70 Multimedia - septembre 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 26 septembre 2007

Les stats en l'état


Hier j'ai supprimé le nombre de lectures affiché par billet. L'information était vague ou erronée. Il ne s'agissait que des connections directes à tel ou tel article, ne réfléchissant pas la fréquentation du site. Aucune utilité, ni pour moi ni pour vous. Si je désire connaître le nombre de visites, les sites référents, les mots-clefs utilisés dans les sites de recherche, etc., j'utilise Google Analytics. J'ai demandé à un ami qui travaille chez Google si ce n'était pas dangereux de livrer ses informations à un société privée aussi puissante, il me répondit que Google possédait déjà toutes ces données et que la question était de savoir si je souhaitais y avoir accès aussi !
Vous êtes pour l'instant environ 500 à vous connecter ici chaque jour, ce qui est encourageant pour un blog généraliste qui fonctionne 7 jours sur 7 depuis deux ans. Les billets les plus lus sont les conseils pratiques. Ce n'est pas ce dont je suis le plus fier. Contrairement aux sites créatifs auxquels je participe et qui sont bilingues, l'audience est essentiellement francophone. J'imagine que les 10% d'anglophones viennent pour les images. Un peu plus de 20% d'entre vous sont des lecteurs réguliers. C'est sympa, merci !

vendredi 21 septembre 2007

En perm' à Nantes, l'astuce est amusante...


Comment venir à Nantes sans traverser le Passage Pommeraye ? Jacques Demy y est en perm' car il ne le quittera jamais. Les images de Lola et d'Une chambre en ville sont imprimées sur ma rétine. Je revois Michel Piccoli en marchand de télés s'égorgeant au rasoir devant Dominique Sanda nue sous son manteau de fourrure.
Plus loin, de l'autre côté de la passerelle qui enjambe la Loire, se dresse le gigantesque Palais de Justice construit par Nouvel, et à sa droite les ateliers du Royal de Luxe. Leur éléphant est impressionnant lorsque sa machinerie se met en branle. Des branches jaillissent de la façade, pieuvre en balcons fleuris. Je bifurque vers les les Halles Alstom où est exposée la Friche Numérique du Festival Scopitone, mais il est déjà l'heure de faire répéter la meute.


Tandis que je passe du pachyderme au lapin comme du coq à l'âne, 20minutes.fr, qui reproduit le film de Françoise, en profite pour titrer :

Une chorale de lapins à l'opéra

Un opéra avec cent lapins reliés par onde Wi-fi ?
Le spectacle a beau sembler surréaliste, il existe. Les interprètes ne sont pas de véritables bêtes à poils vivantes mais des lapins-gadget en plastique d’une trentaine de centimètres de haut qui, reliés par ondes Wi-fi, ont le nombril qui s’éclaire, les oreilles qui gigotent et émettent des sons. Cela s’appelle le «Nabaz'mob», contraction de Nabaztag — lapin en arménien — et flashmob, ces rendez-vous éclair organisés dans des lieux publics.
Au final, une chorégraphie à la fois étonnante et, n’ayons pas peur de le dire, féerique. Mais attention, «on a perverti le lapin, explique Jean-Jacques Birgé, designeur sonore et co-auteur de la pièce avec Antoine Schmitt. Seul, le lapin, en tant qu'objet, a l'air mignon. Mais là, rassemblé avec d'autres, ça change: les lapins deviennent maléfiques. C'est une parodie de la démocratie.»
«Les lapins sont devenus des rock stars».
Cet opéra, créé en 2006 à Beaubourg, à Paris, est maintenant en tournée internationale, à Nantes dès ce jeudi soir, à Amiens le 6 octobre, à Amsterdam le 20 octobre et bientôt, aux Etats-Unis. «Le phénomène nous échappe un peu: désormais, la prestation s’arrache de ville en ville, sourit Olivier Mével, co-fondateur de la société Violet, qui fournit les lapins Wi-fi. Au fil du temps, nos lapins se sont professionnalisés et sont devenus des rock stars. On les trimbale en camion dans leur caisson, et on a même une accompagnatrice qui les installe en tournée.»
Appareillage.
Le dispositif est mastoc: cent lapins (soit 130 kilos au total) voyagent ainsi, avec leurs câbles d’alimentation et les cent prises associées, plus six routeurs Wi-fi et deux ordinateurs régis par les auteurs de cette pièce écrite. Oui, écrite. Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé envoient via leurs ordinateurs la partition aux lapins qui la jouent ensuite sur la scène, en remuant les oreilles. Parfois en décalé. Car les interprètes restent des lapins, pas des moutons.
Alice Antheaume (20minutes.fr, 20/09/2007)


Pour rejoindre nos lapins qui seront beaucoup plus disciplinés que la veille et répondre aux questions de France 3 (édition des Pays de Loire ce soir à 19h), je traverse le Passage Pommeraye dans l'autre sens. Comme il est impossible de trouver une botte de carottes (avec des fanes) à Nantes passé midi, je joue les leurres en enfilant veste et pantalon orange tandis qu'Antoine passe au noir : la carotte et le bâton ! Le subterfuge les gruge. Aucune évasion à signaler, aucune reproduction non plus, tout le monde regagne son clapier tandis que nous imaginons une nouvelle scénographie pour le 6 octobre à Amiens. Christophe nous fait remarquer que Nantes et Amiens sont les deux villes de Jules Verne. Sous quelle meilleure étoile pouvions-nous jouer les chefs d'orchestre numérique ?

jeudi 20 septembre 2007

Sauvés de justesse


Dans trente minutes le spectacle va démarrer. Nous remontons doucement vers la surface après plusieurs heures de bagarre avec la technologie, encore plus pénible que la technique, un cran au-dessus dans l'échelle de la douleur. Lorsqu'on est chanteur ou percussionniste, on ne peut s'en prendre qu'à soi les jours où rien ne semble aller comme il faut. Dès que l'on a besoin d'une simple prise de courant, d'un microphone, d'un piano ou d'un projecteur, les choses commencent à nous échapper. Dépendre de l'informatique est encore plus risqué. C'est le stress assuré, alors que tout est programmé pour marcher comme sur des roulettes. Cette après-midi, Antoine s'est arraché les cheveux sur un problème de communication entre l'ordinateur et nos lapins : certains réagissaient avec un délai de trois minutes à la place des dix secondes attendues. Nous avons testé tous les maillons de la chaîne pour incriminer définitivement un des deux routeurs qui envoient la partition aux 100 Nabaztag réunis sur la scène de la Salle Paul Fort à Nantes, situé juste au-dessus du Pannonica. Mais le devoir m'appelle, je vous raconterai la suite après la représentation. En attendant, je vous laisse avec Francis Marmande, qui nous a gratifiés d'un réjouissante chronique en page 2 du Monde d'aujourd'hui :

Schmitt et Birgé, des lapins communicants

Un petit lapin fait fureur. Un petit lapin communicant. Il s'appelle Nabaztag. Nabaztag ("lapin" en arménien) fonctionne en Wifi et doit son nom à Rafi Haladjian. Portrait dans Le Monde du 6 avril 2006 : "Je m'appelle rafi et j'ai 43 ans. Rafi s'écrit avec un "r" minuscule parce que c'est un prénom arménien. Bien que n'ayant rien fait (et en particulier pas des études d'ingénieur), je baigne dans les réseaux depuis qu'ils étaient tout petits. En 1984, j'ai sombré dans le Minitel pour n'en sortir qu'en 1994 en fondant FranceNet (devenue Flexus, devenue BT France), première boîte d'internetterie en France. Depuis 2003 avec Violet et Ozone, j'explore la vie après le PC et après l'Internet tel que nous le connaissons. Je porte des lunettes. C'est à peu près tout ce que je peux dire sur moi." Avec Olivier Mével et Sylvain Huet, l'agence Violet passe de trois à trente bricoleurs. Mise au point des lapins intelligents au-dessus du Gibus, en face de la garde républicaine.
Nabaztag, c'est un truc pour "geeks" et "geekettes" : les Paganini du Net et des nouvelles technologies, enfin, les joyeux, ceux qui ne se prennent ni pour Diderot ni pour Zorro. D'un gadget branché, le lapin en plastique devient objet populaire (200 000 vendus). Ici entrent en scène Jean-Jacques Birgé, compositeur, agitateur (Un drame musical instantané, Les Allumés du jazz, musiques brintzingues en tout genre), designer sonore ; plus Antoine Schmitt, artiste designer comportemental. Et Nabaztag ? Il parlote, il mange des nuages, il dit la météo, les cours de la Bourse, il se branche un peu sur n'importe quoi, il fait réveil, et pour l'amour avec un autre lapin, il bouge les oreilles. Exactement comme les humains, en somme.
Jeudi 20 septembre au festival Scopitone de Nantes, le 6 octobre à la Nuit blanche d'Amiens et le 20 à Amsterdam avant tournée mondiale, Nabaz'mob, opéra pour cent lapins communicants de Schmitt et Birgé, sera donné pour la plus grande joie des petits et des grands. Car les lapins déconnent. Ils sont indisciplinés, répondent à l'envers aux injonctions, et se révèlent incapables de jouer la musique ensemble. Comme les humains (non musiciens).
Un opéra, on connaît. Encore que ce soit complexe. Mais enfin, même en pleine célébration de Callas, on voit. Peut-être suffit-il de comparer avec un autre objet chantant non identifié, tout récent mais plus classique, Welcome to the Voice, pour prendre la mesure. Welcome to the Voice, hommage à la voix, livret de Muriel Teodori (psychanalyste rayonnante et allumée) et musique de Steve Nieve (clavier de divers bricolos, Sting, David Bowie ou Elvis Costello), Welcome to the Voice réalise une belle expérience de transversalité heureuse. Si vous voulez entendre sur orchestration au petit poil Barbara Bonney, Nathalie Manfrino, Armanda Roocroft, Sara Fulgoni, plus Elvis Costello, Sting, passe encore, mais aussi Robert Wyatt, ce génie, foncez. En plus, quand les voisins viendront prendre un kir framboise, vous pourrez arborer l'album sans complexe : c'est sur Deutsche Grammophon.
Le truc de Schmitt et Birgé reste plus minimaliste. Ils ont commencé par convoquer cent lapins avec leurs parents à Beaubourg (mai 2006). Après quoi, au Javits Center, à New York, ils ont reçu 70 000 visiteurs en quatre jours. Ce succès les étonne. Le lapin porte-bonheur. Prochain concert à bord du Titanic ? Dans un genre plus proche de l'art modeste, on connaît un prof qui, pour neutraliser les irruptions intempestives, fait dégainer tous les portables au début de l'amphi. Il invite les 258 porteurs à déclencher leur propre sonnerie. Passé un léger flottement, les étudiants s'exécutent : voir Charles Ives, Cage, Ligeti et Birgé. Plus disciplinés que les lapins ? Les temps semblent hélas le prouver.
Francis Marmande (Le Monde, 20/09/2007)

Une minute avant de monter sur scène, Antoine a l'idée lumineuse que nos ennuis pourraient provenir de l'anti-virus du PC triant la masse des données qui vont et viennent jusqu'à nos bestioles, ralentissant considérablement le système. Le même gag avait accablé Nicolas à la création de l'installation des Portes. La désactivation anti-virale ne résout pas tout, mais cette version inédite de notre opéra se tient bien, même si nous en présentons une interprétation très différente des précédentes représentations comme de celle de demain. Les alternances densité/silence sont remplacées par de belles progressions linéaires, et, si les ballets de lumière sont moins minimalistes qu'Antoine ne le souhaiterait nous sommes soulagés d'avoir réussi de justesse. Lors du salut final, je souligne que "si nos lapins ont été particulièrement indisciplinés, ils nous incitent à la désobéissance civile pour les temps à venir."

Photo d'un tableau de Kiefer.

mercredi 19 septembre 2007

Nabaz'mob à Nantes


Reprise de notre opéra pour 100 lapins communicants aujourd'hui (pour les V.I.P. du Festival Scopitone) et demain jeudi Salle Paul Fort. On nous dit que c'est complet depuis plusieurs jours ! Francis Marmande nous annonce que Nabaz'mob sera dans Le Monde de ce soir. Les deux malles en métal contenant chacune cinquante bestioles sont déjà à Nantes. Nous devons chaque fois inventer une nouvelle manière de sonoriser, car il est rare de trouver sur place un système homogène d'amplification pour les cent petits ventres dont la puissance individuelle est à peu près égale à celle d'une boîte à musique acoustique. Plus il y a de micros mieux c'est, à condition qu'ils ne soient pas apparents pour ne pas gâcher le spectacle chorégraphique des oreilles et des leds colorées programmé par Antoine. Des PZM ou des micro-cravates peuvent faire l'affaire, et si les Nabaztag sont disposés sur des gradins nous pouvons éventuellement ajouter quelques pieds à l'arrière, mais il est impossible de dépasser les vingt-quatre voies de la plupart des tables de mixage mises à notre disposition. L'emplacement des haut-parleurs et l'acoustique de la salle sont des variables avec lesquelles il faut également composer.
Lorsque les lumières du théâtre s'éteignent et que retentit la première note cristalline, le public fait silence et tend l'oreille. Ces cent petits êtres qui essaient de jouer tous ensemble la même partition sans ne jamais pouvoir y arriver sont très émouvants. La parabole est cruelle. Les robots, obéissant à des règles dictées par des humains, n'échappent pas aux lois de l'imperfection : errare humanum est. C'est ce qui fait leur charme.

jeudi 6 septembre 2007

Un angle inédit dans la formation multimédia


Réunion pédagogique passionnante à Autograf, Centre de Formation Multimédia et Communication Visuelle dans le XXème arrondissement à Paris (c'est cool, j'y vais de deux coups de pédales de bicyclette), où le projet pédagogique des Masters est établi par l'ensemble des enseignants réunis autour de la table. Les échanges et les critiques s'exprimant librement, ma proposition de thème général des projets individuels est retenue ainsi que ses modalités. Je remplace Hervé Zénouda, parti enseigner à Toulon, pour la sémiologie du son et le design sonore interactif. Il s'agit de pousser les élèves du Master (Bac+3) à rêver d'abord pour acquérir seulement ensuite la maîtrise des outils. La recherche individuelle est favorisée dans un premier temps, mais l'astuce réside à développer leur écoute pour qu'ils s'intéressent à la personnalité des autres étudiants en recherchant les compétences qu'ils ne possèdent pas eux-mêmes. Ils seront ainsi doucement amenés vers la seconde année du Master où le collectif primera sur l'individu, mais en sachant exploiter les compétences de chacune et chacun.
L'Histoire avance vite et l'actualité nous pousse à renverser les tendances définies il y a deux ans par celles et ceux qui étaient déjà là. Le désir de former des professionnels capables de produire du sens semble partager par tous. Une résistance au moule de l'entreprise se dessine même de façon surprenante. Face à une banalisation des métiers liés aux nouvelles technologies (graphistes, publicitaires, designers multimédia, etc.), il s'agit ici de développer des personnalités capables de transformer le paysage audiovisuel, d'inventer des propositions alternatives, d'explorer des terres inconnues...
Stéphane Benoit signale Le Guide pratique du blogueur et du cyberdissident, écrit par Luc Fayard et publié par Reporters Sans Frontières, téléchargeable en pdf. Le fascicule indique, entre autres, comment blogger de manière anonyme, choisir sa technique pour contourner la censure ou assurer la confidentialité de ses e-mails, des connaissances qui peuvent s'avérer de plus en plus indispensables pour résister à la mise en coupe réglée du Net à l'œuvre un peu partout dans le monde. La France de Sarkozy n'y échappe hélas pas, les lois à l'étude sont très avancées, la censure s'approche à visage découvert.