Après La femme bourreau et les films maudits de Jean-Denis Bonan, Les Idoles est le second opus d'une collection DVD consacrée à des films rares et/ou inédits du cinéma français des années 60. Le film de Marc'O est un film-culte, parce qu'il a marqué son temps et qu'il était jusqu'ici difficilement visible. Que Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon et Pierre Clémenti, trois enfants terribles du cinéma indépendant, en tiennent les rôles principaux rend l'affaire encore plus sulfureuse. D'abord pièce à succès représentée au Bilboquet, une ancienne imprimerie de la rue Saint-Benoît transformée en théâtre en 1966, puis à Bobino, le film fait un flop, car il sort en plein milieu des évènements de mai 68 quand toute la jeunesse est dans la rue ! Le sujet avait tout pour lui plaire et son aspect de comédie musicale rock anticipait de peu le succès de Hair. Le show-biz, qui fabrique des vedettes en sacrifiant leur vie privée et au mépris du public, pousse les idoles à se saborder pour ne pas être complices de la société du spectacle.


L'intérêt principal du DVD provient des suppléments qui intègrent le long métrage dans le processus de création mis en œuvre par Marc'O. Le metteur en scène offre aux acteurs une liberté que le théâtre traditionnel muselait. Jacques Rivette reconnaîtra plus tard l'influence de ces improvisations dirigées. Un groupe de rock sur scène excite l'hystérie communicative des jeunes gens qui dansent et chantent comme des fous. C'est peut-être aussi le point faible parce qu'ils braillent plus qu'ils ne chantent, d'autant que le rock français n'a jamais été très convaincant. On reconnaîtra néanmoins le flûtiste Didier Malherbe dans l'orchestre de Stéphane Vilar et Patrick Greussay. Théâtre musical avant la lettre ou opéras rocks, les pièces montées par Marc'O dégagent une énergie incroyable de la part de ses acteurs qui se la jouent autant qu'ils jouent la comédie. Pour avoir moi-même inauguré mon light-show sur Kalfon et Clémenti qui avaient formé ensuite le groupe Crouille Marteau, j'ai pu apprécier leurs délires ravageurs où le quotidien s'imprégnait autant de la fiction que l'inverse. C'est donc en regardant les documents inédits offerts en bonus que l'on prend la dimension du travail de Marc'O et de son influence, que ce soit avec Les Bargasses qui précéda Les idoles ou avec Sensibilité aux conditions initiales datant de 1996 et récemment peinturluré vidéographiquement. Les scènes de transe associent la musique et la danse au jeu théâtral de manière explosive et galvanisante.
Parmi la troupe, car c'est avant tout un jeu d'ensemble, on notera aussi la présence de Valérie Lagrange, Michelle Moretti, Bernadette Lafont, Philippe Bruneau, Henry Chapier, Francis Girod et Daniel Pommereulle. Le monteur des Idoles était Jean Eustache et l'un des assistants à la réalisation André Téchiné ! Les costumes pètent de couleurs psychédéliques, les décors sont hallucinants, mais le jeu appuyé des comédiens m'accroche moins que la folie ambiante qui fait trembler et se tordre les corps au son de la guitare électrique. L'entretien avec Marc'O avait déjà été publié en DVD avec son chef d'œuvre, Closed Vision, un film expérimental de 1954 qui mérite absolument d'être redécouvert.

→ Marc'O, Les idoles, Luna Park Films, DVD, 14,95€, sortie le 4 octobre 2016.