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L'exposition Dual Reality au Seoul Museum of Art est probablement plus réussie que nombreuses visitées ces dernières années. Est-ce dû à son thème qui restreint le choix des œuvres ou à la qualité des conservateurs telle la pétulante Iris Mayr (Ars Electronica) ou ses collègues Yuko Hasegawa, Lev Manovich et Pi Li, je n'en sais rien, mais l'ensemble est d'un niveau élevé, si l'on fait abstraction des propos anecdotiques qui trop souvent animent les artistes contemporains. Le revers de la médaille est l'organisation de l'événement nettement plus catastrophique que ce que l'on pourrait imaginer quand l'intendance ne suit pas. Le système hiérarchique coréen n'aide pas les choses et il est certain qu'en l'absence de vraie direction les petits soldats dévoués s'épuisent et les organisateurs sont incapables d'honorer leurs engagements vis à vis des artistes. On a ainsi vu Mathieu Briand plier bagages parce que les deux tonnes de talc que réclame son (SYS*018.DoE*01/MoE-FIT\SalNor*TaC-LaR*4) avaient été remplacées par un sac de farine dans laquelle il s'est senti roulé. Quant à notre Somnambules, nous avons sauvé les meubles en les abandonnant, nous débarrassant du rideau noir dissuasif à l'entrée de la salle (en l'absence de tout cartel le jour du vernissage !) et des coussins ou sièges qui arriveront peut-être un de ces jours, après notre départ ! Nombreux mécontents certes parmi les artistes, mais aussi grande satisfaction devant les œuvres rescapées.
Comme nous prenons l'avion bientôt et que je souhaite récupérer quelques heures de sommeil d'ici là, je commenterai brièvement les huit photographies sélectionnées essentiellement pour leur potentiel à se retrouver figées, puisque la grande majorité des œuvres sont en mouvement et qu'ici la photo est dramatiquement réductrice.
D'abord un pas de deux esquissé par Nicolas et moi-même devant le grand écran où est projeté notre travail éminemment chorégraphique ! La salle est dans une totale obscurité et seul brille le faisceau infrarouge de la souris posée sur un piédestal. Le sol est recouvert de moquette noire pour éviter les réflexions désobligeantes et le son est suffisamment fort pour profiter de la musique sans indisposer les voisins...
L'affiche est tirée des face(portraits) de Go Watanabe.

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Les petits miroirs de Won-Jung Choi réfléchissent des petits promeneurs qui se rencontrent dans son Why Not Here : Murung Dowon. Le damier de l'écran et celui du carrelage clignotent de partout, clin d'œil ludique que l'on retrouve souvent chez les artistes asiatiques, comme les bouts de papier du Garden de Kohei Asano et Kosuke Matsura qui produisent de la musique lorsqu'on les jette en l'air, le labyrinthe Human Maze de Siyon Jin ou la fontaine Water Shadow 2 de Chang-Kyum Kim qui rappelle les tableaux animés des restaurants chinois (pas de photo pour aucun des trois). La recherche de l'effet de réalité reste ici très poétique, avec ses fausses ombres de passants et ses gouttes qui troublent la surface virtuelle du bassin en pierre.
Rafraîchissant dans l'univers claustrophobique du musée, souffler sur les neuf ventilateurs miniatures du Blow Up de Scott Snibbe fait tourner les gros qui sont montés juste derrière.

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Sur le palier du 1er étage, la miroiterie ("Ecléctica" The Glass Shop) de Leandro Erlich est une amusante anomorphose, faux miroir dont on appréciera particulièrement la fêlure réalisée avec un bout de bande magnétique pour figurer l'épaisseur du verre ! Composition et recomposition est un thème ou une technique récurrente chez les artistes qui utilisent les nouvelles technologies comme Byoung-Il Choi avec Visual Device 01_version 1.5 ou Adad Hannah avec Cuba Still (Remake). Pas de photo non plus, ni pour le décevant Stir Heart, Rinse Heart de Pipilotti Rist.
Des écoliers font la queue sous le panneau géant de l'artiste coréen le plus célèbre et pionnier, feu Nam June Paik.

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Très belle idée de Seong-Hoon Park de projeter son dessin animé au crayon noir, in the prologue of end, entouré des dessins originaux.
À l'entrée, Mathilde ter Heijne expose deux de ses sosies saisissants, The Chosen Ones, tandis qu'au 2ème étage elle montre une des rares œuvres vidéo dérangeantes, The Invisible Hero où elle tient le rôle saignant d'une victime paradoxale. Mais dans cette Biennale dédiée à la réalité duelle, qu'est-ce qui est vrai et qu'est-ce qui est joué ?

Détail amusant ou affligeant, nous n'avons rencontré aucun membre de l'Ambassade de France alors que 2006 marque le 120ème anniversaire des relations franco-coréennes et qu'en l'absence de Briand nous étions les seuls artistes à représenter la France.