Enfant j'étais souvent dans la lune. À ma mère qui me demandait ce que je faisais je répondais "Je rêve". J'en ai fait mon métier et mon sacerdoce. Il y a 50 ans, au premier pas de Neil Armstrong sur notre satellite, je vivais encore chez mes parents et je me souviens parfaitement du fantasme qu'avait rejoint cette prouesse. Nous avions été biberonné à Jules Verne et Hergé. À l'Idhec je découvrirai Méliès et Fritz Lang. En 1962 mon oncle Roger m'avait obtenu une dédicace de John Glenn qui doit traîner dans un tiroir. Les plus lourds que l'air m'ont toujours épaté, mais pour voyager dans l'espace nous devrions plus tard nous contenter de psychotropes !
Les avancées technologiques du XXe siècle ont probablement relégué le voyage dans la Lune à une banalité, voire inutilité. Ainsi l'exposition La Lune au Grand Palais, qui tourne autour alors que c'est le contraire, n'a pas su faire renaître l'émotion de mon enfance et de mon adolescence. Les œuvres choisies semblent uniquement reliées par la présence de l'astre en leur sein, comme des rimes graphiques puisqu'il n'en existe aucune, phonétique, avec les quatre lettres qui la composent. Ce petit rassemblement montre les limites des expositions thématiques, sortes d'auberges espagnoles sans queue ni tête. D'un certain point de vue le cylindre à la Cité des Sciences est autrement plus facteur de rêve dans sa simulation d'apesanteur. Cela n'a rien à voir évidemment. Mais qu'est-ce qui est à voir réellement de la Lune ou sur la Lune ? En révéler la face cachée grâce à des œuvres d'art était un pari difficile à gagner. Si "de deux choses lune, l'autre c'est le soleil", comme disait Jacques Prévert, j'étais franchement heureux de retrouver le plus printanier en sortant.


J'ai pensé que cette fois il y avait nettement plus de rêve, et même de réalité, dans la boutique du Grand Palais où les transpositions me touchaient, que ce soit par les livres, les films, les musiques et autres objets dérivés. Je n'ai rien acheté pour autant. J'avais survolé La Lune sans réussir à y alunir, espérant hélas retrouver la sensation que je n'ai jamais perdu au spectacle qu'elle nous offre toutes les nuits, nous renvoyant à notre petitesse et à notre vanité de penser sublimer la nature. C'est pourtant par l'art que parfois nous nous en approchons.

→ Exposition La Lune au Grand Palais, Paris, jusqu'au 22 juillet 2019

Illustration : Yinka Shonibare, Vacation, 2000 (Londres 1962, wax ho landaise imprimée sur coton textile, figures en fibre de verre, casques de verre, The Israel Museum à Jérusalem)