L'éditeur Carlotta fait toujours bien les choses. Le complément de programme est aussi passionnant que le film qu'il accompagne. Peter Brook y raconte comment il réussit à réaliser son premier film en 1963 d'après un roman de William Golding. Il évoque la magie du casting et répond aux questions que l'on est à même de se poser : que sont devenus les enfants qui jouaient dans Sa Majesté des mouches, film hors normes, unique, analyse bouleversante de la condition humaine ? Tout semble monstrueusement naturel, comme le retour fulgurant à l'état sauvage de ses gosses abandonnés sur une île déserte suite à un accident d'avion.
L'histoire de l'humanité passe par le conte à valeur de mythe. C'est hélas ainsi que l'on fait naître les mythes. Le vernis de la bonne société craque pour laisser place à tout ce qu'elle contient et encadre, une organisation tribale, injuste et brutale sous la coupe d'un chef charismatique, à l'image de ce que l'Allemagne avait représenté. Quelques scènes hystériques construisent le rituel et instaurent une religion aussi absurde que n'importe quelle autre. L'intolérance prend le dessus et la mort est son exutoire. L'animalité de l'homme (Brook a refusé d'ajouter des rôles féminins qui auraient immanquablement sexualisé le scénario !) renvoie à la puissance des forts sur les faibles au combat de la force et de l'esprit. qui paieront souvent de leur vie. Beaucoup y laissent la vie. Le roman de Golding est sans ambiguïté : la civilisation, représentée par un montage d'images fixes évoquant l'éducation rigoureuse britannique et la guerre froide, ponctue le générique d'ouverture. La civilisation n'est ne serait qu'un fragile garde-fous où la liberté peut rapidement glisser vers la sauvagerie, la superstition et la violence. Devant la justesse des questions posées par mc, je préfère corriger le texte initial (en barrant et en signalant les ajouts en gras, pour que son commentaire reste cohérent). Mes corrections n'apaiseront probablement pas la virulence de sa critique, mais elles me permettent d'assumer un texte écrit un peu trop rapidement avec prise médicamenteuse déconseillée pour la conduite et l'usage de machines.


Dans Le cinéma en liberté, Peter Brook insiste qu'il ne peut y avoir de liberté pour l'auteur d'un film qu'avec un budget riquiqui, et d'évoquer les mérites du cinéma numérique. Il décrit ensuite comment, quarante ans plus tard, le chasseur dictatorial est devenu trafiquant d'armes en Amérique du Sud, le démocrate est féru d'écologie, et Piggy un brillant et généreux homme d'affaires spécialisé dans le commerce de friandises avec l'ex-URSS ! Le casting était-il aussi pointu ou les rôles auront-ils marqué les comédiens en herbe ? La société des mâles, rejouant la guerre du feu, est démasquée. Les jeunes acteurs sont tous exceptionnels, le noir et blanc propice au nouveau mythe, la jungle aussi paradisiaque qu'infernale. Le commentaire de mc en dit plus que je ne l'expose, veuillez vous y référer en cliquant sur Commentaires.
Le dvd est accompagné d'une partie pédagogique lisible exclusivement sur un ordinateur. Riche et dense, elle ouvre de sérieux débats dans le cadre scolaire, et dans la vie précaire que nous menons sans pouvoir présumer de l'avenir. Mais Sa majesté des mouches est surtout un grand film, indémodable, nos sociétés continuant à perpétuer les mêmes valeurs sous-jacentes, et faisant tout ce qu'elles peuvent pour faire oublier que l'homme, tout pensant qu'il est, est l'animal qui s'est arrogé tous les pouvoirs.