70 Multimedia - septembre 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 29 septembre 2008

Design sonore pour Mir:ror et Dal:dal


Liés par le secret professionnel, ni Antoine Schmitt ni moi ne pouvions parler de notre travail pour Violet, à savoir les deux nouveaux objets qui font suite au lapin Nabaztag. À peine leur sortie prévue pour le 23 octobre prochain vient-elle d'être dévoilée lors de la conférence de Violet à l'IFA de Berlin et dans Le Monde 2 que l'annonce fleurit sur le Web... Comme d'habitude, Antoine crée le design comportemental et je suis en charge du design sonore tant de Mir:ror que de Dal:dal.
Encore aucune photo pour la lampe Dal:dal, "objet sphérique qui change de couleur et qui émet des sons", et pour laquelle j'ai conçu et enregistré une palette de carillons. Comme la boule de cristal sonne les heures, j'ai cherché à créer des timbres et des mélodies mnémotechniques pour éviter d'avoir à compter les coups dès lors que l'on aura pris l'habitude de les entendre. Les sons du boot et de la connexion sont joués par le synthétiseur midi interne tandis que l'horloge est diffusée en mp3.
Sonoriser le Mir:ror (photo) fut une autre paire de manches, car nous n'avions comme instrument qu'un petit buzzer ressemblant de prime abord au son des premières puces musicales et un langage de programmation relativement archaïque (en opposition au système de gestion très sophistiqué de Violet). Leur nouvelle invention ressemble à un petit miroir rond de sac à main qui se branche sur la prise USB de son ordinateur (Mac et PC) et qui reconnaît les objets qu'on lui présente. Lecteur de RFID (Radio Fréquence IDentification à la norme ISO 14443 comme les passes Navigo ou Velib'), Mir:ror lit les Ztamps (petits timbres carrés de 1 cm de côté) que l'on peut coller sur tout et n'importe quoi. Un peu comme un code-barres dont chaque exemplaire est unique, il permet d'envoyer une information sur Internet, grâce à une console d'administration sur le site de Violet, comme déjà le lapin, pour déclencher des actions diverses. Le nez de Nabaztag/tag, la v2 du petit mammifère en plastique, abritait déjà un lecteur RFID, offrant par exemple de lire automatiquement à haute-voix un livre aux enfants qui lui auraient frotté le museau avec ! On affectera donc à chaque Ztamp une action comme envoyer un mail, délivrer la météo, compter le nombre de cafés ingurgités, etc. dès lors que l'on aura collé un Ztamp sur ses clefs (par exemple un message pour annoncer à son conjoint que "je suis arrivé" ou que "je m'en vais du bureau"), sur son parapluie (le prends-je ou pas aujourd'hui ?), etc. Peu importe le lecteur, lapin ou miroir de qui que ce soit, le lapin destinataire reconnaît le message. C'est donc un complément astucieux des 200 000 Nabaztags déjà écoulés... Mir:ror sera vendu 45 euros dès le 23 octobre avec 2 Nanotazs (supports en forme de lapineau de dix couleurs différentes pour qu'on s'y retrouve) et 3 timbres RFID Ztamps (les étiquettes identificatrices aux couleurs et logos divers et variés). Les Ztamps supplémentaires seront commercialisés au prix de 19€ la douzaine et les nanolapins 9€ pièce.
Comme pour tous les autres objets de Violet, Antoine a conçu les chorégraphies de couleurs. Pour sonoriser le Boot et le Quit (brancher et quitter), le WakeUp et le GoToSleep (réveil et sommeil, lorsqu'on retourne Mir:ror), la détection et l'enlèvement des Ztamps (Mir:ror peut en reconnaître plusieurs à la fois), les messages d'erreur (pas de réseau, logiciel non installé, objet non enregistré, crash), nous avons dû faire preuve d'ingéniosité avec les mélodies que j'ai composées. Grâce au tableau trouvé sur mon précieux Leipp (Acoustique et Musique, ed. Masson), j'ai traduit les notes en fréquences, puis les durées en secondes, et en jouant sur la rapidité des fondus nous avons pu varier les timbres sonores artificiellement, sans abuser des glissés de note à note. De son côté, Antoine fabriquait des codes lumineux colorés pour rendre ces messages explicites.
Il faudra donc encore attendre trois semaines pour pouvoir jouer avec ces nouveaux gadgets qui trouveront leur utilité selon chaque utilisateur. Comme pour un projet artistique, le temps de développement industriel est long entre les premières ébauches et l'objet fini, d'autant que le système développé par Violet est particulièrement complexe pour gérer tous les flux qui vont transiter par la Toile. Comme l'écrivent Olivier Mével et Rafi Haladjian dans leur déclaration d'intention, Let all things be connected (Après un lapin, connectons tout ce qu'il est possible de connecter) et traversons le miroir !

P.S. : dans Le Journal du Dimanche d'hier, le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, président du Palais de Tokyo, suggère les douze artistes "à ne pas louper" lors de la Nuit Blanche de samedi prochain 4 octobre : "deux compositeurs qui convoquent des génies comme John Cage, monument de la composition, de l'art conceptuel..." Notre opéra Nabaz'mob, présenté à Bercy Village, fait partie des élus : "C'est une œuvre enveloppante tournée vers le futur, et toutes les possibilités qu'elle annonce me rendent optimiste." Quelle carotte ! Nos cent petites bestioles ne vont plus tenir en place...

samedi 27 septembre 2008

Des guides pour les arts numériques


Nicolas Clauss, Françoise Romand, Antoine Schmitt, Xavier Boissarie, Antoine Denize, Electronic Shadow, Servovalve (je cite ici ceux avec qui j'ai déjà collaboré) et plein d'autres camarades figurent sur le nouveau guide Arts Numériques (Tendances-Artistes-Lieux et Festivals) réalisé sous la houlette d'Anne-Cécile Worms (M21 Editions, 330 pages, 29€). Nous avons tous envoyé une image de 16x22cm et une biographie, soit cent artistes numériques français préfacés par toute une ribambelle de textes passionnants dans leur diversité, totalement à côté de la plaque, visionnaires ou remettant salutairement les pendules à l'heure. Tous font ressortir la question de l'art, ce qui en est ou ce qui en naît.
Pour ma part, selon les jours et les humeurs, j'y cherche l'émotion, le rêve ou la critique. L'émotion du beau, le rêve de l'inouï, la critique de la narration, fut-elle abstraite ou d'essence philosophique. Quant à la technologie, je n'en ai absolument rien à fiche, si ce n'est pour m'allonger régressivement par terre à pervertir mes jouets. Le numérique ne signifie rien d'autre qu'un protocole industriel. Les concepts appris dans les écoles de beaux-arts assurent essentiellement la pérennité de professeurs souvent dépassés et de leurs élèves s'embourbant dans le scolaire et les nouveaux académismes. Les modes se suivent et se ressemblent par leur inanité heureusement éphémère. De ces marais fangeux, qui rappellent les univers sociaux de la publicité et de l'entertainment, émergent quelques personnalités portant sur leurs épaules des mondes, des visions, des souffrances et des colères. Encore faut-il avoir appris à ne pas confondre les phénomènes de foire (je n'y vois aucun inconvénient, à condition de savoir les identifier, comme se détendre devant un gros blockbuster macho américain ou jubiler devant une œuvre du septième art) et les véritables démarches artistiques. Pauses snobinardes de classe contre urgences hospitalières.
Mais comment s'y prendre pour trier le bon grain de l'ivraie ? Rechercher la nécessité : le choix ne fait que tatouer la surface de son encre délébile. Apprécier le rejet quand prend la greffe : combat ou soumission ? Le texte de Gilles Alvarez me surprend par son acuité à cerner les faux-semblants jusqu'à terminer par une phrase de Claude Debussy : "qu'il vaut mieux regarder le lever du jour qu'écouter la Symphonie Pastorale". Les œuvres ne sont que le reflet du monde, son inconscient monstrueux. Il y a ceux qui s'y plaisent et s'y complaisent, et de pauvres hères rêvant naïvement de le bousculer et qui enragent. Pour un artiste, le repos n'existe pas. Le sommeil est habité. Le mystère seul le calme. Il n'y a pas d'abonné au numéro que vous avez demandé. Aucune réponse n'est satisfaisante. Mais il avance. En aveugle. Qu'importe ! Il sait où il va. Nulle part. Parce que ce sera toujours mieux qu'ici et maintenant. Ses gestes lui sont dictés par une morale qui rejette tout ce qui est convenu sans être interrogé. Le travail est si colossal qu'il restera inachevé. J'écris il, mais c'est en nombre que leur pouvoir s'exercera. Les initiatives de regroupement sont indispensables.
Parallèlement à l'édition de l'ouvrage autour des artistes qui comprend également une importante partie sur les lieux et festivals, Anne-Cécile Worms qui s'occupe de la revue bimestrielle MCD (Musiques & Cultures Digitales) édite la version 2008-2009 du Guide des Festivals Numériques (MCD, 9€) dans lequel le président du Cube, Nils Aziosmanoff, cite les temps forts du dernier festival en commençant par notre opéra pour 100 lapins communicants, photo à l'appui.
Décidément, Nabaz'mob a la cote ! Avec Antoine Schmitt, notre clapier participe à la Nuit Blanche à Paris le 4 octobre pour 6 représentations (20h-21h-22h-23h-0h-1h) à Bercy Village, Passage Saint-Vivant (Métro Cour St-Émilion). Nabaz'mob sera aussi à Besançon le 2 novembre au Festival Musiques Libres et en 2009 il est fortement question d'une tournée sur trois autres continents en même temps qu'une installation durant six mois dans un musée parisien. J'en fais tout un fromage sans être dupe de la carotte qu'il représente. Nos élucubrations nous échappent, reprises par les vulgarisateurs que nous alimentons et qui, à leur tour, nous font gentiment manger du frais plutôt que des pissenlits par la racine. Un artiste doit aussi apprendre à voir avec les yeux de son public, savoir apprécier les déplacements de sens, partager les émotions. À moins de basculer dans l'autosuffisance, quand l'échec ne sonne pas comme une injustice, le succès a le goût de l'usurpation. L'insatisfaction est le moteur de l'œuvre. L'avenir est pavé de mauvaises interprétations. Rien n'a de valeur que le prochain geste.

lundi 22 septembre 2008

Michel Séméniako expose ses paysages humains


Qu'ont donc d'humain les paysages de Michel Séméniako si ce n'est la présence invisible du peintre hantant chaque photographie tandis qu'il promène son pinceau lumineux sur les terrains vagues et les constructions improbables ? Lorsqu'il enclenche son appareil, le temps s'arrête. La pellicule, vivement impressionnée, se fige dans une pause de modèle endormi. Il peut dès lors entrer dans le cadre sans se faire voir et taguer les monuments d'une civilisation qui s'éteint à l'aube du nouveau siècle. Il n'y a que des gars comme lui pour en faire celui des Lumière, coude à coude avec sa compagne, la photographe Marie-Jésus Diaz, qui prend le temps de se battre pour les sans-papiers, entre deux tirages qu'ils réalisent eux-mêmes en numérique. Ce sont des œuvres somptueuses aux couleurs invisibles comme on dirait inouïes, contrastes qui font sens, autant d'énigmes...
Le 18 juin 2006, j'avais écrit un premier article intitulé L'ectoplasme : Michel Séméniako est notre frère en somnambulisme. Je livrais alors le texte du portrait chanté que nous fîmes de lui en 1997 sur le CD-Rom Carton (Birgé-Vitet, GRRR 2021, dist. Orkhêstra). Les images des modules interactifs étaient toutes les siennes. La pochette aussi. Beaucoup de noir et blanc. Les débuts de la couleur. Les images négociées côtoyaient les paysages nocturnes. Je ne savais pas encore glisser du son dans mes articles. La voici, chantée par Bernard Vitet :

La Galerie Le Feuvre, sise 164 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, expose les human landscapes de Michel Séméniako jusqu'au 18 octobre. L'accrochage est généreux, les noir et blanc sont en sous-sol, les couleurs explosent dans les trois salles du rez-de-chaussée. Les tirages sont à couper le souffle. Il y en a même quelques uns de très grands, comme celui reproduit ici. J'en ai rêvé la nuit.

dimanche 14 septembre 2008

Objets inanimés possédez-vous mon âme ?


J'ai choisi cette image avec la plus grande mauvaise foi pour faire mentir Pascale qui trouve que mes tableaux des années 60 (1 2 3) étaient beaucoup plus sombres que ce que je produis aujourd'hui (bien que je n'ai plus aucune activité graphique depuis 35 ans, mais Pascale se réfère aux illustrations et photos de mon blog). D'après mes souvenirs, l'époque était beaucoup plus douce que la nôtre, nous étions en pleine adolescence, c'était le temps des hippies et des révolutions de mœurs, nous croyions pouvoir rendre le monde plus beau, réduire les inégalités, etc. Nous expérimentions les substances hallucinogènes que le light-show était censé transposer sur les écrans géants derrière les musiciens. Il me semble que c'est le support qui donnait sa noirceur à mes travaux sur diapositives, je grattais, brûlais, dissolvais, j'attaquais le film dans l'épaisseur. Ce vitrail bleu met en jeu des techniques plus traditionnelles. Je n'ai pas plus de recul qu'un parent s'émerveillant devant son bébé, c'est trop loin. Le bébé est devenu une grande personne. Tout est trop loin, une autre vie, un autre bonhomme, comme si j'avais volé la mémoire de quelqu'un d'autre. Ou bien ce sont les objets qui se souviennent de moi, le contraire de ce que j'aurais pu imaginer. Si je repense aux musiques que je composais, je me dis que Pascale a raison, j'étais plus sombre, ou je le suis devenu en grandissant très vite. Les titres de mon premier disque formait la phrase : "Défense de - Crever - La bulle opprimante - Le réveil - Pourrait être brutal". Alors ? J'aurais aimé être plus léger, composer de la musique de danse, jouer la comédie. Au lieu de cela, nous avons fondé Un Drame Musical Instantané et la principale critique qui a toujours été faite à mon travail est sa gravité. Je suis un type grave avec une voix haute.

samedi 13 septembre 2008

Une étoile s'éteint


Sur son blog, Etienne Mineur rend hommage à Nagi Noda, décédée dimanche dernier à l'âge de 35 ans des suites d'un accident de voiture dont elle fut victime un an auparavant. La maîtrise et l'inventivité de la graphiste japonaise parlent d'elles-mêmes. Nous avions découvert son travail il y a seulement deux ans et demi. Ses œuvres sont son plus bel épitaphe.

lundi 8 septembre 2008

C'est arrivé demain


Sorti en 1944, le film de René Clair It Happened Tomorrow racontera l'histoire d'un journaliste qui entrera chaque soir en possession du journal du lendemain. L'anticipation le plongera dans une aventure étonnante, lorsqu'il apprendra les news 24 heures à l'avance jusqu'à l'annonce de sa propre mort... Passionné depuis toujours par l'idée d'anticiper les évènements, j'en donnerai le titre français à une rubrique du Journal des Allumés pour évoquer le futur au travers des arcanes de la technologie.
Avec Time Slip, la nouvelle œuvre qu'Antoine Schmitt aura mis en ligne, l'artiste retournera le procédé et nous projettera dans le passé. Il conjuguera simplement au futur, et paradoxalement en temps réel, les nouvelles de l'AFP ou d'autres agences de presse pour les faire défiler en journal mural (sur l'image j'aurai empilé des morceaux de phrases, mais il n'y aura évidemment qu'une seule ligne qui défilera). Lorsque nous ignorerons l'actualité, la découvrir au futur nous donnera le vertige, avec parfois comme Dick Powell dans le film de René Clair, l'envie d'intervenir sur les évènements pour empêcher la prophétie de se réaliser. Time Slip interrogera le mouvement des informations, le délai nécessaire à ce qu'elles nous parviennent, leur urgence, soulignant le pouvoir ou l'incapacité de chacun à enrayer le Cours du Temps (autre rubrique que j'initierai dans le Journal des Allumés !). Antoine souhaitera que l'œuvre soit projetée sur des supports habituellement "porteurs de vérité" (affichages publics) afin de déstabiliser le public et provoquer le doute sur ce qu'il absorbe quotidiennement sans broncher.
Imitant ses principes, je recopierai ses propres mots au futur : "Time Slip sera un travail plastique lié à un questionnement philosophique sur le destin, son écriture préalable ou son déterminisme causal, et au bout du compte un travail sur le libre arbitre dans un univers où le temps et sa causalité pourront vaciller. Il renverra le spectateur au contrôle de sa propre destinée. Ce sera aussi une réflexion sur la force motrice de l'imprédictibilité et du risque, de plus en plus centrale dans le monde contemporain. Il y aura quand même une porte de sortie pour le spectateur par la prise de conscience de la vanité intrinsèque de ce système qui fera semblant de savoir ce qui va se passer, mais qui en fait ne saura rien. Mais cette porte ne sera pas facile à trouver. Time Slip sera construit sur un programme spécifique qui puisera ses sources dans les agences de news officielles, en sélectionnera certaines et changera le temps de leur verbe du passé ou du présent au futur. Time Slip sera toujours à jour. Ce sera une œuvre générative programmée."
Tel le CD-Rom Machiavel que nous réaliserons ensemble en 1998, les œuvres d'Antoine que je préfèrerai seront les plus critiques du monde où nous vivrons et que nous façonnerons. Engager notre responsabilité dans le phénomène de manipulation que nous subirons sera un des enjeux les plus excitants pour les citoyens que nous serons, donnant à nos œuvres une raison d'être et de devenir, bien au delà des poses esthétiques qui pourront nous séduire.

P.S. : à l'instant où j'écrirai ce billet, Antoine aura terminé d'installer Façade Life sur le mur extérieur du Musée de Séoul où s'inaugurera la 5ième Biennale sous le thème "Turn and Widen", et quand vous me lirez il sera probablement déjà dans l'avion du retour. Il y a deux ans Nicolas et moi y présentions Somnambules. Voilà, à présent, le passé cohabite avec l'avenir. Il aura fallu quelques lignes qui défilent.

samedi 6 septembre 2008

John Jacks in the Box


Quelle folie ! Pour illustrer le billet d'hier je suis monté dans les archives chercher un tableau que j'avais "peint" dans les premiers temps du light-show, de mes balbutiements en 1966 aux exploits scéniques de 1970, époque où je brûlais des diapositives, où je les aspergeais d'acide avant de les flamber, où je grattais la pellicule, accumulant les épaisseurs ou redessinant sur la surface de 2,4 sur 3,6 centimètres. Creusant mon chemin parmi les boîtes en plastique numérotées et les paniers Leitz, je tombe sur une mine oubliée depuis plus de trente ans, désaffectée. Les découvertes se succèdent à mesure que je progresse dans l'ouverture fébrile de chaque boîte, les polarisations dont je m'étais ensuite fait une spécialité, les cinétiques achetées à Londres en 1970, les milliers de photographies de Thierry Dehesdin mises en scène avec force figuration et décors somptueux, les reproductions de tous les dessins d'Antoine Guerreiro, les repros de comic books américains, les diapos grivoises des années 50 aux couleurs passées, les liquides séchés mis sous verre par Luc Barnier et Antoine...
Sur les diapositives que je regarde vite fait devant une ampoule électrique, j'aperçois la scène des Morts où nous posions tous nus dans une lumière blafarde, Michaëla, Annabelle, Luc, Philippe, Laura, Antoine, Bernard, Brice... Certains ont traversé le Styx pour de vrai depuis belles lurettes. Nous avions tourné la séquence des Lotophages dans le Jardin botanique en friche du Jardin des Plantes, d'autres scènes à Vert dans la maison incroyable d'Annabelle et dans le jardin anglais qui l'entourait, Michaëla Watteaux un boa autour du cou, iguanes menaçants, yeux sortis de leurs orbites comme des boules de billard japonaises, carcasses pendues aux abattoirs de La Villette, Gaby en chevalier dans les bois de Chaville... Je n'ai fait qu'entrevoir.
Plus au fond, caché sous les cartons, je retrouve mes photos de voyage du temps où je prenais des diapositives, les USA en 65 et 68, le Maroc et Londres en 67, l'Italie, la Sicile, la Sardaigne, etc. Une mine pour continuer à illustrer mon blog. Plusieurs vies. La mienne ne suffira pas pour exhumer tous ces trésors accumulés dans cette grotte alibabesque.
Toujours plus surprenant, je mets la main sur des diapositives de Birgé Gorgé Shiroc à la Gaîté Montparnasse en 1974, à l'ARC en quartet avec Gilles Rollet, et le Drame à la Vache Noire invité par Dominique Meens alors qu'il était agitateur culturel. Lorsque nous avons rééditer Défense de en double album, cd+dvd, Francis avait soutenu qu'il existait des témoignages en couleurs quelque part dans mes archives. Je n'en avais aucun souvenir. J'avais cherché tout ce que j'avais du groupe qui avait précédé Un Drame Musical Instantané, six heures trente de musique inédite, les clichés de Thierry en noir et blanc, quelques abstractions que j'avais réalisées pour H Lights, c'était tout. Je croyais avoir fait le tour. Les fantômes sortent des boîtes comme des diables. Je commence à scanner comme un fou. La reproduction des petites images destinées à être projetées en grand s'accommode plutôt bien de l'écran de l'ordinateur. On retrouve la transparence avec la lumière qui vient de l'arrière.

mercredi 3 septembre 2008

Spécialité : généraliste


J'ai un peu amélioré les informations du blog en ajoutant dans la colonne de droite une rubrique Événements, une courte biographie et rappelé que mes écrits sont d'ordre généraliste. Cette particularité attire évidemment moins les internautes que les blogs spécialisés, mais j'ai toujours préféré me penser généraliste avec des spécialités que spécialiste du son ou de je ne sais quoi. Mon goût pour les surprises, les changements d'angle, les volte-faces et les paradoxes y trouve son compte. Analysant les situations sous l'angle unique de leur fonction, les spécialistes risquent de passer à côté des points déterminants dès lors que ceux-ci échappent aux classifications entendues.
Je me souviens, par exemple, que mon père était tout le temps essoufflé. Il fit donc des analyses, un check-up complet à l'Hôpital américain de Neuilly, pris rendez-vous avec un cardiologue, un pneumologue, etc. Tous ne lui trouvèrent rien d'anormal. Son médecin de famille mit en relation ses chevilles enflées et ses difficultés respiratoires, et mon père se retrouva de justesse avec une valve en peau de porc à l'intérieur du cœur !
Il me semble intéressant d'analyser une situation en changeant de repères. La polysémie, le poly-instrumentisme ou la pluridisciplinarité me permettent d'essayer des vues inédites sur des sujets que je ne maîtrise pas toujours très bien.
C'est le cas de le dire.