Gros buzz orchestré par Vincent Maraval, producteur du film d'Abel Ferrara sur DSK rebaptisé Deveraux. Le film est au Festival de Cannes au marché du film et sort exclusivement en VoD demain samedi sans presque aucune projection de presse. En cette époque d'overdose d'informations le secret fonctionne à plein et les fantasmes vont bon train. Le risque est pourtant qu'on n'ait plus rien à dire lorsqu'on aura assisté aux multiples scènes d'orgie et à la reconstitution de l'affaire.
À l'annonce de l'affiche "Vous savez qui je suis ?" il conviendrait de répondre "un simple avatar", énième tour de passe-passe du storytelling qui cache les vrais enjeux... Car si la vie privée des personnages publics s'y réclame de la fiction, l'analyse politique du réalisateur colle forcément à une version officielle qui fait l'impasse sur la réalité du capitalisme et du néolibéralisme pour dessiner un portrait à charge d'un homme de pouvoir que les outrances connues de son entourage, même éloigné, font passer simplement pour un malade, obsédé sexuel qui ne reconnaît plus ses limites. Or le modèle, et il s'agit bien d'un modèle puisque DSK était sur la voie de la présidence de la République, n'est que celui d'une société qui a elle-même perdu ses repères en favorisant une poignée de puissants qui se pensent intouchables au détriment de presque toute la population.


Un soir que je dînais avec un commissaire aux comptes du gouvernement celui-ci nous expliqua que tous les hommes politiques, les députés, les maires, etc. commettent des irrégularités condamnables par la loi. Si la droite pratiquait l'enrichissement personnel, la gauche (pas son actuel semblant qui siège au gouvernement !) en faisait profiter le parti. Le pouvoir des commissaires aux comptes était limité à un coup de règle sur les doigts du contrevenant qui mettait la pédale douce pour trois ou quatre ans. Lorsque son arrogance lui laissait penser qu'il était au-dessus des lois, il tombait. Ils sont rares, mais ces cas sont célèbres. La proposition d'élections au tirage au sort (stochocratie) sera pour l'avenir à prendre avec le plus grand sérieux.


L'affaire du Sofitel est une anecdote scabreuse révélatrice de tout un monde, celui de la finance qui croit pouvoir tout se permettre. Dominique Strauss-Kahn défendait une politique identique à celle que le gouvernement prétendument socialiste nous inflige. Au moment des faits il est directeur général du Fonds monétaire international (FMI), rouage essentiel de l'escroquerie dont les peuples sont actuellement victimes, organisateur de ce qu'il est coutume d'appeler la crise. Ferrara rejoint néanmoins Scorsese et son Loup de Wall Street en mettant en scène le gâchis. Or ce gâchis fascine dangereusement les masses exploitées dont la revanche accoucha dans l'Histoire des pires cauchemars. La société du spectacle aveugle les victimes en leur faisant miroiter l'opulence des bourreaux au lieu de repenser le système sous un angle où le partage et la solidarité permettraient de nous sauver de la catastrophe annoncée.