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Jean-Jacques Birgé

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samedi 20 juin 2020

In English for once


The MEG publishes an English portfolio on my new CD "PERSPECTIVES FOR THE 22nd CENTURY" with full SoundCloud, films, portraits, etc.
Commissioned by the Ethnographic Museum of Geneva (MEG), Jean-Jacques Birgé composed a work based on the MEG's International Archives of Folk Music (IAFM). Perspectives for the 22nd Century includes 31 pieces recorded between 1930 and 1952 and compiled by Constantin Brăiloiu (1893-1958), founder of the IAFM and an authoritative reference in the field of traditional music.
Perspectives for the 22nd Century is written on the basis of an anticipation scenario where the survivors of the disaster of 2152 live on the ruins of the MEG and decide to rebuild themselves from the archives discovered on site. The composition mixes acoustic instruments, some of which belong to the MEG collections, virtual instruments, ambiences and sound archives.
A disturbing echo of current events, Perspectives for the 22nd Century is a sound fiction following the journey of humans who must reinvent themselves. In these times of questioning about the future of the planet and of humanity, Jean-Jacques Birgé wanted to dedicate this work to C.F. Ramuz and Vercors.
This CD is the fifth title to appear in the series of recordings published by the MEG and devoted to contemporary creations composed on the basis of its sound archives.
You can also order the CD on https://www.ville-ge.ch/meg/en/publications_cd.php

Photo © Madeleine Leclair

Sans sommeil [archive]


Article du 31 janvier 2007

Pourquoi est-ce que je ne dors pas ? J'ai pourtant réglé son compte à ma peur de la mort à Sarajevo pendant le Siège. Je me réveille avec une soif de vie intarissable, la pépie ! J'ai le sourire aux lèvres dès la station debout. Le monde nous appartient. Dès que j'ouvre l'œil je suis opérationnel. Il me faut une petite minute d'adaptation, le temps de claquer dans mes doigts, je suis sur le pont. Mais j'ai du mal à me rendormir si le jour s'est levé. Je fus la nuit au point de lui donner le titre de mon premier film : en 1974, dans La nuit du phoque, j'étais la nuit, Bernard Mollerat faisait le phoque. Je suis devenu le jour. La nuit je ne travaille plus, du moins je feins de le croire. Le soir, je regarde un film sur grand écran, ça me déconnecte, trop d'énergie de la journée passée, il faut une prise en mains forte pour m'arracher à la veille. Il m'arrive de plus en plus de m'endormir devant le film, pas vraiment, quelques instants, un sommeil qui n'a rien de réparateur, une frustration. Plus tard, j'attendrai d'être fatigué pour aller me coucher, je m'éteins facilement. S'il m'arrive d'avoir des insomnies, je marche trois minutes, les yeux à moitié fermés, sur mon tapis à pointes, réflexologie, je me recouche et m'endors illico. Je ne suis plus pour autant capable de passer des nuits blanches. Il paraît aussi que la nuit j'ai des soubresauts, des impatiences dit-on.
J'avais vingt-cinq ans, je dormais un peu plus de quatre heures par nuit et j'étais crevé. Ma mère me donne à lire un dossier sur le sommeil dans le Nouvel Observateur. Nombreux exemples atypiques de dormeurs me montrent que mon sommeil est nettement supérieur à de nombreux personnages célèbres. Je ne suis plus du tout fatigué. Je continue à dormir quatre heures et quart. En vacances, je dors plus longtemps, mais je n'ai jamais retrouvé le sommeil de mon enfance lorsque, le dimanche, je faisais la grasse matinée, ou celui de mon adolescence, où je me couchais tard et me levais vers midi. Tout a changé à la naissance de ma fille. Voilà donc plus de vingt ans (P.S.: 35 à l'heure qu'il est) que je ne dors presque plus. Il m'est parfois arrivé d'avoir un petit coup de barre vers dix-sept heures si je descends en dessous de quatre heures de sommeil, mais c'est heureusement rare. Je suis incapable de faire la sieste, du moins à Paris. L'été (...) je réussis à m'endormir après le déjeuner, mais je déteste la sensation au réveil, ça me crève, je me sens pâteux. J'aime fermer les yeux pour écouter la musique du temps qui passe.
(P.S.: récemment j'ai lu que "nos ancêtres - du moins, avant la révolution industrielle - avaient pour habitude de dormir en deux fois. Ils se couchaient à la tombée de la nuit, se réveillaient vers minuit, restaient éveillés environ une heure, puis se recouchaient jusqu’à l’aube. Un rythme naturel, finalement mieux adapté à notre corps, qui a été modifié au cours des dernières décennies en raison des évolutions du quotidien, notamment du fait de l'apparition de l'électricité." L'historien américain Roger Ekirch l'appelle le sommeil fractionné ou biphasé. Il m'arrive de plus en plus souvent de travailler à mes articles entre trois et quatre heures du matin avant de me rendormir avec la même facilité qu'au début de la nuit).
Si je vis vieux, ma vie aura été intense. Dans le cas contraire, j'aurai simplement condensé mon activité dans un temps plus limité. À quarante ans, j'ai pensé que j'en avais assez fait, que je pourrais m'arrêter. J'ai continué. Plus qu'une vie bien remplie, j'ai l'impression d'en avoir eu plusieurs. Alors je me demande si j'ai vraiment réglé son compte à la mort. Pourquoi est-ce que je ne dors pas ?