En entrant dans ma chambre d'hôtes arlésienne je tombe nez à nez avec Fernandel accroché au-dessus du lit. Je connais pratiquement par cœur la scène de la corbeille de croissants sous le robinet du bidon de pétrole...


Et j'adore répéter sur tous les tons la phrase du Schpountz, "tout condamné à mort aura la tête tranchée". Le film de Marcel Pagnol m'a toujours fait pleurer de rire. Lors de ma courte carrière d'assistant-réalisateur je rencontrerai d'autres schpountz, figurants qui se croient irrésistibles et ne peuvent s'empêcher de rejouer des scènes entières de films popularisés par des comédiens célèbres. Ces moments pathétiques représentent le comble du phénomène d'identification au cinéma.


Pourtant chaque artiste à ses débuts tient du Schpountz. La plupart rêvent de devenir célèbres, du moins dans un premier temps. Le succès fausse ensuite les rapports et peut pourrir la vie quotidienne. L'échec et le succès sont deux poisons qui pulvérisent nos passions. L'échec rend aigri, le succès enferme. On critique parfois les artistes incapables de se renouveler, mais comment risquer de décevoir son public en faisant autre chose que ce qu'il attend, que ce soit par générosité ou peur de perdre ses acquis ? Il est alors indispensable de se rappeler ce qui nous a poussés la première fois, l'étincelle créatrice, démarche sans autre arrière-pensée que le désir ou le plaisir...