70 Cinéma & DVD - mars 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 25 mars 2011

Mean Streets, film ethnique


Après la dégringolade des derniers films de Martin Scorsese, revoir Mean Streets permet d'apprécier l'authenticité et la sincérité du réalisateur à ses débuts. Film quasi autobiographique, du moins dans l'étude de son milieu social et de sa jeunesse dans le quartier italien de New York, le film possède une valeur documentaire exceptionnelle. Passé le conseil assaisonné que John Cassavetes lui donna à la sortie de Bertha Boxcar de faire ce qui lui plaît réellement, cette influence directe se fait sentir dans les plans à l'épaule, l'amitié virile des petits machos et les improvisations extraordinaires que ces deux phénomènes engendrent. Harvey Keitel y est extrêmement touchant et Robert De Niro une parfaite tête à claques, tandis que Scorsese étale ses doutes sur son ancienne attirance pour la prêtrise. L'aspect fondamentalement chrétien de son cinéma de gangsters m'a toujours empêché d'y adhérer totalement. Si l'hypocrisie de cette morale avec laquelle on s'arrange par la confession, le repentir, la punition et la rédemption me lève la peau, je me laisse porter par cette plongée ethnique comme dans n'importe quel film exotique. La magie s'évanouira hélas après Casino lorsque la rigueur du scénario et la manière de filmer s'effaceront derrière un classicisme arbitraire et un maniérisme tout aussi maladroit.
Les bonus publiés par Carlotta confirment mon sentiment, évocation de sa jeunesse par Scorsese, témoignages de son chef opérateur Kent Wakeford et du critique Kent Jones, reportage sur le réalisateur revenant dans Little Italy après le tournage et un autre sur ce que sont devenus les décors aujourd'hui, les home movies en Super 8 muets utilisés pour l'introduction de Mean Streets présenté ici remasterisé, etc. La version Blu-Ray offre en supplément Italianamerican, le moyen métrage tourné par Scorsese en 1974 avec ses parents. Mean Streets qui fut son premier succès l'année précédente est la pierre angulaire de tout son cinéma.

mardi 22 mars 2011

Mourir ? Plutôt crever !


Mourir ? Plutôt crever ! de la réalisatrice Stéphane Mercurio, sur son père Maurice Sinet dit Siné, est un film drôle et politique. La longue vie d'empêcheur de tourner en rond du dessinateur pamphlétaire offre suffisamment de rebondissements pour alimenter les 95 minutes sans ne jamais s'essouffler. De la guerre d'Algérie jusqu'aujourd'hui en passant par mai 68, Siné fut sur tous les fronts de résistance, liant amitié avec Prévert et Malcolm X, ne se laissant jamais museler malgré les procès et les menaces. Entouré par une bande de potes dont la solidarité s'exprimera magnifiquement avec le lancement de Siné Hebdo après son éviction scandaleuse de Charlie Hebdo par le fat dictateur Val (passé depuis à France Inter), il fait partie de ses vieillards indignes qui n'ont jamais déposé les armes tel Stéphane Hessel, capable de faire encore scandale pour oser remettre en question l'état colonialiste d'Israël. Ma mère avait vendu ses chats pitres en cartes postales. Plus tard j'achetai chaque semaine L'Enragé dont je conserve également pieusement la collection complète. Nous l'interviewames sur son lit d'hôpital pour le Journal des Allumés et je rempilai avec son dernier canard devant la stupidité de la Licra, BHL et consort, et même qu'on les sorte... La bande-annonce rend bien le feu d'artifices d'intelligence du vieil anar...


Le DVD des Éditions Montparnasse qui sortira le 5 avril offfre en plus deux dessins animés, Le monde de Siné et Ah ah ah ah ah..., le bouclage du dernier numéro de Siné Hebdo et quelques réactions à la sortie du film. Le CD des musiques de jazz accompagnant le long métrage ne me paraît pas indispensable hors contexte, mais il fait certainement tant plaisir au provocateur patenté. Je vois mal comment on pourrait refuser un bon swing au maître de l'uppercut.

dimanche 20 mars 2011

À la télé, au cinéma, en dvd...


Bref survol de quelques films vus récemment à la télé, au cinéma ou en dvd, et qui ne feront l'objet d'aucun billet particulier... En vrac, à profusion et arbitrairement...
Ceux de 2010 :
Benda Bilili !** de Renaud Barret et Florent de La Tullaye, leçon de vie par un orchestre de musiciens congolais handicapés, sur le conseil de ma tante Arlette Martin, les bonus de ce film musical justifient l'achat du DVD
Le discours d'un roi (The King's Speech)* de Tom Hooper, beau numéro d'acteurs noyé dans de l'alexandredesplatitude
Hors-la-loi** de Rachid Bouchareb, bien meilleur que Indigènes et indispensable pour comprendre un passage caché de l'Histoire de France, Djamel Debbouze y est formidable
Les petits mouchoirs** de Guillaume Canet, un nouveau Sautet ou Lelouch qui se laisse regarder avec plaisir grâce à l'admirable jeu des comédiens, comme le précédent sur le conseil de Nicolas Clauss
Winter's Bone* de Debra Granik, plus drame que polar, bien poisseux, pas ma tasse de thé mais vraie ambiance
Inception* de Christopher Nolan, pour l'action et le Rubik's Cube du scénario
The Green Hornet° de Michel Gondry, catastrophique pantalonnade
The Social Network* de David Fincher, si vous ne connaissiez déjà l'investissement libidinal des sales gosses devenus les manitous du Net de de l'informatique
Black Swan° de Darren Aronofsky, un cliché machiste de l'univers de la danse assez tape-à-l'œil pour faire illusion, semble-t-il
Tamara Drewe** de Stephan Frears, sur le conseil d'Anna Prangenberg, une comédie réussie inspirée d'une célèbre BD
contrairement aux Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec°, plus nul tu meurs, une honte de plus à l'actif de Luc Besson, un sacrilège
Gainsbourg (Vie héroïque)° de Johann Sfar, sans grand intérêt, mieux vaut acquérir les clips publiés en DVD par Universal plutôt que ce manège de faux sosies
Detective Dee and the Mystery of the Phantom Flame* de Tsui Hark, prise en charge garantie, heroic fantasy avec des baguettes
City of Life and Death (Nanjing! Nanjing!)* de Lu Chan, épopée manichéenne chinoise anti-japonaise en noir et blanc, fastidieux
Tournée** de Mathieu Amalric, magnifiques premières trente minutes, mais la suite est paresseuse
Vénus noire° de Abdellatif Kechiche, c'est malhonnête de ma part d'en parler, j'ai calé à la moitié tant je m'ennuyais ; fiction de gauche, "le cinéma du réalisme citoyen" que critique Laurent Dubreuil dans les derniers Cahiers du Cinéma représente bien "le cinéma révisionniste" fustigé par Alain Badiou (dont les écrits sur le cinéma ont été récemment publiés)
Solutions locales pour un désordre global*** de Coline Serreau, le sujet est trop important pour que je n'en fasse pas un billet à part entière, à suivre
L'année précédente :
À l'origine*** de Xavier Giannoli, un film superbe qui nous interroge sur la manipulation des cerveaux disponibles dont nous pourrions être tous victimes à force d'illusions perdues, Cluzet en grande forme
I Love You Philip Morris** de Glenn Ficarra et John Requa, comédie irrésistible avec Jim Carey en escroc de haut vol, une histoire d'amour entre deux hommes, inspirée d'une histoire vraie comme le précédent
Le roi de l'évasion*** d'Alain Guiraudie, son meilleur de très loin, aucun poncif, du cousu main, à voir absolument comme celui de Giannoli
Violent Days** de Lucile Chaufour, un autre film français qui évite la sempiternelle bourgeoisie se répandant sur tous les écrans, la réalisatrice filme une classe sociale rarement vue au cinéma, prolos du Havre nostalgiques du rock 'n roll, le noir et blanc participe à la fusion de la fiction et du documentaire, et puis elle chante bien, rare chez les cinéastes
La cour des plaignants** de Zhao Liang, intéressante plongée dans la corruption chinoise filmée sur dix ans, terrible
Chéri° de Stephan Frears, adaptation de Colette totalement ratée, contrairement aux deux autres films du même cités ici
Chloe** d'Atom Egoyan, pour une fois bien meilleur remake que l'original (Nathalie* d'Anne Fontaine), contrairement à ce qu'a prétendu la critique ; à comparer les deux, bonne leçon de scénario grâce aux détails pour cette œuvre de commande
Et les plus anciens, par ordre chronologique inverse :
La révélation** de Hans Christian Schmid (2009), cette étonnante fiction est une dénonciation des magouilles politiques du Tribunal de La Haye autour des atrocités perpétuées en Bosnie
Missing (Sam hoi tsam yan)°, psycho-thriller de Tsui Hark (2008), si l'on fait abstraction du sirop mélo
7h58 ce samedi-là (Before the Devil Knows...)** de Sidney Lumet (2007), excellent polar avec Philip Seymour Hoffman et Ethan Hawke en mauvais fils
Ghosts of Cité Soleil** de Asger Leth et Milos Loncarevic (2006), musique de Wyclef Jean et Jerry "Wonder" Duplessis, documentaire époustouflant sur les bandes en Haïti du temps d'Aristide
Les faussaires* de Stefan Ruzowitzky (2006), intéressante anecdote historique sur des faux-monnayeurs juifs au service des Nazis
Les pommes d'Adam (Adams Äpplen)*** de Anders Thomas Jensen (2005), sur le conseil d'Anna, comédie dramatique politiquement incorrecte danoise qui mérite d'être redécouverte (et des pas mûres)
Imposture** de Patrick Bouchitey (2005), la classique intrigue en milieu littéraire est développée de manière originale, pas étonnant du réalisateur-comédien de Lune froide, intéressante approche du masochisme
Broken Wings** de Nir Bergman (2002), sur le conseil de Lucien Alfonso, très beau film israélien sur le désarroi de la jeunesse
Dirty Pretty Things*** (2002) de Stephen Frears, excellent polar londonien dans le monde des sans-papiers clandestins
La chatte à deux têtes** de Jacques Nolot (2002), film gonflé, entendre qu'il peut choquer beaucoup de monde car Nolot montre essentiellement les spectateurs d'un porno dans l'obscurité avec le ballet des travestis qui leur tournent autour, le film passe bien mais ça fait un peu mal
Chaos*** de Coline Serreau (2001), un de ses meilleurs films, Françoise m'en parlait depuis longtemps, la prostitution sous toutes ses formes, entre le thriller et la comédie de mœurs
Le huitième jour*** de Jaco van Dormael (1995), comédie salutaire où l'aspect populaire n'interdit pas la fantaisie
Once more (Encore)** de Paul Vecchiali (1988), cinéaste mésestimé ou méconnu avec pourtant à son actif plus de 50 longs métrages, une œuvre, inventive et subversive, coming out avec réminiscences ici de Jacques Demy, j'ai vu énormément de ses films dans les années 70-80 (Femmes femmes****, Corps à cœur****, Change pas de main**, La machine*...), mais j'ai découvert cet incontournable grâce à Fabien Béziat
Mon oncle d'Amérique*** d'Alain Resnais (1980), bien meilleur que dans mon souvenir, même si la psychanalyse est évacuée au profit des théories de Laborit, pourquoi faut-il toujours opposer au lieu de jouer les complémentaires ?
Série noire** d'Alain Corneau (1979), vu à l'occasion de sa mort sur le conseil de Pierre Oscar Lévy, dialogues de Georges Perec, déprimant et très réussi
Le malin (Wise Blood)° de John Huston (1979), il faut être nord-américain pour apprécier le délire préchi-précha
Affreux, sales et méchants° d'Ettore Scola (1976), le gros comique bien gras, même critique, m'est insupportable
Le privé (The Long Goodbye)*** de Robert Altman (1973), revu sur le conseil d'Elisabeth Lequerret, drôlement bien
L'attentat* d'Yves Boisset (1972), revu sur le conseil de Jacques Perconte, pas mal
Ubu enchaîné** de Jean-Christophe Averty (1971), un peu lourd, mais décapant
Mickey One*** d'Arthur Penn (1965), mon souvenir ne m'a pas trahi, super polar avec en plus la machine de Tinguely qui s'autodétruit en feu d'artifices
Du silence et des ombres (To Kill a Mockingbird)*** de Robert Mulligan (1962), sur le conseil de Vincent Segal, formidable pamphlet anti-raciste, les deux jeunes héros jouent aussi génialement que ceux de La nuit du chasseur****, étrangement méconnu en France
Po zakonu (Dura Lex)*, western constructiviste de Lev Koulechov (1926), décors d'Alexandre Rodchenko, moins enthousiasmant que nous l'espérions
Idem avec le premier volume de L'usage du monde*, où officient Julien Samani (Les hommes de la forêt 121, 2007), Serguei Loznitsa (Lumière du Nord, 2008), Wang Bing (L'argent du charbon, 2008) et évidemment Stéphane Breton (La maison vide, 2008, et La montée au ciel, 2009) dont les documentaires n'ont pas l'originalité de ses précédents***, c'est fort mais la complicité a fait place à la contemplation
La série Bored to Death* est sympa si l'on ne regarde qu'un épisode à la fois (26') de cette comédie déjantée, humour juif new yorkais, fumette et petites pépés, le générique est superbe comme souvent dans les séries américaines. On peut préférer Californication* ou, mieux, Breaking Bad**...
J'en oublie forcément.
En dehors de la saison 4 de Mad Men*** et de l'intégralité des comédies transgressives américaines**** conseillées par Jonathan Rosenbaum (dont le site est une mine), ceux qui m'ont véritablement accroché sont en rubrique Cinéma & DVD**** !

**** Chef d'œuvre *** A voir absolument ** A voir * Pourquoi pas ° À éviter

lundi 14 mars 2011

Taking Off de Milos Forman


Je n'avais qu'un vague souvenir de Taking Off sorti en 1971 à une époque où je portais les cheveux longs, un pantalon pattes d'eph et un collier au-dessus de ma tunique indienne. En septembre de cette année-là j'entrai à l'Idhec en racontant au jury que mes films préférés étaient Easy Rider de Dennis Hopper et Solo de Jean-Pierre Mocky, Peace and Love d'un côté, mai 68 de l'autre ! Ma scolarité élargit heureusement mon champ de vision.
Le costard que Milos Forman taille aux parents coincés qui rêvent de ce dont sont capables leurs enfants fugueurs était évident. Mais ai-je alors perçu le regard tendre et acide que le réalisateur portait aux jeunes hippies ? Filmés frontalement lors d'une audition ravageuse et livrés aux contradictions rendues inévitables lors du passage à l'âge adulte, ils sont l'objet d'une critique sociale qui ne quittera jamais le cinéaste. Il abordera un sujet proche avec Hair, plus grinçant que la comédie musicale dont le film est tiré. Dans Taking Off la scène de leçon de fumette entre adultes est un morceau d'anthologie et le clin d'œil au Black Power montre que Forman était conscient du contexte politique, ayant été lui-même témoin, avec son co-scénariste Jean-Claude Carrière, tant des émeutes anti-guerre du Vietnam que des évènements de mai et du Printemps de Prague. Les trouvailles, souvent drôles, inspirées par la nouvelle vague ou propres au cinéma tchécoslovaque, comme son goût pour l'hystérie, ne disparaîtront jamais de sa filmographie, véritable vol au-dessus d'un nid de coucou.


Taking Off était son premier film sur le sol américain et une de ses meilleures comédies. Les suppléments du DVD avec Carrière et lui sont, comme toujours chez l'éditeur Carlotta, passionnants.

jeudi 10 mars 2011

Films sur le Cambodge (22)


Au retour du Cambodge, nous regardons quelques films emblématiques du pays à commencer par ceux de Rithy Panh. Sur le thème de la prostitution, Le papier ne peut pas envelopper la braise (2006) abrite quelques belles scènes, mais l'ensemble est paresseux, fouillis et complaisant. Le montage tourne en rond et le parti pris de ne jamais laisser les filles regarder la caméra finit pas produire une ennuyeuse distance de voyeur. Avoir presque tout tourné dans l'hôtel où logeait l'équipe de son film précédent donne une image tronquée qui gomme l'énergie stupéfiante, entendre que les filles sont camées à mort, qu'elles déploient avec leurs clients. Le misérabilisme flatte les spectateurs occidentaux, mais on n'apprend pas grand chose. L'exotisme des films du réalisateur cambodgien les enthousiasme alors qu'ils s'ennuieraient ferme si le cadre ressemblait au leur. Heureusement les scènes où le rabatteur compte son cheptel avec des imitations de poupées Barbie et l'histoire racontée en dessins livrent enfin un peu de cinéma. S21, la machine de mort Khmère rouge (2003) souffre des mêmes travers. La caméra suit laborieusement les propos des témoins du massacre. Les reconstitutions où les bourreaux miment leurs crimes sur des fantômes invisibles sauvent le film du manque de vision cinématographique. Je m'interroge si le succès des films de Rithy Panh est le fruit de la mauvaise conscience du public occidental ou d'une condescendance aux relents coloniaux ? Trop de documentaires souffrent de la même absence de style, les reléguant à mes yeux à des reportages qui ne manquent pourtant pas d'intérêt.
Le blockbuster de Roland Joffé, La déchirure (The Killing Filels) (1984), évoque l'arrivée des Khmers rouges à Phnom Penh et la libération du pays par les troupes vietnamiennes. On comprend un peu le mécanisme délirant de l'auto-génocide avec les différentes factions qui s'entretuent, mais l'aspect analytique reste très superficiel. J'ignore si l'histoire d'amour entre le journaliste américain et son interprète est volontaire ou si cette bluette étayerait les thèses de Mark Rappaport sur l'homosexualité latente dans le cinéma hollywoodien, mais elle truste tout le pathos du film.
Un seul réussit à rendre la réalité de la misère, les conséquences tragiques de la guerre, la corruption qui étouffe le pays et la difficulté des interventions pour y remédier. Holly (2006) est un film de Guy Moshe passé complètement inaperçu. Le réalisateur dont ce fut le premier long métrage raconte l'histoire d'un trafiquant d'objets d'art qui tente de sauver une gamine de douze ans de la prostitution. Le film a été produit dans le cadre du programme K11 en relation avec l'ONG RedLight Children. Au delà de la justesse du regard sur le moindre détail, le film dresse un extraordinaire portrait du Cambodge d'aujourd'hui sans se laisser formater par les mauvaises manières d'Hollywood. La double course effrénée de la fin où l'on entend seulement les deux respirations est emblématique de toutes les trouvailles du film. Comment une telle œuvre avec son potentiel grand public peut-elle passée inaperçue lorsque les distributeurs nous servent tant de navets insipides ? Le choix de la partition musicale du compositeur contemporain Tiêt Tôn-Thât rappelle l'approche de Hans Werner Henze pour Muriel de Resnais, évitant tous les poncifs larmoyants pour créer une tension vertigineuse déstabilisante.
On est à l'opposé de la partition kitschissime d'Étienne Perruchon dont Patrice Leconte s'est inspiré pour son montage Dogora, ouvrons les yeux (2004) où les images, sensibles et somptueuses, sont écrasées par la partition grandiloquente qui oscille entre Carmina Burana et la musique de cirque.
L'empire du milieu du sud (2008) de Jacques Perrin et Éric Deroo (Ed. Montparnasse) a le mérite de prendre le contrepied du reportage historique. Montage de documents exceptionnels sur le Vietnam commentés par des textes littéraires ne cherchant jamais à être explicatifs, le film prend une tonalité poétique laissant filtrer l'émotion sous l'évocation. Mais comme avec la projection d'Uncle Boonmee du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul nous nous éloignons du Cambodge, sujet de notre petite étude.

mercredi 2 mars 2011

Yobi le renard à 5 queues


Face au conformisme généralisé du cinéma contemporain, l'imagination des cinéastes d'animation nous offre une bouffée de fantaisie salvatrice. Le réalisateur sud-coréen Lee Sung-Gang fait partie de ces équilibristes allumés tels le Japonais Hayaho Miyazaki qui ravissent tant les grands que les petits. Yobi le renard à 5 queues s'inspire d'une légende coréenne où se croisent une bande d'aliens poilus qui portent des couches métalliques, un jeune garçon romantique, une ombre mystérieuse, un chasseur féroce, et surtout un petit animal capable de se transformer en n'importe quelle autre créature, y compris une petite fille ou sa maman.


Le scénario merveilleusement abracadabrant laisse la place à l'imagination des spectateurs tout en défendant, à la fois, le droit à la différence et la nécessité d'être soi. Le thème de la tolérance est un classique de ce genre de cinéma, du Géant de fer au Voyage de Chihiro, la ville mettant ici en péril la forêt et ses hôtes. Les inventions graphiques découlent naturellement des nombreux rebondissements scénaristiques et l'on retrouve le rêve, composante indispensable à l'appréhension de la réalité. Dans un style très différent, Lee Sung-Gang avait reçu le Premier Prix du Festival d'Annecy en 2002 pour Mari Iyagi, également publié en DVD par les Éditions Montparnasse.