70 Multimedia - juin 2018 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 29 juin 2018

Mon frigo en double page


Il n'y a pas que le mien. De 1993 à récemment, Olivier Degorce a photographié quantité de réfrigérateurs dont le contenu en raconte long sur leurs propriétaires. Le livre Fridge Food Soul dresse également un portrait de l'époque et du temps qui passe au travers des emballages et de la variété de victuailles et de breuvages qui s'offrent à nous lorsqu'Olivier ouvre les portes du froid. Il ne fait en général qu'une seule photo, avec des appareils très différents, du plus simple au plus sophistiqué, et pas question de toucher à quoi que ce soit avant que ce soit dans la boîte ! On appréciera le lien avec la trentaine de livres de cuisine qu'il a illustrés pour sa compagne Amandine Geers...
En scrutant ce qu'il y avait ce jour-là dans mon Whirlpool qui n'était pas très rempli en comparaison des jours où je reviens des courses, je reconnais mon goût pour l'exotisme : une boisson pétillante et pimentée turque à base de betteraves à côté du vin blanc, des sauces orientales, mais aussi du Coca Cola et du cidre, un citron vert et un piment marocain, et les incontournables glaces de chez Berthillon. Comment interpréter cet inventaire ? J'aurais préféré éviter de montrer certains de mes choix d'alors, mais je laisse à chacun/e le soin de se faire sa petite idée...

→ Olivier Degorce, Fridge Food Soul, texte en anglais, 136 pages avec presqu'autant de photos, 18 × 26 cm, Ed. Patrick Frey (Zürich), 42€

mardi 26 juin 2018

Dites-le avec un disque


En 2012 Patrice Caillet avait rassemblé des pochettes de disques bricolées par des amateurs ayant perdu l'enveloppe originale, dans le livre Discographisme récréatif, magnifique recueil d'art brut. L'année suivante, avec Adam David et Mathieu Saladin, il avait publié, Sounds of Silence, un vinyle composé de 29 plages de silences sur le label Alga Marghen. Cinq ans plus tard Caillet, David et Elia David accouchent d'un nouveau concept avec le vinyle mono-face Dîtes-le avec un disque / 15 Auto Recordings. Ce sont quinze enregistrements réalisés dans les années 60 par des anonymes dans des cabines publiques d’enregistrement phonographique sur le modèle du Photomaton. On avait une minute trente secondes pour enregistrer un 45 tours que l'on pouvait ensuite envoyer ou offrir. Dans le film Masculin Féminin de Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Léaud enregistre ainsi une déclaration d'amour à Chantal Goya dans une de ces cabines automathones :


La mauvaise qualité technique importe peu. Ces morceaux de vie sont émouvants, qu'ils soient joyeux ou tristes, légers ou profonds. On n'y entend pas seulement les voix, mais aussi l'état psychologique des protagonistes et l'univers urbain autour, révélateur de l'époque. Sur la pochette blanche est collé un sachet hermétique avec la liste commentée des plages et le texte explicatif. Cette évocation me rappelle mon album Brut de répondeur où j'avais rassemblé 2h30 de messages que j'avais reçus entre 1981 et 1983. Je repense aussi à l'enregistrement du grand-père de Bernard Vitet, gravé dans la cire, que mon camarade espérait sortir sur la réédition de Mehr Licht ! que l'on attend toujours, bloquée par de sinistres et absurdes spéculations mercantiles.
Mais le concept actuel des trois larrons ne s'arrête pas là, car ils ont imaginé un réel geste artistique. Comme ils l'expliquent sur le site ditesleavecundisque.com où sont détaillés le contexte et le projet accompagnés des 15 auto-enregistrements, ce nouvel album n'est pas à vendre ! Il ne rentre à aucun moment dans une logique commerciale. Les exemplaires de ce disque ont été volontairement perdus dans des espaces publics, commerciaux, médiathèques, vide-greniers... S'ils ont commencé par en déposer un à la Médiathèque Musicale de Paris samedi dernier, ils en glissent subrepticement des exemplaires dans les bacs de la Fnac, chez Boulinier ou dans des lieux correspondant aux enregistrements initiaux. Qui donc alors trouvera celui intentionnellement oublié dans l'ascenseur de l'Empire State Building à New York ? Où en dégoter un exemplaire si sa diffusion est clandestine ? Les auteurs refusent de révéler même le nombre pressé, mais on peut supputer qu'il y en a pas mal tant ils doivent s'amuser à l'intégrer dans des endroits plausibles autant qu'improbables, chamboulant l'état de stocks où il n'est évidemment jamais répertorié. On imagine déjà les sueurs froides au passage en caisse. Libre donc à vous d'imaginer où ces joyeux farceurs ont pu laisser leur généreux forfait pour que vous en soyez les premiers acquéreurs !

mardi 5 juin 2018

La collection Métal de mon père


Dans mon article sur Le Météore du 21 décembre 2012 j'écrivais : "Publié par Stellarque, le nouveau numéro du fanzine de science-fiction [n°13] aborde la collection mythique Série 2000 des Éditions Métal qu'avait cofondées mon père, avec le coauteur du Matin des magiciens, l'écrivain Jacques Bergier. Quinze ans avant la célèbre collection argentée Ailleurs et Demain (Ed. Robert Laffont) [inspirée] par Paco Rabanne, mon père et Jacques Bergier avaient ensemble imaginé des livres métallisés, cuivre, or ou argent. Cela n'en rapporta probablement pas tant, vu que mon père changea ensuite une fois de plus de métier ! [Dans le Météore], Didier Reboussin met l'accent sur les écrivains phares de la collection, Charles et Nathalie Henneberg (la véritable plume du couple alors qu'il signait seul !), Ferdinand Lecoublet dit Jean Lec [peintre et graphiste], Robert Collard dit Lortac [pionnier du dessin animé en France], Pierre Versins [historien érudit et collectionneur], Albert et Jean Crémieux, Jean Rousselot dit Christian Russel, [le journaliste] Claude Yelnick [un des scénaristes de « Mickey à travers les siècles » !], Adrien Sobra [alias Marc Agapit], etc., dont il décrit les étonnants pédigrées."
Dans le n°14 de Nous les Martiens d'avril 1989, Jean-Luc Buard écrit qu'il y a aussi Yves Dermèze (Paul Béra au Fleuve Noir), Michel Lecler (alias Lebrun ou Cade, « pape du polar »), Francis Didelot, Keller-Brainin, Maurice Vernon (alias Gilles-Maurice Poulain alias Friedrich Soffker)... "De 1954 à 1956, c'est l'aventure des Éditions Métal, où Jean Birgé, comme directeur littéraire, donne une place prépondérante aux auteurs de Science-Fiction français. Il s'investit considérablement dans cette entreprise, avec son épouse, qui l'a toujours secondé dans tout ce qu'il faisait, mais malgré le lancement du Prix Rosny en 1954 (couronnant La naissance des dieux de Charles Henneberg) et un certain succès de la collection, il se retire de l'entreprise pour cause de différend avec l'éditeur, qui publie encore quelques volumes, non S-F."
C'étaient mon oncle Gilbert et ma tante Arlette Martin qui avaient dessiné toutes les couvertures sous le pseudonyme de GAM. Je suis donc ravi que cette collection fondée par mon père soit dorénavant entre les mains d'Étienne Mineur qui à l'heure actuelle termine le livret de 52 pages de mon prochain disque...