70 Multimedia - avril 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 27 avril 2016

Martha Gellhorn, La guerre de face


J'ai enfin terminé le livre de Martha Gellhorn à raison d'un ou deux chapitres par bain. Risquant parfois de m'y endormir j'évite de prendre ma liseuse qui craint l'eau plus qu'un bouquin que l'on peut toujours faire sécher ; ainsi ai-je choisi La guerre de face qu'Anny m'avait offert pour Noël. Et jamais je n'ai piqué du nez !
Chaque chapitre pourrait être le synopsis d'un long métrage, mais ce recueil d'articles publiés de 1936 à 1992 est avant tout remarquablement écrit, une leçon pour tout journaliste qui se respecte, mais refuse le formatage imposé en général par la rédaction. De la Guerre d'Espagne à celle du Panama en 1990, Martha Gellhorn arpente la planète partout où les hommes s'entretuent et où les populations en font les frais. La correspondante de guerre saisit l'essence-même de chaque conflit au travers de sa propre expérience, aventure qu'elle partage en s'engageant corps et âme. Le récit de ce qu'elle découvre réfléchit les enjeux des belligérants. Si elle est extrêmement critique avec la politique impérialiste de son pays au Vietnam ou en Amérique du Sud, elle s'enthousiasme aveuglément pour Israël, comme nombreux intellectuels américains d'origine juive. Mais à part ce chapitre où ses critiques sont justes mais unilatérales, elle choisit son camp parmi les opprimés et les agressés. Car si Martha Gellhorn raconte la guerre, elle la déteste au plus haut point.
Elle a commencé sa carrière à Madrid en 1937 aux côtés d'Ernest Hemingway dont elle est la troisième épouse de 1940 à 1945. Parmi ses nombreuses publications, La guerre de face raconte aussi la Finlande attaquée par les Russes de 1937 à 1939, le Front de Canton entre Chinois et Japonais en 1941, la Seconde Guerre Mondiale depuis la Grande-Bretagne, à travers l'Italie, la Hollande, la Belgique, le Débarquement et Dachau, témoignage bouleversant qui s'attache aux hommes plutôt qu'aux faits d'armes, et puis Java, le Vietnam, la Guerre des Six Jours et l'Amérique Centrale. Gellhorn divorcera pour préserver son indépendance, car Hemingway est un macho qui supporte mal que sa femme soit autre part qu'au foyer !
Elle s'enorgueillira d'en avoir créé dix neuf en quarante ans, la globe-trotter refusant d'être une note en bas de page du célèbre écrivain. Femme libre dans sa vie professionnelle, elle entendait le rester dans sa vie privée. Il nous reste un style superbe, un agencement structurel chaque fois renouvelé en fonction du sujet et un témoignage exceptionnel sur la folie des hommes.

→ Martha Gellhorn, La guerre de face, 500 pages, Ed. Les Belles Lettres / Mémoires de guerre, 23€

jeudi 21 avril 2016

L'oracle DigDeep à La gaîté Lyrique pour Dizaïn


La semaine dernière, Sonia Cruchon présentait à la 27e séance de dizaïn, organisée à la Gaîté Lyrique par les Designers Interactifs, l'oracle qu'elle a imaginé pour iPad. Il suffit de penser une question qui nous préoccupe sérieusement, de l'enregistrer vocalement ou de l'écrire sur la tablette, pour que DigDeep nous susurre une suggestion. Les réponses apparaissent sous la forme d'un extrait cinématographique muet très court, issu des Archives Prelinger. Il ne s'agit nullement de divination, mais d'un système proposant un autre angle d'analyse, sollicitant l'interprétation quasi jungienne de celle ou celui qui y a recours. Toute proportion gardée, on se rapproche du Yi-King ou des Oblique Strategies. Les films muets étant bouclés, les réponses à nos interrogations sont souvent à chercher dans les détails que la répétition fait remonter au premier plan, comme nous l'avions constaté avec Antoine Schmitt pour Machiavel. L'application DigDeep, totalement gratuite, offre divers services comme l'archivage des tirages, l'envoi par mail, etc.


Les archives sont devenues pléthoriques. Dès que nous participons à un évènement public nous en accumulons les traces, graphiques (photo- ou vidéo-), sonores, écrites, etc. Les modes de recherche, qu'ils soient personnels ou publics, permettent de les retrouver alors même que certaines semblaient avoir disparu depuis des lustres. Cette force devient une faiblesse, dès lors que le système s'enraye. Le grand incendie nous menace. Un crash peut tout faire disparaître si l'on n'effectue pas des sauvegardes de sécurité. Leur multiplication, parfois au détriment de la légalité anti-piratage, devrait permettre de l'éviter. Du moins tant que l'on a accès au Web et que l'électricité fonctionne ! Ici nous est par exemple proposé le récit de la soirée en tweets et en images réalisé par Gayané Adourian pour l'Agence Ondine, le replay en vidéo de toute la soirée sur le site de la Gaîté Lyrique, les photos des invités prises par Arthur Enard... De notre côté nous avons extrait la présentation de DigDeep réalisée avec Sonia Cruchon, treize minutes en compagnie de Geoffrey Dorne qui jouait le meneur de jeu, Marina Wainer qui organisait l'évènement et toute l'équipe de dizaïn. Ce genre d'initiatives est formidable, offrant de présenter les idées et objets que génère l'avancée des nouvelles technologies...