Le réel est toujours plus surprenant que les conventions de la fiction. On le savait, mais cela fait du bien de le vérifier lorsqu'un film intelligent et sensible sort du lot des imbécillités que le cinéma commercial ou pas nous sert à tous bouts de champ. Rarement des portraits d'hommes auront été aussi convaincants et honnêtes, dans leur trouble ambigu, leur fragilité assumée. On parle de cinéma féministe lorsqu'il sait rendre aux femmes leur pouvoir, mais ici il est encore plus jouissif de voir des hommes aux prises avec leurs doutes et leur incapacité à gérer le quotidien comme savent et doivent le faire depuis toujours leurs compagnes. L'héroïne n'est pourtant pas mieux lotie, écartelée entre deux mères, la génitrice faisant son entrée quand disparaît l'adoptrice, entre deux hommes, l'un apparaissant lorsque l'autre s'en va, entre deux vies, condamnée à quitter un passé fantasmé pour un avenir incertain. Les personnages ne réfléchissent pas ce à quoi l'on s'attend, mais leurs choix sont autrement plus vrais que les scies rabâchées.
Nerveux et précis, fourmillant de rebondissements inattendus, d'ellipses astucieuses, Then she found me nous épate par la justesse de son propos. À force de répéter sans cesse les mêmes formules, le cinématographe nous a peu habitués à tant de lucidité. Si le film n'a rien d'un documentaire, il prend bien les conventions de la fiction à rebrousse-poil pour se rapprocher du réel, et le miracle vient de ce que l'on s'y reconnaît ou du moins que l'on comprend enfin comment ça marche, de la relation amoureuse, de la pulsion sexuelle ou du désir d'enfant d'une femme qui aura bientôt quarante ans.


User des ressorts du genre sans en conserver les réflexes risque de faire passer cette comédie dramatique produite, réalisée et interprétée par la comédienne Helen Hunt, remarquablement entourée par Bette Midler, Colin Firth et Matthew Broderick, au-dessus des têtes d'une presse engluée dans un machisme inconscient et incapable de se remettre en question. Détail amusant, on y aperçoit à la fin Salman Rushdie dans le rôle d'un gynécologue ! Et puis, tant pis, comme d'habitude je ne raconte rien pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte, vous devrez me croire sur parole. Then she found me, dont le titre français est un mauvais jeu de mots, Mère sur prise, [est sorti] le 2 juillet 2008 sur les écrans français.
Le titre n'est certainement pas simple à traduire : là où l'anglais sonne sec et nerveux avec ses mots monosyllabiques, le français (Une histoire de famille !), qui possède d'autres subtilités, est balourd. D'autant que la clef est dans le Then, le passage, l'enchaînement des plans et des séquences, le montage, la surprise.

Article du 30 mai 2008