Il y a dix ans je composai l'habillage de Europrix avec Étienne Mineur alors directeur artistique de l'agence autrichienne NoFrontiere. Nous réalisions ensemble les clips télé, la scénographie du Musée de l'Industrie où la manifestation se déroulait, et tout ce qui tourne autour, soirée télé en direct, etc. (extrait vidéo sur incandescence / projets 1998). Comme j'avais terminé les enregistrements et la mise en espace et qu'Étienne était comme d'habitude au four et au moulin j'allai visiter avec Claire Mineur, sa compagne, la Sécession, le Musée Hundertwasser, la pâtisserie Demel, les baraques de saucisse au fromage et tout ce qui fait le charme de Vienne.
Claire m'entraîna au Musée des Arts Appliqués où était exposée une rétrospective James Turrell. Le choc fut inexprimable. J'en garde encore aujourd'hui un souvenir hallucinant. Nous pénétrons dans des couloirs totalement obscurs pour être soudain confrontés à des rectangles monochromes de couleur vive dont on ne comprend absolument pas d'où vient la lumière. Un trait d'une autre couleur souligne parfois le cadre, mais sommes-nous proches ou loin de la source, quelle est sa véritable taille ? Tout fait énigme. Nous flottons dans un nulle part qui n'a de rapport avec aucun ailleurs. La stupeur est à son comble dans Wide Out, large espace bleu où les visiteurs laissent leur ombre en rémanence sur leur propre pupille. Déchaussés, nous ne planons pas, nous volons. Aucune installation lumineuse n'égala jamais l'expérience vécue ce jour-là. Depuis je cherche désespérément les manifestations de Turrell dans l'espoir de partager cette inexplicable émotion avec celles et ceux à qui je la raconte en vain.
Regardez la vidéo tournée à Wolfsburg en suivant les sous-titres. Elle permet de comprendre un peu mieux la dimension de cette œuvre à vivre exclusivement en s'y immergeant corps et âme...