En choisissant de présenter l'exposition Michael Jackson : On The Wall au Grand Palais, la R.M.N. vise Noël comme le feront les grands magasins avec leurs vitrines des grands boulevards. Il y a forcément un petit côté populiste à faire rentrer le monde de l'entertainment dans celui de l'art. Michael Jackson est bien évidemment une icône du XXe siècle, mais les artistes qu'il a inspirés renvoient tous au clinquant qu'Andy Warhol sut promouvoir parmi les premiers avec le pop art. Plutôt qu'un personnage influent sur son époque, il me semble que le chanteur synthétisa une pléthore de fantasmes ressassés par le rock'n roll. L'autoproclamé "King of Pop" fut un jeune prodige de la soul, un compositeur exceptionnel, un show-man ahurissant, mais aussi un de ces monstres pitoyables victime de l'image qu'il s'était imposée. En gommant la question du racisme, l'abus de drogues et les soupçons de pédophilie, l'exposition participe au mythe glamour d'une industrie du blanchiment. Le cadre doré de l'hagiographie ne produit alors que superficialité en évitant de creuser l'abîme, revers d'une médaille qu'il aurait été passionnant de révéler...


Les commandes de film faites aux trois chorégraphes français, Raphaëlle Delaunay, Jérôme Bel et François Chaignaud, sont plus symptomatiques de l'influence de Michael Jackson sur le public que sur les artistes accrochés, fussent-ils Keith Haring, Isaac Julien, David LaChapelle, Emma Amos, Isa Genzken, Jonathan Horowitz, Rashid Johnson, KAWS, Paul McCarthy, Grayson Perry, Faith Ringgold, etc. Ils et elles sont en tout une quarantaine. Le Moonwalk auquel s'exercent des cobayes filmés par Bel fait tout de même encore l'impasse sur le pas hérité d'Étienne Decroux et du mime Marceau, et probablement emprunté à Cab Calloway ou James Brown. C'est drôle, mais tout aussi pathétique que l'installation pour 16 écrans King (A portrait of Michael Jackson) de Candice Breitz où les re-recordings de 16 chanteurs amateurs sont rassemblés virtuellement pour constituer un chœur a capella reprenant l'intégrale de l'album Thriller. Il y a évidemment à boire et à manger dans ce genre d'expositions thématiques, que l'on prendra donc avec des pincettes, comme les petites fourchettes, couteaux et cuillères argentées ornant la veste commandée par Jackson au styliste Michael Lee Bush...


L'industrie du disque a besoin de héros pour vendre son fonds de catalogue. Comme Elvis Presley ou Ray Charles, les Beatles ou les Rolling Stones, Jimi Hendrix ou Jim Morrison, David Bowie ou, toute proportion gardée, Frank Zappa ! J'ai failli ajouter Che Guevara, mais m'aurait-on compris ? La Réunion des Musées Nationaux espère probablement attirer une jeunesse qui ne vas pas assez au musée, les quinquas nostalgiques et les curieux qui se demanderont bien ce que cette programmation a de commun avec Miró dont la rétrospective est exposée en même temps au Grand Palais. Si l'on peut s'échapper des monographies chronologiques et surfer sur la vague des thèmes capillotractés on regrettera alors la fermeture définitive de La Maison Rouge qui pendant 14 ans innova par son ouverture d'esprit et la révélation d'artistes qui devront se contenter désormais des galeries privées les plus curieuses de jeunes talents ou de vieux méconnus...

Michael Jackson : On The Wall, exposition au Grand Palais à Paris jusqu'au 14 février 2019

Illustrations : Andy Warhol Michael Jackson (acrylique et encre sur toile, 1984, The Andy Warhol Museum, Pittsburgh; Founding Collection, Contribution The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc.) / Michael Lee Bush Michael Jackson's "dinner jacket" (cuir et couverts, John Branca) / Todd Gray Dizz (deux tirages d'archive en couleur, cadres réalisés par l'artiste et cadres anciens, 2017, avec l'aimable autorisation de l'artiste et Meliksetian/biggs), Cape Coast and Nickel (tirage d'archive en couleur, cadres anciens, 2014, The Youngblood Collection), Cosmic Speakers (trois tirages d'archive en couleur, cadres réalisés par l'artiste, 2015, avec l'aimable autorisation de Joe et Alicia Russo)