En fin d'après-midi nous profitons de la météo exceptionnelle pour partir en croisière sonore sur les canaux de l'Ill. À gauche de l'image on aperçoit le Musée d'Art Moderne d'où partent ces Échos flottants. Gratuites, les promenades en musique offrent une découverte de Strasbourg jusqu'au Parlement Européen et au port autonome. Nous sommes surpris par les dizaines de cygnes rassemblés là. Il y en a plus que je n'en ai vus de toute ma vie. Les délicates ambiances de Christian Vialard accompagnent les deux heures de ballade avec beaucoup d'à propos. Avant de rejoindre la Laiterie où sont concentrées la majorité des festivités nocturnes, nous sillonnons à pieds la ville où ont été déposés les conteneurs abritant des installations dans des endroits fameux. Après le dîner à l'excellent catering, je grimpe sur un mirador monté pour l'occasion et photographie la foule avec au fond Le Grand Générique d'Antoine Schmitt qui se déroule immuablement tandis que le public peut y ajouter son nom au fur et à mesure. Si le monde entier y était il faudrait 200 ans pour le lire !


" Jusqu'aux os, faire ", titre imaginé seulement cinq secondes avant de commencer à jouer avec Antoine sur Radio en construction. Nous enchaînons illico, improvisant sans aucune autre préparation que le choix de notre instrumentation. La nanomachine d'Antoine jongle avec les mots tandis que la voix d'Elsa explose du Tenori-on...
Les concerts ne me branchent pas autant que les installations numériques. Transpiration dans un bain de foule autour des six salles où se suivent un nombre étonnant de groupes dont l'énergie ne suffit pas à me faire oublier les originaux. Je me concentre dans les étages où alternent des œuvres plastiques interrogeant la beauté des formes en mouvement et des immersions héritées de l'art forain. Pour les premiers, les chorégraphies de Christian Rizzo, Laurent Pernot, Thierry Fournier ou Cécile Babiole savent épouser l'espace qui leur est dévolu avec brio. Rizzo a l'élégance du geste (IL120609), Pernot l'adéquation avec la matière (The Uncertainty of Stars), Fournier l'humour de la précision (Step to step), Babiole la maîtrise de la techno (Control Room).
Parmi les seconds, L'oreille du prince m'emballe plus que je ne le supposais. Tenant du train fantôme et du palais des glaces, l'installation fait participer le spectateur à la création tout en lui offrant des points de vue, et surtout d'oreille, différents. Mixé dynamiquement par cette déambulation, le trio composé d'un violoncelliste, d'un pianiste et d'une chanteuse se découvre sous tous les angles jusqu'à ce que soit trouvé l'équilibre idéal. Le reste des spectateurs assistent au ballet au travers des vitres et des casques mis à sa disposition. Du duo Scénocosme, l'Akousmaflore qui fait chanter les plantes lorsqu'on les touche et le Sphéraléas où la dizaine de personnes réunies sous la tente composent ensemble la musique des demi-sphères sont tout à fait charmants. Comme à Linz, je note l'intérêt que tous les artistes portent au son, même si leur rigueur ne s'exerce pas toujours avec la même acuité que pour les images et les outils technologiques. Lorsque je rentre à l'hôtel rédiger mon petit article, la première nuit électronique d'Osophère est encore longue avant que le soleil se lève sur l'after. Et si les nuits s'étalent sur deux jours, cette année les installations sont exposées jusqu'à samedi de la semaine prochaine.