Le format du coffret Ultra Collector de l'éditeur Carlotta correspond parfaitement à Crash de David Cronenberg, surtout parce que le film suscite de nombreuses questions auxquelles il est difficile de répondre. Présenté en 4K Ultra HD™ (format qui m'était jusqu'ici inconnu et qu'aucune de mes machines ne reconnaît !), Blu-Ray™ et DVD, il est accompagné d'une foule de suppléments passionnants : une rencontre vidéo avec l'acteur Viggo Mortensen (52mn) et le réalisateur, des entretiens inédits avec le chef-opérateur Peter Suschitzky, le producteur Jeremy Thomas, le compositeur Howard Shore (qui sont le ou les guitaristes ?), la directrice de casting Deirdre Bowen, d'autres avec l'auteur du roman initial J.G. Ballard, les acteurs James Spader, Holly Hunter, Deborah Kara Unger, Elias Koteas, etc., plus trois courts métrages (Le nid, Caméra et Le suicide du dernier juif sur Terre dans le dernier cinéma sur Terre), des bandes-annonces...
On n'en ressort pas indemne. Sans être aussi pénible, sa puissance provocatrice rappelle Salò ou les 120 journées de Sodome. Si le film de Pasolini est fondamentalement politique, celui de Cronenberg est essentiellement érotique. Or le fétichisme masochiste de la rencontre des corps et des automobiles dans la situation critique de l'accident interroge foncièrement nos propres fantasmes...


Si l'odeur de soufre vient des bolides écrabouillés, des cicatrices et des prothèses transformant les êtres désirants en androïdes expérimentaux, il ne faut jamais perdre de vue l'humour sous-jacent qui anime Cronenberg dans tous ses films, à l'instar de Kafka qui hurlait de rire en lisant Le château perché sur un tabouret, ou encore du facétieux Luis Buñuel. Les films du cinéaste canadien ne véhiculent aucun message, ne sont portés par aucune morale. Les faits sont là, cliniques. Libre à chacun/e de se faire son cinéma. Crash est une histoire d'amour entre des êtres humains qui ont choisi de passer à l'acte, de franchir la frontière qui nous cantonne majoritairement à nos fantasmes. L'opération est éminemment dangereuse, ce qui explique que peu d'entre nous s'amusent à passer de l'autre côté. Le jeu obsessionnel avec la mort tient d'une poésie brute qui s'est affranchie de toute rationalité.
La plasticité du film le transforme en objet esthétique, des nœuds autoroutiers à la lumière nocturne, des bolides froissés que certains sculpteurs ont vus exposés dans les musées d'art contemporain aux corps nus des acteurs et des actrices, de la pureté de leur glissement progressif du plaisir à la sublime absurdité du célèbre couple Eros et Thanatos... Dans le somptueux livre de 160 pages accompagnant les galettes argentées, les analyses d'Olivier Père, Sandrine Marques, Nicolas Tellop, Thierry Jousse livrent quelques pistes tandis que les entretiens de Cronenberg avec Serge Grünberg pour Les cahiers du cinéma ou très récemment avec Julien Gester dans Libération valident celles que ma sensibilité et ma cinéphilie avaient supputées ! Ce chef d'œuvre de 1996 lève un voile sur notre inconscient sans ne jamais l'ôter, laissant dans les limbes ce que nos vies doivent à la poésie.

→ David Cronenberg, Crash, coffret Ultra Collector, limité et numéroté à 3500 exemplaires, 4K Ultra HD™+ Blu-Ray™+DVD avec livre illustré de 160 pages, ed. Carlotta, 50€ (éditions individuelles Blu-Ray ou DVD sans le livre, mais avec tout de même plus de 3 heures de suppléments exclusifs, 20€)