« Les Allumés du jazz sont le seul journal de jazz à maintenir un point de vue politique sur cette musique », écrivait Francis Marmande dans Le Monde Diplomatique de décembre 2004. Avec l'arrivée du printemps et le regain d'intérêt des Français pour la politique, bien que les grands médias nous serinent douteusement le contraire, faisant scandaleusement l'impasse sur le mouvement de résistance qui grossit de jour en jour, il est agréable de constater que le journal de l'association de 58 labels indépendants de jazz et (le plus souvent) assimilés consacre presque tout son numéro 29 à des musiciens engagés et à des réflexions replaçant la musique dans son contexte social et politique. Passé les témoignages des musiciens grecs Thamos Lost, Dimitra Kontu et Kostas Tzekos, ainsi que du professeur Nicolas Spathis, sur les arnaques dont leur pays fut la cible et qui préfigure ce qui nous attend, on souhaiterait un dossier plus complet sur leur paysage musical, mais le canard de 28 pages est déjà bien rempli. L'éthique titille les producteurs Jean-Louis Wiart et Jacques Oger, le saxophoniste François Corneloup et le disquaire Olivier Gasnier ; l'équipe du journal titille Daniel Yvinec, directeur artistique de l'Orchestre National de Jazz ; la Garde Civile espagnole titille Larry Ochs sur ce qui est jazz ou pas, question que se posent aussi les précédents contributeurs cités ! Suit un gros dossier sur le scandale de la création du Centre National de la Musique (CNM) par un ministre de la culture sur le départ sans concertation avec les intéressés, et pour cause, l'institution servant essentiellement les intérêts des grands groupes industriels. Témoignent encore les musiciens Hélène Labarrière, Sylvain Kassap, Benoît Delbecq, ainsi que Sud Culture Solidaires, Fabien Barontini (directeur du festival Sons d'Hiver) et Jacques Pornon, sans oublier ceux qui préfèrent lutter de l'intérieur au risque de se faire berner méchamment, Philippe Couderc (président de la Fédération des Labels Indépendants) et Françoise Dupas (présidente de la Fédération des Scènes de Jazz). Petite pause de quatre pages avec Le Cours du Temps que j'initiai à l'époque où je partageais la rédaction en chef du journal avec le producteur Jean Rochard aux multiples et amusants pseudonymes, cette fois avec le violoniste Dominique Pifarely qui repasse en détails son parcours musical et ses engagements politiques. Eh oui, ça continue, encore et toujours, puisque le batteur Bruno Tocanne évoque ses rêves et résistances. Même la photo de Guy Le Querrec qui s'étale sur une demi-page en quatrième de couverture est commentée par le batteur Edward Perraud, membre fondateur de Das Kapital, entre autres. Ajoutons les nouveautés discographiques commentés par Jean-Paul Ricard, qui font hélas l'impasse sur les albums numériques gratuits uniquement accessibles sur Internet, et les petits mickeys originaux d'une ribambelle de dessinateurs chevronnés (Ouin, Nathalie Ferlut, Johann de Moor, Jeanne Puchol, Rocco, Percelay, Pic, Efix, Andy Singer, Zou, Sylvie Fontaine, Jazzi, Cattaneo) plus de belles photos noir et blanc, et vous n'aurez pas perdu votre temps (ni votre argent puisque c'est gratuit).
Et tout cela lu sur iPad, allongé sur un divan moelleux, puisqu'on peut le télécharger sur leur site comme tous les précédents numéros, et que j'ai ouvert le fichier PDF directement dans iBooks. Pas d'encre sur les doigts, une définition graphique exceptionnelle, et si les ADJ voulaient faire des économies d'impression et de postage, un moyen de rayonner bien au delà des 18 000 exemplaires régulièrement distribués dans les boîtes aux lettres. Seul inconvénient, on ne peut pas le lire dans le bain sans risquer de bousiller sa tablette numérique.