agence Keikaku semble correcte, quitte à faire jouer l'assurance complémentaire liée au paiement par carte. Quant à Opodo et Air France, submergés par les demandes, c'est une prise de tête qui me fait remettre à plus tard l'opération soustractive.
J'avais besoin de me changer d'air, de vivre une expérience inédite qui remette en question mes habitudes. Je ne vais pas me plaindre. Avec l'assignation à résidence je suis servi. N'en jetez plus ! C'est moins sympa que de se plonger dans la nature sur l'île de Shikoku, mais beaucoup plus confortable que la prison ou ce que j'avais vécu à Sarajevo pendant le siège. Au moins ici, ce n'est pas la guerre, on ne risque pas de prendre un obus sur la figure. Quant aux malades adeptes de la gâchette, il n'y a qu'aux USA qu'ils font la queue devant les boutiques d'armuriers. En France on préfère le papier hygiénique et les provisions de bouffe.
Certains amis ont plus de difficultés que d'autres à supporter le confinement. Les conseils bienveillants affluent sur les réseaux sociaux, la télévision, les journaux. Ils sont certainement plus utiles que les avis et commentaires relativisant la pandémie, qu'ils soient monstrueusement alarmistes ou plus ou moins rassurants. Les toux nerveuses sont légion. À l'issue de la crise, les divorces vont exploser et dans neuf mois ce sera au tour des maternités ! L'incompétence crasse du gouvernement me fait craindre une dérive autoritaire accentuée, comportement déjà bien avancé. Il est aussi possible que cela fasse réfléchir beaucoup de monde sur nos manières de vivre. En quelques jours l'air est plus pur dans les villes, les oiseaux affluent, les poissons rejoignent les canaux de Venise, et beaucoup d'humains formatés sont dans l'obligation de sortir de leur coquille, puisqu'il n'y a plus nulle part autre où aller.