Deuxième billet sur Christian Marclay dont l'exposition Replay (mini-site très bien fait) à la Cité de la Musique est présentée jusqu'au 24 juin (fermée le lundi et n'ouvrant qu'à midi, sauf le dimanche à 10h, moment parfait hier puisque nous étions à peu près seuls). Nous en profiterons d'ailleurs pour faire un petit tour dans la collection d'instruments de musique du Musée dont le superbe aménagement est dû à l'architecte Franck Hammoutène, camarade de classe qui à l'époque jouait de l'orgue électrique. Gros bémol atténuant mon enthousiasme, on ne peut évidemment toucher à rien, et tous ces instruments en vitrine me sont d'une écœurante morbidité.

Revenons à Marclay, et si vous n'y êtes pas encore allés, foncez-y. Or just Replay ! Je pensais que n'étaient exposées que des vidéos souvent trouvables sur le Net. Que nenni, la visite est absolument indispensable, essentiellement pour trois installations, toutes trois sur quatre écrans. La première, Crossfire, est la plus spectaculaire, parce qu'elle véhicule une charge critique sur la violence, époustouflante de réalisme dans un univers cinématographique pétaradant aussi varésien que mes nuits sarajéviennes pendant le siège. J'avais l'habitude de m'endormir sur cette interprétation trop réaliste de Ionisation, en comptant les rafales et les explosions comme on compte les moutons. Ici, pas question de roupiller : placez-vous au centre de la pièce, entouré par les quatre écrans de 3,50m de base où les as de la gâchette vous tirent dessus dans une composition musicale de 8'30" digne des meilleures pièces pour percussion. Video Quartet est plus formaliste puisqu'il s'agit d'un écran de 12m de long divisé en quatre projections d'extraits de films mettant en scène des musiciens ; l'ensemble constitue une œuvre de 14' éminemment musicale, on pouvait s'en douter. Il est courant de citer Duchamp et Cage comme parains de l'artiste, mais l'influence de Charles Ives (1874-1954) est une fois de plus flagrante.

Gestures, la troisième de ces vidéos synchronisées, présente quatre écrans en carré où l'artiste scratche des vinyles pendant 9'. Comme Telephones, le résultat est plus anecdotique. J'ai plus apprécié Guitar Drag où une guitare électrique reliée à un ampli est sadiquement traînée par une camionnette, car question platines rien ne vaut un concert où Marclay scratche en direct devant vous.

Le catalogue de l'expo est très chouette, mais celui publié par Phaidon est encore plus nécessaire car il montre l'étonnante palette des œuvres de Christian Marclay, sculptures, collages, installations autres que vidéo, etc. Je suis sensible aux œuvres qui s'inspirent de leur support. En rejouant tout cela, je me remémore le premier scratch musical entendu sur un disque (je me suis redressé complètement flippé, pensant que j'avais rayé mon album fétiche, comme lorsque le projectionniste avait arrêté Persona d'Ingmar Bergman en voyant la pellicule brûler sur l'écran), ce sont les dernières mesures de Nasal Retentive Calliope Music sur l'album des Mothers of Invention, We're only in it for the money en 1968. Christian Marclay avait treize ans.