J'avais découvert Boots Riley lors du concert inaugural d'Ursus Minor à Villejuif il y a 15 ans. Son propre groupe, The Coup, avait retiré de la vente leur disque qui devait sortir le 11 septembre 2001 à cause de la pochette prémonitoire où l'on voyait les Twin Towers exploser avec Boots appuyant sur l'un des boutons d'une basse électrique. Sur ce fabuleux album d'Ursus Minor, Zugzwang, il chantait entre autres "Burn The Flag (Brûle le drapeau)"... C'est la génération des enfants des Black Panthers qui résiste toujours aux États Unis. La presse européenne relate rarement leurs actions, sauf lorsqu'elle est soutenue par des blancs comme lors de Occupy Wall Street. Ces dernières années Boots Riley avait un peu disparu de la scène musicale, et pour cause. Il vient de réaliser son premier long métrage de fiction, tout aussi politique que son rap revendicatif.
Sorry To Bother You est un drôle de film qui ne ressemble à aucun autre. Il en parle comme d'une comédie sombre et absurde avec réalisme poétique et science-fiction, inspirée du monde du télémarketing. Le scénario s'inspire de sa propre expérience en Californie où il avait emprunté une voix de blanc pour convaincre les clients potentiels. Ses élucubrations corrosives transposent avec humour son analyse critique radicale du capitalisme. Pour l'avoir écrit en 2012 sous Obama, Boots Riley a gommé tout ce qui pourrait sembler une charge contre Trump pour l'axer contre les véritables auteurs du marasme et non sur leurs marionnettes. Le film exhorte ainsi les salariés à se syndiquer et à se regrouper solidairement sans céder aux chimères de l'argent au risque d'être transformés en monstres.


Les acteurs Lakeith Stanfield (Selma, Straight Outta Compton, Get Out), Tessa Thompson (Selma, Thor: Ragnarok, etc., elle incarne ici une plasticienne radicale et féministe), Steven Yeun (The Walking Dead), Danny Glover (en dehors de L'arme fatale, La couleur pourpre, etc., il est connu pour ses soutiens à Bernie Sanders et Mélenchon !) participent à cette joyeuse farce grinçante où la fantaisie des résistants rivalise avec le cynisme des exploiteurs manipulateurs d'opinion.

Sortie en France le 16 janvier 2019