70 Musique - août 2006 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 23 août 2006

Dodéca Couac


Chaque fois que nous voyons voler les Canadair devant la plage, nous comprenons qu'un feu de forêt est en train de réduire en fumée des centaines d'hectares. Même si ce n'est pas toujours intentionnel, ces incendies sont toujours criminels. Il suffit d'une clope mal éteinte lancée au milieu de quelques épines de pin. Une rumeur raconte qu'un jour un plongeur aurait été aspiré par un de ces bombardiers d'eau et qu'on l'aurait ensuite retrouvé au milieu des cendres. Les écopes utilisées par les Canadair étant de la taille d'un verre d'eau pour ne pas freiner l'avion en phase d'écopage, un tel accident est donc impossible. Tandis que les avions de la protection civile jaune et rouge passent et repassent, je me souviens d'une chanson de l'album Carton, hommage à Bobby Lapointe qui m'avait pris plusieurs mois à écrire en 1992 et où j'utilisais un de ces avions extincteurs. D'habitude, lorsque je suis rôdé, le texte d'une chanson ne me prend pas plus d'une journée. J'avais trouvé une manière originale de composer sa rythmique endiablée, par un système d'élisions aléatoires. Comme j'étais exceptionnellement le chanteur de ce free rock graveleux, cela permettait à Bernard de jouer enfin un peu de trompette.

DODÉCA COUAC

Que de codas codées qui durent
Décodèrent des cadors qu'adorent
Des cadeaux du kid qui dort
Trois quat' dicos dans deux caddies,
Dans des décors d'un coup d'équerre
Déconnèrent dur des cons du coin
Des cascadeurs du camp qu'adulent
Des décadents du cal du cœur.

Deux doigts de kir ou du déca
Dans deux doigts d'eau qu'on dit que d'eau
D'accus que dalle, du cul d'accord :

Du cul dodu d'ados dadais
Code qu'Odette du coup décale
Dès que des queues dures des dix doigts
Dare-dare guidèrent des doux dadas
Du con doré auquel adhèrent
Des dards d'où coule une liqueur,
Dis donc quels dons quel quart d'heure
Qu'on dut dédier dix Canadair !

Deux doigts de kir ou du déca
Dans deux doigts d'eau qu'on dit que d'eau
D'accus que dalle, dodo d'andouille :

Du kid qui dort on dit qu'il dut
Découder des condoms crados
Découdre au cure-dents des doudous
Claquer des deals dans des clandés,
Deux doigts de coco en cas d'accros
Quand des quidams rendaient caduques
Des credo d'aider des cadets
Dédale du dédain des dandys.

Deux doigts de kir ou du déca
Dans deux doigts d'eau qu'on dit que d'eau
D'accus que dalle, dodéca couac.

lundi 7 août 2006

Sauve qui peut !


Zappa à l'Olympia en 1968.
Le 26 octobre 1968, j'assiste à mon premier concert des Mothers of Invention dans un Olympia très loin d'être plein. Je récupère le programme de leur tournée européenne (photos) organisée par Norman Granz, qui s'achève ici, à Paris. Revenu alors récemment des USA avec leurs trois premiers albums, les voir sur scène m'emballe définitivement. Fatigués par cinq semaines de concerts, les Mothers se lâchent, jouant probablement beaucoup plus d'instrumentaux qu'aux USA, pour un public non anglophone. À cette époque, ils improvisent beaucoup sur scène, s'accompagnant d'une panoplie de mimiques scabreuses. Zappa y exprime déjà son dégoût pour la crasse des wc français ! Il est aussi extraordinaire qu'émouvant de pouvoir écouter cette soirée 38 ans plus tard : improvisations très jazz, King Kong, Plastic People, Hungry Freaks Daddy, Son of Mr Green Genes... J'ai été encore une fois surpris de trouver cet enregistrement, dû à un certain JN, sur mon site de téléchargement favori. Tout remonte doucement, mais sûrement, à la surface. L'année suivante, j'enjambai les barrières de sécurité et rencontrai enfin Zappa dans les loges du Festival d'Amougies, mais ça c'est une autre histoire...
La distribution de la tournée semble un peu différente des notes du programme : Art Dyer Tripp III (batterie), Ian Underwood (vents & claviers) et Jim Motorhead Sherwood (sax baryton) relmplacent Billy Mundi et Ray Collins.

La nouvelle loi sur les droits d'auteur risque de rejeter tous ces trésors aux oubliettes. Les généreux donateurs (partageurs serait un terme plus juste), bientôt passés au rang de délinquants, auront malgré tout multiplié et semé les copies tout autour du globe, sauvant un patrimoine inestimable, voué à l'usure du temps. Les bandes (souvent enregistrées par des amateurs) s'effacent au fur et à mesure, la couche magnétique se désagrégeant petit à petit. Le Peer to Peer aura ainsi permis de réaliser de nombreuses copies de sécurité sur de nouveaux supports qu'il faudra un jour penser dupliquer avant qu'ils ne se détruisent à leur tour... Voilà une œuvre de salut public !
Je suis écœuré par l'entretien pleine page en dernière de couverture de La lettre des sociétaires de la Sacem avec le PDG de la Fnac, Denis Olivennes. Ce fossoyeur de la culture se gargarise de "diversité culturelle" alors qu'on n'y trouve plus rien en dehors des blockbusters. Il s'érige en défenseur des auteurs et des producteurs alors que les marges de son magasin sont prohibitives et que son système informatique est criminel. Non content d'avoir assassiné les disquaires indépendants il y a trente ans, se prépare la Saint-Valentin des producteurs indépendants. Le sort des distributeurs, toujours des indépendants, est déjà réglé. En juillet, c'était au tour de Night & Day de mettre la clef sous la porte... La Sacem s'est laissée entraînée par l'industrie et, même si ce n'est pas un service public (c'est une société privée), la Sacem a oublié sa mission de protéger les auteurs, tous les auteurs, pas seulement ceux qui rapportent beaucoup de droits. La dernière de couverture du bulletin de la Sacd n'est pas mal non plus, c'est une pub pour Hertz. La Scam, qui a également emboîté le pas de ces aveugles fanatiques du tout sécuritaire (la Sacem se flatte de sanctions graduées contre le téléchargement illégal, mais le Conseil Constitutionnel a annulé cette clause et nous sommes revenus à la répression maximale), commence à comprendre sur quelle planche pourrie elle a glissé, mais elle ne reviendra pas en arrière non plus, du moins tant que toutes nos belles sociétés d'auteurs n'auront pas saisi à quelle catastrophe cette nouvelle loi va nous mener. Heureusement, les deux sociétés d'interprètes, la Spedidam et l'Adami, opposées à cette loi et initiateurs de la licence globale, n'ont pas dit leur dernier mot. Je me rends compte que la sécurité est devenue le maître mot de notre époque. Les sociétés d'auteurs croient sincèrement protéger leurs adhérents, alors qu'ils font le lit d'une culture industrialisée et policièrement encadrée. La mort de l'art ? Certainement pas, car la résistance, heureusement, s'organise...

Pour plus de précisions, voir les billets du 7 janvier (Le drapeau noir flotte sur la création numérique), du 21 janvier (Le commencement de la fin ?) et du 18 mars (Propriété Légalité Sécurité).