À force de tirer sur le fil d'Ariane se révèlent de temps en temps quelques Minotaures. Ça ne rigole pas. C'est plutôt grave. Une guitariste dont il est dit qu'elle est une des plus importantes innovatrices actuelles sur l'instrument et dont je n'avais évidemment jamais entendu parler. Une dizaine d'albums à son actif, la plupart instrumentaux solistes, mais Kaki King chante aussi sur Dreaming of Revenge (2008) ou Junior (2010). La native d'Atlanta en Géorgie, 42 ans, mariée à une certaine Jessica, deux enfants, installée à Brooklyn, a la particularité de jouer en tapping et en slap sur une guitare acoustique, parfois posée sur ses genoux. C'est très beau. Elle utilise aussi des pédales d'effets qui lui permettent de créer des boucles et d'empiler les voies. Je commence par le dernier, Modern Yesterdays, enregistré pendant le confinement. Ça plane sévère. J'enchaîne avec le précédent qui date de 2015, The Neck Is a Bridge to the Body, musique d'un spectacle multimédia où l'Ovation Adamas 1581-KK construite pour elle sert d'écran au groupe Glowing Pictures.


Les morceaux sont très différents les uns des autres, du joli au trash, toujours très maîtrisés, dans les compositions comme dans les improvisations. Le jeu de Kaki King rappelle ceux de Michael Hedges, Erik Mongrain ou Preston Reed qui frappent aussi les cordes avec leurs deux mains. Ils sont nombreux à avoir pratiqué le tapping, Jimmy Page, Steve Hackett, Joe Satriani, Steve Vai, Eddie Van Halen, Allan Holdsworth, Biréli Lagrène, mais Kaki King en fait un usage quasi systématique avec une virtuosité incroyable parce qu'elle ne se sent pratiquement pas, ce qui est la définition-même de la virtuosité. Certaines de ses pièces ont été arrangées pour un orchestre de douze étudiants de Berkekey, The Porta Girevole Chamber Orchestra, avec qui elle enregistre Live at Berklee en 2017. Lors de son Traveling Freak Guitar Show, elle agrandit sa panoplie à une guitare harpe, un dojo, une guitare à sept cordes en nylon avec frets en éventail et une sorte de koto qu'elle a construit elle-même. C'est en fouillant les nouveautés du label Cantaloupe que je suis tombé sur elle, rien d'étonnant, le cousinage avec Bang On A Can est évident. La "nouvelle musique" américaine. En éternel curieux je me rassasie sur Bandcamp.