Chaque année, un disque exhorte mon enthousiasme. J'achetai mon premier en 1964, c'était Claude François à l'Olympia. J'attendrai quatre ans pour découvrir le suivant, le We're only in it for the Money des Mothers of Invention, et nombreux albums de Frank Zappa figurèrent en tête de ma liste pendant les années suivantes : Uncle Meat, Hot Rats, Chunga's Revenge, Weasels Rip my Flesh, Fillmore East, 200 Motels, Waka/Jawaka... Je me souviens des quelques 33 tours que j'achetai alors, le Wheels of Fire des Cream, Their Satanic Majesties Request, le seul des Stones que j'ai vraiment adoré, un disque de Family, The Beat Goes On de Vanilla Fudge, Umma Gumma de Pink Floyd, In-A-Gadda-Da-Vida d'Iron Butterfly, Electric Ladyland de Jimi Hendrix, l'étrange White Noise, les premiers Captain Beefheart, le Bonzo Dog Band, le blanc des Beatles, Rock Bottom de Robert Wyatt... Je suis passé par la musique classique, Mahler, Schönberg, Charles Ives, Varèse, il y en a tant. Je me suis emballé pour Björk, le Kronos Quartet, Steve Reich... Plus récemment, le Carnival de Wyclef Jean, Ursus Minor, Outkast, et l'adaptation de Mahler par Uri Caine, Primal Light, encore un pur chef d'œuvre qui fut suivi par deux autres Mahler, un live et Dark Flame.
Uri Caine réussit le tour de force d'adapter Gustav Mahler de façon contemporaine, free jazz, scratches, lyrisme klezmer, improvisations géniales d'un orchestre qui tourne au quart de tour, en faisant ressortir les sources traditionnelles qui ont inspiré Mahler. En modernisant Mahler, Uri Caine donne les clefs de toute l'œuvre du Viennois. C'est sublime. Participent à l'enregistrement le batteur Joey Baron, le clarinettiste Don Byron, le trompettiste Dave Douglas, le violoniste Mark Feldman, le cantor Aaron Bensoussan, DJ Olive, etc. En 2005, Winter & Winter sort en DVD le film qui avait suscité à l'origine la commande musicale, 52 minutes des lieux historiques où vécut Mahler avec la musique de Caine, filmé par Franz Winter et produit par son frère Stefan. C'est une chronologie illustrée. On peut écouter le commentaire en allemand ou en anglais ou ne garder que la musique. On peut laisser les sous-titres ou se laisser seulement porter par la musique absolument exceptionnelle.