Comment une série aussi réussie a-t-elle pu nous échapper ? 1996, à cette époque, le rejet global de tout ce qui pouvait sortir de l'infâme lucarne nous en interdisait simplement l'accès. Pour d'autres raisons, le public américain en fut privé dès le quatrième épisode : politiquement incorrect, sexuellement malsain, sur plus d'un aspect provoquant, Profit fut déprogrammé suite aux plaintes de téléspectateurs, bien que la première saison composée de huit épisodes ait été intégralement produite. La suite ne vit évidemment jamais le jour. La chaîne française Jimmy diffusa l'ensemble en 1997 en exclusivité mondiale et l'édition DVD ne sortira qu'en 2005.
Si Profit décrit impitoyablement le monde de l'entreprise et le capitalisme, il dévoile une vision psychanalytique de la famille qui ne pouvait que choquer l'Amérique, d'autant que ses auteurs, John McNamara et David Greenwalt, réussissent à nous ranger sans hésiter du côté de Jim Profit, criminel psychopathe manipulateur, contre le monde impitoyable des affaires incarnée par la multinationale Grocen & Grocen. Deux terribles histoires de famille se font face. La misère ou l'opulence n'évitent pas le sordide. Au crime de masse nous préférons la cynique revanche de l'enfant battu. Sans sourciller, nous vibrons en sympathie avec le héros négatif. Ce n'est pas "l'homme que nous aimerons haïr", c'est l'assassin que nous serons surpris d'aimer ! Chaque épisode est un coup monté, une énigme renversante de 45 minutes avec des acteurs dirigés de main de maître. La série, pourtant directement inspirée par Richard III, était trop en avance sur son temps pour remporter le succès mérité. Douze ans plus tard, même le recours aux nouvelles technologies tient parfaitement la route. Si elle sortait aujourd'hui, elle ferait un malheur. Corruption, conspiration, mensonge, trahison, jalousie, inceste, viol, assassinat, que pouvait-on rêver de pire pour décrire la société contemporaine sous ses attraits d'apparat ?