70 Cinéma & DVD - juin 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 16 juin 2015

Essoufflement en fin de série


Tous les scénaristes ne sont pas Alan Ball ni David Simon, capables de conclure une série avant son essoufflement. On imagine les pressions subies de la part des chaînes TV devant la manne que représentent les séries à succès. Le dernier épisode de Six Feet Under marqua la démonstration éclatante du désir d'en finir une fois pour toutes pour passer à autre chose et The Wire aurait pu durer une éternité sans la détermination de son auteur. L'un et l'autre ont livrées cinq saisons sans fléchir, alors que leurs créations suivantes, respectivement True Blood ou Treme, ont du mal à tenir la distance.
Ainsi la septième saison de Mad Men aurait pu condenser ses quatorze épisodes en un seul au lieu de jouer les prolongations en délayant laborieusement un final que seul le clin d'œil Coca Cola de la dernière minute rehausse en ramenant la fiction vers une réalité imaginaire. Curieusement quantité de pistes n'auront pour autant pas été exploitées, abandonnées en cours de route sans que l'on en saisisse la raison, telles les allusions au passé de Don Draper ou l'avenir de chaque personnage... Avenir que seul Alan Ball sut donc magistralement dessiner dans le dernier épisode exemplaire de Six Feet Under, aussi brillant que sa première saison.
Les variations criminelles de Game of Thrones finissent également par lasser, les saisons semblant tenir essentiellement à la disparition tragique des protagonistes les uns après les autres. Une direction d'acteurs moins caricaturale aurait probablement apporté une finesse que le manichéisme général étouffe. Chaque comédien jouant imperturbablement toujours avec la même expression de visage, on imagine qu'à l'avenir les rôles pourront être tenus par des créatures de synthèse à l'image des décors.
J'ai regardé plus de la moitié de l'étrange Sense8 des Wachowski, mais ce n'est ni Matrix ni Cloud Atlas : tout est tiré en longueur, comme si les auteurs étaient payés à la minute... Les liens psychiques qui relient les personnages tissent une toile vaine rappelant la vacuité d'Internet, répétition des mêmes gestes d'épisode en épisode, comme autant d'impasses communicantes. Les huit personnages en quête du même auteur ne sont que les ambassadeurs des films mainstream de leurs pays respectifs, caricatures d'un cinéma de distraction dont les variations géographiques ne cachent pas l'uniformité.

lundi 15 juin 2015

Deux superbes westerns de Delmer Daves


Si le western a accouché de quantité de poncifs du genre il existe nombreux films qui les dépassent et ne ressemblent à aucun autre. De John Ford à Monte Hellman en passant par William Wellman, Samuel Fuller, Fritz Lang, Nicholas Ray et bien d'autres, le western offre un cadre brutal aux aventures humaines ou il valorise ce que les États-Unis ont de plus beau, les grands espaces. L'humanité transpire des deux films de Delmer Daves que Carlotta publie dans de magnifiques versions restaurées en 2K ou 4K. Si 3h10 pour Yuma (1957) est considéré comme un chef d'œuvre, Cow-Boy (1958) mérite d'être redécouvert tout autant.
Les deux films mettent à l'épreuve un héros qui n'était pas destiné à le devenir. La peur est vaincue par la conscience morale, forcée dans 3h10 pour Yuma, recherchée dans Cow-Boy. Un fermier est confronté à une bande de hors-la-loi, un employé d'hôtel rêve de s'enrichir pour conquérir sa belle. Suspense dans le premier, mutation prévisible dans le second, mais pas le moindre manichéisme chez aucun des personnages, des principaux au plus insignifiants. Les qualités du "méchant" permettent au sans-grade d'effectuer sa mue et d'en sortir grandi. Les contradictions sont mises en scène, les circonstances forgeant les caractères et fléchissant le destin.
Ajoutez une photographie superbe de Charles Lawton Jr, noir et blanc somptueux pour le mélodrame 3h10, Technicolor et cinémascope éclatant pour le quotidien des cow-boys, des partitions de George Duning, le générique de Cow-Boy par Saul Bass, l'interprétation de Glenn Ford d'abord avec Van Heflin, ensuite avec Jack Lemmon, et vous obtiendrez deux films exceptionnels qui dépassent largement le genre.

3h10 pour Yuma et Cow-Boy - Sortie en Blu-ray et DVD le 24 juin 2015 chez Carlotta - 20 € chaque