Combien de fois ai-je remis À principiu de L'Alba sur la platine sans être capable d'écrire un mot ? Tout de suite senti l'accroche. De quel coin du monde arrivait ce petit objet rond dans sa pochette promo quasi anonyme ? Je déteste cet entre-deux que la photocopie qui l'accompagne n'éclaire qu'en la relisant plusieurs fois parce que les informations y sont noyées dans le laïus d'un pigiste bien obligé d'arrondir ses fins de mois. Il manque le véritable objet qui justifie l'achat plutôt que de se contenter de son fantôme dématérialisé, avec le livret, les paroles parfois, etc. Là c'est vraiment nul, même la vidéo avec entretiens et extraits a disparu pendant que j'écrivais mon petit compte-rendu. Et puis de toute manière je préfère toujours me reporter aux auteurs plutôt qu'à leurs thuriféraires. Jean-André Fieschi m'avait bien appris qu'il vaut toujours mieux lire un livre de Jean Renoir qu'un livre sur lui. Il y a bien celui, magnifique, sur son père Pierre-Auguste, mais c'est une autre histoire.
Ici on peut d'abord penser à l'Inde, à la Roumanie, je raconte n'importe quoi, y connaissant si peu. En 1975 je jouai pourtant de la guimbarde sur un 33 tours des Fédérations de la Corse du PCF à la demande de mon maître, originaire de Bastelicaccia. On comprend évidemment vite qu'ils sont corses. C'est qu'ils ont de sacrées belles voix. Qui cela ? Comment savoir ? J'épluche la page, ravi par l'écoute. L'orchestre est du niveau. C'est rudement bien. Les chants polyphoniques révèlent l'évidence. Les guitares électriques se mêlent aux instruments traditionnels du pourtour de la Méditerranée... Ghjuvanfrancescu Mattei à la guitare, Éric Ferrari à la basse, Ceccè Guironnet aux instruments à vent, Sébastien Lafarge à l'harmonium, et puis aussi Laurent Barbolosi au violon, Fanou Toracinta et Antoine Chauvy à la guitare, Petrughjuvani Mattei qui chante avec presque tous les autres, Dédé Tomaso... Je glane les infos sur la Toile...


Invités, le percussionniste Mokhtar Samba souligne ce voyage autour de Mare Nostrum, ou encore le guitariste zimbabwéen Louis Mlhanga, sur la onzième et dernière chanson, montre que L'Alba s'enfonce désormais dans les terres ensoleillées. Comme j'ai du mal à me repérer au milieu de ce fouillis de lignes, j'abandonne l'idée de comprendre qui est qui, qui joue quoi et où, je m'abandonne et je remets ça. Juste la musique. Le chant. Une histoire entre hier et aujourd'hui, entre ici et là-bas, toujours plus loin. La musique est espéranto.

→ L'Alba, À principiu, CD Buda Musique, dist. Socadisc, 15€