Je découvris Alfons Mucha à Maule en 1975 chez l'écrivain Claude Ollier qui possédait un extraordinaire ouvrage à la gloire des biscuits LU. L'artiste tchèque avait dessiné des boîtes en métal pour Lefèvre-Utile qui me faisaient rêver autant que les gâteaux qu'ils avaient contenus, flattant naturellement ma gourmandise pâtissière et mes goûts tarabiscotés pour tout ce que j'assimilais au baroque.


Le Musée du Luxembourg expose le représentant le plus célèbre de l'Art Nouveau. Né en 1860 en Moravie, l'illustrateur s'installe à Paris en 1887, fait plusieurs voyages aux États-Unis avant de retourner à Prague où il meurt en 1939 après avoir été arrêté et interrogé par la Gestapo pour son nationalisme affirmé et sa participation active à la franc-maçonnerie. Les cimaises peintes au couleurs de ses œuvres (bleu clair ou sombre, mauve et violet, gris et rouge foncés...) font ressortir ses affiches, lithographies, pastels, aquarelles, toiles, etc. L'élégante scénographie de l'Atelier Maciej Fiszer nous plonge ainsi dans une époque marquée par les écrits de Zweig, Musil, Kafka ou Schnitzler, mon préféré avec le documentariste Sigmund Freud, qui me sont aussi précieux que Mahler, l'École de Vienne ou Leoš Janáček.
À la sortie, je traverse la librairie qui déborde de produits dérivés, à nous faire croire qu'il s'agit du bouquet final, et en repars avec un triple CD de Nathalie Joly interprétant les chansons de la mordante et caustique Yvette Guilbert, pionnière absolue du parlé chanté, ancêtre du sprechgesang et du slam ! Elle incarne la version française de cette époque où Paris acquérait sa légende, ville lumière et refuge des artistes, des exilés et des amoureux. Les temps ont bien changé sous les coups de butoir de la réaction qui a oublié que c'était justement son aspect cosmopolite qui avait accordé à notre capitale (avec un e final, que l'on ne se méprenne pas !) son aura magique.


Comme dans presque toutes les expositions, les salles tentent de suivre la chronologie (Un bohémien à Paris, Le cosmopolite, Un inventeur d'images populaires), puis abordent les intentions de l'artiste (Le mystique où se devinent quelques ectoplasmes, Le patriote avec L'épopée slave projetée sur écran panoramique, Artiste et philosophe teinté d'humanisme pacifiste). Pourtant, en admirant son travail pour le papier à cigarettes Job, les fleurs de pavot de ses éventails et les volutes psychédéliques de son art nouveau qui ont tant influencé les graphistes pop des années 1960, je me suis demandé si Alfons Mucha n'avait pas tâté des substances qui font voyager loin !


De même, ses vitraux m'ont rappelé à quel point Alfons Mucha avait marqué les dessinateurs de bande dessinée comme Philippe Druillet ou Moebius. Si son "art nouveau" marqua le début du XXe siècle il servit également d'inspiration à un renouveau de l'art appliqué chez les graphistes "rococo" de la seconde moitié de ce même siècle.



Alphonse Mucha, exposition au Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard à Paris, jusqu'au 27 janvier 2019