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Wild Side publie un coffret Blu-ray/DVD contenant un master restauré de l'avant-dernier film de John Cassavetes, Love Streams (1984), accompagné de son second, qu'il répudia pour en avoir perdu le final cut, A Child is Waiting (Un enfant attend, 1963), et du livre L'amour et le vertige, trajectoire d'une rebellion sur la genèse de Love Streams, écrit par Doug Headline. On y trouve également le making of de Michael Ventura I'm Almost Not Crazy, et deux émissions de Cinéma, Cinémas sur le tournage. J'insiste toujours sur les bonus des DVD, archives exceptionnelles qui ravissent les cinéphiles, d'autant qu'elles sont inaccessibles lorsque l'on assiste aux films en salle.
Contrairement à la plupart de ses autres films, Love Streams n'est pas tourné caméra à l'épaule, ce qui ne l'empêche pas de nous donner le vertige, essentiellement grâce aux portraits des deux protagonistes génialement interprétés par l'auteur et sa femme, Gena Rowlands. Sarah et Robert sont des oisifs sans problèmes financiers, deux enfants qui n'ont jamais grandi, en marge d'une société qui ne les y a jamais forcés. Seule, elle a perdu la garde de sa fille ; il ne connaît pas son propre fils, se dissolvant dans l'alcool et les rencontres sans lendemain. Chacun a plus d'amour à donner que personne ne peut en recevoir, mais leurs moments d'absence les rendent impossibles à vivre pour quiconque. Leurs jeux et leurs handicaps rappellent Les enfants terribles de Cocteau et Melville. Leur relation ne devient explicite que tard dans le film, une histoire ancienne qui n'est jamais même effleurée. C'est le passé. Sarah et Robert vivent dans l'instant, impulsifs et égoïstes. Cassavetes, à qui le producteur Menahem Golan laisse les mains libres, insère deux rêves de cette quinquagénaire qui ressemble beaucoup à Une femme sous influence : des pitreries qui ne font rire qu'elle-même et une comédie musicale étonnante avec danseuses et orchestre en direct, scène onirique plus réelle que les délires à répétition qui s'enchaînent sans temps mort. La vie est fragile. Cassavetes est déjà très malade. Il mourra en 1989 des suites de sa cirrhose, à cinquante-neuf ans. Love Streams est un de ses plus beaux films et fait figure de testament si l'on sait lire entre les plans.