Il ne reste plus que cinq jours avant la fermeture de Carambolages, l'exposition du Grand Palais imaginée par Jean-Hubert Martin dont j'ai conçu l'intégralité du parcours sonore. La polémique y est allée bon train. Certains l'ont détesté, arguant qu'il n'y avait pas de cartels, ce qui est faux car des écrans indiquent le titre et l'auteur de chaque œuvre, mais il est vrai qu'on les découvre chaque fois après s'être fait sa propre idée, ou bien ils trouvent que l'enchaînement des œuvres ne rime à rien. D'autres ont adoré se laisser porter par leur sensibilité au fil du jeu des associations, chaque œuvre suggérant la suivante selon un enchaînement propre au conservateur. Conservateur n'est probablement pas le meilleur terme pour qualifier l'homme qui en 1989 avait chamboulé nombreux visiteurs du Centre Pompidou avec Les Magiciens de la Terre.


Histoire de mettre en appétit celles et ceux qui n'y sont pas encore allés j'ai choisi quelques clichés attrapés ici et là au long des 26 cimaises. Les autres reconnaîtront l'échiquier Good versus Evil de Maurizio Cattelan où un seul personnage est représenté de part et d'autre (Sigmund Freud à deux âges de sa vie!), un trompe-l'œil de Louis Léopold Boilly représentant le dos d'un tableau, Le chat d'Alberto Giacometti précédant un sarcophage de musaraigne, antiquité égyptienne de vingt-cinq siècles plus tôt... Jean-Hubert Martin a choisi de montrer des pièces rarement exposées. Pour des raisons de budget, nombreuses viennent de musées d'Île-de-France. Le somptueux catalogue en accordéon de 19 mètres de long expose évidemment les raisons de ses choix, qu'ils soient esthétiques ou sémantiques. Sinon pourquoi présenter Painting as a Pastime où Gloria Friedmann reproduit trois paysages peints par Winston Churchill, Dwight Eisenhower et Adolf Hitler, accompagnés d'une sculpture constituée de deux jambes vêtues d'un pantalon de la Wehrmacht en forme de croix gammée ?


Si elle permet à chacun et chacune de s'approprier les œuvres quelle que soit sa culture en laissant agir son imagination, l'exposition Carambolages est éminemment brechtienne. Elle interroge sans arrêt l'espace et le temps. Les sauts spatiaux-temporels sont légion. Qu'est-ce qui a changé au travers des siècles ? En composant le parcours musical j'ai cherché à jouer des mêmes effets de distanciation, ou plus exactement de distance, me rapprochant ou m'éloignant du sujet comme les visiteurs le font pour admirer de près ou de loin un tableau. Ce mouvement est toujours révélateur. Carambolages offre de changer d'angle. Comme ces trous dans la toile, de l'autoportrait de Nicola Van Houbraken vers 1720 au Concept spatial, attentes de Lucio Fontana en 1958. De même tout mon travail sonore est axé sur tension-détente, consonances et dissonances, déplacement d'un élément sur la Toile, etc.


Si vous souhaitez vous immerger totalement dans ce long métrage où l'imagination est reine, pensez à télécharger l'application avant d'y aller et emportez un casque audio avec votre smartphone...

Articles précédents sur Carambolages : 1. Le regard / 2. Synchronisme et mp3 / 3. Suivez le guide / 4. Le parcours sonore / 5. Trois angles / 6. L'origine / 6. N'oubliez pas vos écouteurs