70 Expositions - juin 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 24 juin 2011

My Winnipeg à La Maison Rouge


Les expositions collectives apportent toujours leur lot de satisfaction et de désillusion. Chacun, chacune y fait son petit marché, cueillant des rêves au gré de sa fantaisie ou de ses angoisses. Ils apportent l'engrais dont nous avons besoin pour cultiver notre jardin en réfléchissant l'univers de façon métonymique. My Winnipeg, empruntant son titre au cinéaste Guy Maddin qui présente Hauntings, une installation de 2010 sur onze écrans où sont projetés autant de courts-métrages, rassemble à La Maison Rouge (jusqu'au 25 septembre, puis au MIAM de Sète) des artistes canadiens originaires du Manitoba dont la capitale, Winnipeg, est réputée comme la ville la plus froide du monde. Les commissaires Paula Aisemberg, Hervé di Rosa et Anthony Kiendl ont choisi des œuvres où l'humour tempère souvent la rudesse des longs hivers de glace, tandis que Noam Gonick propose au sous-sol Winter Kept Us Warm, une collection d'œuvres érotiques, dessins, peintures, sculptures, céramiques, censée réchauffer les corps...


Séquestrés par le climat, les artistes se regroupent dans de larges ateliers, constituant des collectifs comme la Royal Art Lodge ou l'Indian Group of Seven. Ils travaillent alors avec les matériaux qu'ils y ont accumulés, d'où la profusion de collages et d'objets rapportés. Paul Butler invite ainsi les participants parisiens de sa Collage Party à créer une œuvre collective. Certains artistes sombrent dans le pittoresque quand d'autres y bâtissent une œuvre. La maison en feu et les sculptures humanoïdes de la jeune Sarah Anne Johnson succèdent à l'encyclopédique There's No Place Like Home initié par Sigrid Dahle où les archives se confrontent à la contemporanéité. L'aspect poisseux des œuvres naît-il des inondations répétées, de la noirceur de l'hiver ou de l'histoire coloniale que doivent endosser toutes les Amériques ? Dans la salle de la Royal Art Lodge l'art brut de Jonathan Pylypchuk répond aux crayonnages inspirés par la bande dessinée. Un pianiste accompagne The Lotus Eater, film de Marcel Dzama. Quel que soit l'auteur les images cinématographiques semblent avoir toujours été trouvées dans un grenier poussiéreux et humide...


Guy Maddin en a fait son style. Faux vieux films où le noir et blanc, les coloriages à la main et les lumières expressionnistes dessinent des scènes surréalistes déjantées. Son dernier long métrage, My Winnipeg, projeté dans une des salles, est probablement le plus sincère de sa filmographie kitschissime, chant d'amour à sa ville natale où il continue de vivre, faux documentaire expérimental où le protubérant commentaire finit par provoquer l'asphyxie. Comme dans les collages de ses confrères et consœurs la surabondance de signes homogénéise la virulence, et Winnipeg tend à ressembler à un sarcastique vide-grenier quand les beaux jours reviennent.

Les photos représentent L'effondrement du temps et de l'espace dans un univers en perpétuelle expansion de Kent Monkman, Propelled through life by a staggering lack of dignity de Jonathan Pylypchuk et Hauntings de Guy Maddin.

jeudi 9 juin 2011

Plastique ludique


À la bissectrice de notre récent voyage à Prague et de l'époustouflante installation d'Anish Kapoor au Grand Palais, l'exposition Plastique Ludique à la Galerie des Jouets du musée des Arts décoratifs à Paris présente les créations de la designer de jouets tchèque Libuše Niklová. Ce n'est pas parce que la plupart de ses jouets sont gonflables qu'ils vous couperont le souffle, mais leur fantaisie poétique laisse rêveur. On aimerait ne pas savoir nager pour emprunter la bouée papillon, on voudrait avoir le droit de prendre son bain avec son Nautilus, on adorerait pouvoir assembler son bestiaire en kit pour réaliser soi-même des bestioles couinantes au corps d'accordéon (en accords d'éon ?). Je compte bien retourner acheter un buffle rouge, un éléphant bleu ou une girafe gonflables, réédités par la firme Fatra (25 euros, exclusivement à la boutique du musée) !


Gaspar s'est prêté au jeu comme le fils de l'artiste, Petr Nikl, homme de théâtre et illustrateur, s'amusant avec les jouets sonores de sa mère qui l'ont inspiré. Un troupeau de buffles s'est échappé des vitrines. Les enfants les chevauchent dans un joyeux tintamarre, désacralisation de l'espace muséographique dont est coutumière la conservatrice Dorothée Charles qui a, cette fois, travaillé avec Tereza Bruthansová, commissaire de l'exposition qui se tiendra jusqu'au 6 novembre. Il y a deux ans, nos propres lapins avaient passé cinq mois dans cette aile du Louvre ! On reste entre bêtes... Cela me rappelle chaque fois l'anecdote rapportée par Jean Cocteau de la création de Parade avec la musique d'Erik Satie ; devant lui une dame s'esclaffa "si j'avais su que c'était si bête j'aurais amené les enfants". Alors, n'hésitez pas, allez-y avec eux, et si vous n'en n'avez pas prenez-vous par la main : la Galerie des Jouets du Musée des Arts Décoratifs produit une fois de plus un temps suspendu, qui renvoie, dans le meilleur des cas, à l'essence-même (et je ne dis pas cela parce que l'on peut voir en contrebas dix-sept sublimes automobiles de collection des années 30 à nos jours) de ce qui nous permet d'avancer, l'art de s'envoler dans l'imaginaire, de transposer le réel dans un monde magique, celui où personne ne nous dit que c'est impossible, parce que les rêves sont la seule vérité dont nous ne devrions jamais douter.