À la Cité Internationale des Arts à Paris les expositions Utopies et Réalités, We Love Books et Underground s'arrêtent dimanche 8 février, mais la Fête du Graphisme continue ailleurs jusqu'au 4 mars comme Célébrer la Terre à l'Hôtel de Ville. Quantité d'événements ont marqué cette seconde édition et un somptueux catalogue de plus de 500 pages a été édité aux Éditions du Limonaire. 1500 œuvres des cinq continents dessinent un panorama exceptionnel d'affiches, de livres et de créations numériques que l'on retrouve dans l'ouvrage, mais les formats y sont évidemment réduits par rapport aux originaux.


Les affiches épurées de Kazumasa Nagai (en haut d'article) répondent aux tarabiscotées de Henning Wagenbreth (ci-dessus), tous deux montrant que l'on peut construire une œuvre au travers des commandes. Tant l'abstraction que la narrativité nous permettent de rêver par leurs évocations d'évènements irreproductibles. Le Tokyoïte s'approprie un bestiaire incroyable tandis que le Berlinois intègre la typographie à ses illustrations explosives.
On aimerait feuilleter les 150 livres du monde entier dont les couvertures nous attirent, mais les expositions nous contraignent à les admirer derrière le verre et le plexi. Comme pour les autres expositions l'offre de We Love Books est généreuse, on en prend plein les yeux, la tête vous tourne, les idées fusent. Tant qu'il est inventif le papier a un bel avenir. La création numérique ne peut se substituer aux objets magnifiques. La complémentarité devient évidente, envoyant bouler la question de la dématérialisation dès lors que les créateurs donnent sa raison d'être à la matière.


Parmi la sélection mondiale de revues alternatives de 1960 à aujourd'hui je reconnais celles qui m'ont animé dès les premières années et dont j'ai conservé quelques exemplaires, It, Suck, Le Parapluie, Oz, Time Out, Actuel... Mais là encore la richesse et la variété de ces revues Underground est fabuleuse. Imprimées en photocopie, offset, rhiso, xérographie, sérigraphie, linogravure, tampons, elles réfléchissent le monde parallèle d'une résistance au pouvoir établi. Ça frotte, ça grince, écharpe, mais défend surtout d'autres modèles de vie que le "métro boulot dodo" que le capital perpétue en diluant nos rêves dans une incitation à la consommation des plus stériles. Si la nostalgie de l'époque où nous croyions changer le monde explose dans un psychédélisme hallucinatoire la rage des nouvelles utopies ne faiblit pas au cours des années et les styles se télescopent, revendiquant la liberté de penser par soi-même et de transformer joies et souffrances en insatiable créativité.