70 Musique - février 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

vendredi 23 février 2007

Epimanondas et H Lights


Edgard (basse) et Pierre (batterie) avaient 17 ans, Francis (guitare) et moi (sur ce morceau, manipulations de bandes magnétiques et oscillateur) venions d'en avoir 18. Le préau du lycée était plein à craquer ; Depain, le proviseur, un type bien, était présent. Nous étions tout excités par ce premier concert. L'enregistrement est saturé, mais notre enthousiasme est perceptible. Le Silver Surfer traversait l'écran tendu derrière nous. Les bulles de couleur explosaient à la chaleur des lampes de nos projecteurs. Je crois que c'est Pierre qui avait appelé le groupe Epaminondas la Piquouse d'après un personnage de Vian, on avait laissé tomber le suffixe et une erreur de copie nous avait finalement transformés en Epimanondas. Edgard raconte que j'avais un avantage sur tous mes camarades : j'étais le seul à être allé aux États-Unis (en 65 et 68). J'en avais rapporté une cargaison de disques, Zappa et ses Mothers of Invention, les Siver Apples, Jefferson Airplane, Iron Butterfly, David Peel and the Lower East Side... Et la passion de la musique. J'avais vu le Grateful Dead, Kaleidoscope, It's a Beautiful Day au Fillmore West, je faisais pousser des graines sur mon balcon et des cheveux sur mes épaules... Cinq ans auparavant, j'avais commencé à faire des expériences de chimie sur des diapositives. L'image, réalisée en 1969, est parue en 73 dans le Light Book édité par l'Imprimerie Union que dirigeait le père de Luc, entré depuis dans H Lights et rebaptisé alors L'Œuf Hyaloïde... Le Light Book, cadeau de fin d'année du célèbre imprimeur de livres d'art, fut envoyé à l'ensemble des membres du Collège de Pataphysique, Picasso mourut deux jours après l'avoir reçu ! L'image originale (24x36mm) est un sandwich de liquides glissés entre les deux lamelles du cadre en plastique, de scotch collé sur le verre, le tout projeté entre deux polaroïds dont un tournait sur lui-même. La musique est extraite de First Voyage, tout un programme !

mercredi 21 février 2007

Perles de culture


Franck Vigroux me recommande 5 disques formidables. Le premier est le Coptic Light de Morton Feldman, couplé avec Violin and Orchestra. Je reconnais chez Feldman la filiation directe de Charles Ives, en particulier les influences flagrantes de The Unanswered Question et Central Park in the Dark (compilation Ives idéale avec la Holidays Symphony, dir. Tilson Thomas). Un éventail d'ambiances délicates comme murmurées, jouées en sourdine, feulements, frottements et rencontres inattendues.
Viennent ensuite deux cd de Scott Walker (ex-Walker Brothers), Tilt (1997) et The Drift (2006), sombres paysages cinématographiques de rocker intello. Superbe. La diction me rappelle Jack Bruce chez Michael Mantler. L'orchestration est hyper-moderne, industrielle et animale, minimale et symphonique. J'adore tout ce que fait Mantler, la monotonie apparente, l'inexorabilité, le timbre des voix (Bruce, Wyatt, Faithfull...). Écouter Scott Walker me donne cette impression léthargique d'énergie contenue, son chant rappelle Elvis dans un opéra contemporain. Quelques petites extravagances soniques me font préférer The Drift, une merveille, ça finira par se savoir. Les sons métalliques font grincer les neurones, les grosses caisses cognent à la porte, les bruitages narratifs n'enlèvent rien à l'abstraction... Les références se nomment Pasolini ou Brecht, les évocations de Mussolini ou Milosevic rappellent la noirceur de Triste Lilas de Vigroux, atmosphères de fin du monde, l'enfer comme si vous y étiez...


J'ai gardé le meilleur pour la fin. Hervé Zénouda m'en avait parlé il y a un an et demi, Franck Vigroux me fait passer à l'acte, et à la caisse. Professor Bad Trip et An Index of Metals (Cypress Records) de Fausto Romitelli, compositeur contemporain autant inspiré par le free que le rock, par l'école spectrale que par l'électro-acoustique, sont d'authentiques chefs d'?uvre. Même s'il touche à une probable et relative immortalité, son prénom ne l'aura hélas pas empêché d'être emporté par un cancer en 2004, à l'âge de 41 ans. La musique est d'une puissance incroyable, la richesse du matériau sonore inépuisable, l'architecture une cathédrale. Donnez à un adepte psychédélique d'Henri Michaux, un fanatique de l'impureté, un enfant de "l'artificiel, du distordu et du filtré", les moyens proprets de l'institution contemporaine, et vous pourriez réussir le cocktail alchimique explosif qui a cramé ma galette argentée. L'ensemble belge Ictus le suit dans ses expérimentations démentes. Avec ou sans électronique ajoutée, la musique sonne inouïe. Dans le premier disque, à côté des pièces d'ensemble, il y a un solo de flûte à bec contrebasse qui sonne comme de grandes orgues et Trash TV Trance, un solo de guitare électrique dont pourraient s'inspirer à leur tour les expérimentateurs les plus aventureux.


Le second album de Romitelli est un double, version audio et version dvd en vidéo-opéra cosigné avec Paolo Pachini. La musique est encore plus corrosive que dans les ?uvres précédentes. Utilisation de tous les bruits parasites, grattements de vinyle, friture numérique, clics, infrabasses, dans un univers varèsien adapté au nouveau siècle... On passe d'un monde à l'autre sans ne jamais quitter l'univers. La guitare électrique se même parfaitement à l'orchestre. Qu'écoutait donc Romitelli pour se détendre lorsqu'il rentrait chez lui ? A-t-il jamais fait de la scène lorsqu'il était adolescent ? Qu'y a-t-il vu et entendu ? Tant de questions sans réponse me brûlent les lèvres tandis que je suis assailli par les sons qui m'entourent et "ignorant des choses qui le concerne". Deux versions image, un ou trois écrans. Deux versions son, stéréo ou 5.1. Le travail vidéographique est décent, mais la "modernité" (comprendre "qui suit la mode") affadit le propos musical beaucoup plus ouvert et généreux. Le texte lui-même propose des hallucinations autrement plus originales (Drowninggirl, Risinggirl, Earpiercingbells). J'imagine une interprétation à la Godard dans son Histoire(s) du cinéma plutôt que ces textures cliniques, fussent-elles empruntées au réel (exercice de style que de fabriquer des images de synthèse sans aucun artifice ; je choisis ici mes moments préférés comme illustrations). Mais quel bonheur de découvrir un nouveau compositeur que l'on ignorait encore la veille ! Romitelli s'est éteint à Milan le 27 juin 2004. An Index of Metals est son requiem.
Ces cinq albums sont sous-tendus par des dramaturgies de matière qui racontent une histoire, poèmes tremblés parfaitement maîtrisés. Ils mènent inexorablement au travail de Vigroux. Je me reconnais dans le drame (entendre théâtre et plus précisément théâtre musical radiophonique) comme dans le Drame (comprendre Un Drame Musical Instantané). Lorsque j'entends ou que je vois des choses qui me plaisent, je n'ai plus à les réaliser moi-même, ça me fait des vacances. Quel soulagement !

samedi 17 février 2007

Les vraies rencontres sont rares


La première fois que j'ai entendu Franck Vigroux, c'était avec la harpiste Hélène Breschand sur le double album Les Actualités dont j'ai assuré la direction artistique pour les Allumés du Jazz. Leur morceau s'intitulait Les petites poussières ; c'est aussi le titre d'un court métrage magistral que Vigroux vient de terminer. Vingt quatre minutes d'une rare émotion pour ce genre de montage à la fois expérimental et sombrement romantique. La bande-son portée par la voix de David Sighicelli y est remarquable et la musique originale n'a jamais rien d'illustratif, ce qui tranche radicalement avec ce que l'on a l'habitude de voir et d'entendre au cinéma. Le super 8 numérisé façonne toute la matière, image et son. Le thème chanté par Jenn Priddle dans les dernières minutes montre que Vigroux a l'esprit ouvert à toutes les musiques. J'ai ressenti comme une bouffée d'air frais loin des ayatollateries de nombreux improvisateurs d'aujourd'hui. Chez lui, une jolie mélodie peut côtoyer des élucubrations libertaires, il ne craint ni le chaos ni la tenue d'un rythme régulier. On verra que d'un disque à l'autre, tout est possible. Comme j'adore les surprises, me voilà comblé !
D'autres Cordes est un label de disques situé en Lozère, dans le Massif Central, loin de toute ligne TGV. La vitesse et le tranchant n'en sont pas pour autant absents. "Push the Triangle" est un trio free rock du batteur Michel Blanc avec le saxophoniste Stéphane Payen et Franck Vigroux à la guitare. C'est à Vigroux que l'on doit la production et le montage du magnifique Goût du sel d'Hélène Breschand, déjà paru sur D'autres Cordes, disque passionnant où la harpe est transformée par l'électricité, arrachée, distordue, tricotée, montée en amazone, attrapée par les cornes, caressée, précipitée. Le goût du sel donne soif, soif de chair et de sang. Malgré les travaux de Zeena Parkins, c'est la première fois que je suis emballé par l'instrument, il y a longtemps que j'attendais ça...
Si Push The Triangle développe une énergie phénoménale, Lilas Triste et Triste Lilas, mon préféré, sont d'une architecture complexe, à la fois intègre et baroque. Entendre : c'est varié et ça se tient. Ces deux albums ressemblent beaucoup plus à la personnalité kaléidoscopique de Franck Vigroux. Construits comme des Hörspiel, des films pour l'oreille, ils mettent en jeu des univers dramatiques, des mots chuchotés et des mouvements orchestraux inouïs. Ici au moins on ne s'amuse pas sans arrière-pensée. Sur le premier cd, on retrouve Breschand tandis qu'apparaissent la soprano Cécile Rives et le guitariste David Fuczynski. Vigroux ne dédaigne pas les rencontres guitaristiques (et chauves !) comme récemment son duo avec Elliott Sharp, ou sur le second disque Marc Ducret, un de ses héros, qui partage l'affiche avec l'incontournable harpiste, le bassiste Bruno Chevillon, Blanc à la batterie et Jenn Priddle. Tout cela sonne comme une petite famille, complicité oblige. Pourtant cette fois Vigroux a laissé tomber la six cordes au profit de tourne-disques et de manipulations électroniques qui rendent méconnaissables les textures qu'il triture. Il évoque une Europe qui a sombré dans la guerre, champs de bataille où les larmes emplissent les tranchées, rêves qui s'écrivent avec le sang des autres, révoltes d'insoumis refusant l'horreur offerte par nos actualités... Vigroux réalise un reportage impossible à partir d'éléments de fiction ou de pièces rapportées pour que tout reste crédible, visible à l'?il nu. Il aime les narrateurs, benshis commentant l'action, confidents se livrant en pâture à la chose publique, Fabrice Andrivon dans Lilas Triste, Ducret superbe dans Triste Lilas, Sighicelli dans le film des Petites poussières...
Depuis les meilleures ?uvres de John Zorn (Godard, Spillane...), je ne m'étais jamais senti autant chez moi, en terrain connu. Je me laisse porter par le flux dramatique sans m'attacher aux instruments. Je suis suspendu à chaque son qui passe et s'articule comme des phrases indépendantes qui s'entrechoquent pour former une ?uvre, raconter une histoire, abstraite ou figurative, haute en couleurs, à la fois épique et lyrique, l'histoire du monde et des hommes qui s'en sont emparés, mais celle aussi d'un objecteur de conscience qui refuse ce que l'on dit immuable...

Photogramme du film de Franck Vigroux, Les petites poussières.
Les disques D'autres Cordes sont distribués par Abeille Musique et disponibles aux Allumés du Jazz.

vendredi 9 février 2007

Chacun son tour de platine

En même temps que sort le nôtre chez GRRR (!), je reçois trois disques excitants cette semaine... Valérie me dit que les nouveautés se bousculent aux Allumés avant le bouclage du prochain numéro du Journal... Une libraire de La Garenne-Colombes nous demande si elle ne pourrait pas vendre le catalogue des Allumés au premier étage de son magasin dans lequel elle souhaite créer un espace convivial... Bruno Letort m'annonce qu'il monte une boutique près de la Place Voltaire à Paris... Bernard Coutaz écrit que Harmonia Mundi n'a jamais vendu autant de cd qu'en décembre dernier... Voici donc quelques réponses à la manipulation médiatique dont la presse généraliste nous rabâche les oreilles, la mort du disque ! Le téléchargement et le piratage ont bon dos alors que les majors qui appartiennent à des holdings complexes trouvent simplement que leurs profits ne sont pas assez juteux. Pendant que Pinault fait le ménage à la Fnac avant de vendre, l'industrie du disque préfère assassiner tout un secteur culturel pour fourguer des armes ou des fichiers immatériels, le bénéfice étant autrement plus attractif, et ce avec la complicité des médias et des sociétés d'auteur qui lui emboîtent aveuglément le pas. Défendre le disque n'est pas un combat d'arrière-garde, le progrès est souvent régressif. En affirmant notre attachement à l'objet nous protégeons l'esprit, de ceux qui le cultivent et risquent de se retrouver au goulag de la pensée, direct Guantanamo sans aucune forme de procès qu'une prétendue évolution des m?urs.


Des percussionnistes Mirtha Pozzi et Pablo Cueco triturés par cinq apprentis-sorciers de l'électronique, j'ai dit ici tout le bien que j'en pensais après leur concert inaugural au Triton. Leurs Improvisations méditées - Percus électro, superbement enregistrées en studio, sont par définition un nouvelle aventure. Vingt courts index ponctuent un disque où le rythme et le timbre tricotent un pull over chamarré, une cotte de mailles cousue main (Mirtha utilise essentiellement des percussions métalliques) qui colle à la peau (Pablo est un maître du zarb). Les transformations électroacoustiques en temps réel de Nicolas Vérin, Étienne Bultingaire, Thibaut Walter, Christian Sebille et Thierry Balasse tissent un ensemble homogène de haute couture. Le défilé, sous la baguette de Max MSP et de ses cousins, est un plaisir pour les oreilles. Il donne une petite idée de ce que l'on pourrait porter cette année.


Le violoncelliste Didier Petit tempère son romantisme exacerbé par une attirance profonde pour la science. Après la chimie de NOHC, son nouveau projet, WormHoles, nous propulse dans le cosmos. Dans sa navette, il embarque le percussionniste Edward Perraud, la chanteuse Lucia Recio, le guitariste Camel Zekri et l'ingénieur du son Étienne Bultingaire. S'il chante Léo Ferré (décidément les jazzmen aiment Ferré), sa pensée désarticulée le pousse naturellement vers le monde obsessionnel de Georges Perec, une soupape de sécurité. L'interprétation des textes mériteraient pourtant un travail dramatique plus approfondi. Comme dans le disque de Pozzi-Cueco, des index courts (ici 31) structurent les improvisations en les empêchant de s'effondrer dans d'absorbants trous noirs propres au genre. En intégrant dans WormHoles des pièces écrites, une nouveauté chez Petit, il opte pour des séquences plus rock (plutôt british) que jazz (le T'es rock, coco de Ferré est à sa place !). WormHoles sonne aussi comme un équipage soudé où chacun tient son poste de compositeur-interprète, une réunion de savants de bande dessinée dignes des sept boules de cristal.


Enfin, tombe le dernier Portal, Birdwatcher, n'en déplaise aux pisse-froid qui se prennent pour des shérifs et veulent mettre la musique au garde à vous.
J'ai rencontré Michel la première fois en 1975 grâce à Bernard Lubat que je venais d'engager pour faire les arrangements des chansons d'un disque du PCF commémorant l'année de la femme ! Je ne sais pas comment j'ai réussi mon coup, mais je suis resté avec lui dans une sorte de cagibis tout le temps que défilèrent un par un tous ses musiciens. À chacun Michel donna les consignes pour le concert, devant moi, médusé. Il y avait JF (Jean-François Jenny-Clark), Humair, Joseph Dejean et Lubat lui-même. J'ai toujours aimé apprendre, ce soir-là je fus servi. Je raccompagnai en voiture Michel jusqu'à chez lui, car il avait une jambe dans le plâtre. Quelques temps plus tard, il vint écouter Défense de à la maison et il essaya sa clarinette sur mon synthétiseur ARP 2600. Son jeu générait des grappes de notes grâce à un suiveur d'enveloppe. La perte de contrôle le perturbait totalement. Contrairement à d'autres, il m'encouragea à poursuivre ma propre voie.
Jusqu'à la rencontre avec Bernard Vitet l'année suivante et la fondation d'Un Drame Musical Instantané, j'allai à tous les concerts de Michel Portal. Aucun ne se ressemblait. C'était chaque fois un émerveillement, amorcé à l'écoute de No, no but it may be... et de concerts retransmis à la radio. Contrairement à ce qu'affirme bêtement Aldo Romano, Michel a influencé un nombre considérable de musiciens, sans que ce soit forcément des clarinettistes ou des saxophonistes. Mes goûts se sont transformés comme sa musique. Je le redécouvre régulièrement. Sa fragilité, ses doutes perpétuels produisent des effets contradictoires. On ne peu hélas pas dire cela de grand monde dans le "jazz" français. Les roucoulades de macho cogneur d'Aldo ne m'ont, par exemple, jamais fait ni chaud ni froid.
Dans Birdwatcher, si le saxophoniste Tony Malaby donne la réplique à Portal, comme deux oiseaux, qui est donc l'observateur ? Est-ce Jean Rochard qui assume son rôle de producteur en choisissant les prises et supervisant le mixage en l'absence du leader ? Est-ce une question de schizophrénie ? On sait qu'être un grand soliste classique et une figure de proue du jazz n'a jamais été une situation facile pour le clarinettiste, capable aussi de faire tout un concert au bandonéon... Qu'importe le titre pourvu qu'on ait l'ivresse ! Si Portal réussit enfin son disque jazz, c'est aussi qu'il est bien entouré : d'un côté Malaby, Erik Fratzke (Happy Apple), François Moutin, JT Bates et le mythique Airto Moreira, de l'autre le Power Trio, Jef Lee Johnson, Sonny Thompson, Michael Bland. Présent partout avec sa légendaire discrétion, le pianiste Tony Hymas, assure la continuité avec brio.
Birdwatcher coule de source. Il est l'aboutissement des incartades de Portal dans les mondes du jazz, la justification de ses errances au label bleu. Le ténor de Malaby, comme le Power Trio, donne à la clarinette basse de Portal une légitimité, pas tant celle du jazz que de sa déclinaison européenne, emprunte d'un lyrisme basque et d'une musique classique dont les bois raisonnent (sic) sur nos terres plus qu'aucun instrument. Sur ces branches feuillues se perchent les oiseaux. Si leur chant me plaît toujours plus en réponse et contrepoint qu'à l'unisson, je m'envole sur les mélodies des anches tandis que toute la forêt s'ébroue, percussions sifflantes et craquements swing.

mardi 6 février 2007

Steve Lacy avec le Kronos Quartet


J'en avais entendu parlé, mais ce genre d'information nécessite d'être toujours vérifiée. Le saxophoniste soprano aurait collaboré avec le Kronos String Quartet. Cependant aucun disque n'est jamais paru avec la Precipitation Suite composée par Steve Lacy. En fouinant sur mon site de téléchargement favori, dimeadozen.org, j'ai réussi à trouver l'enregistrement live à Donauschingen du 18 octobre 1986 à la Baar-Sporthalle. Trois mouvements : I feel a Draft, Cloudy et Rain où les cordes prolongent la pensée zenophile du saxophoniste, lignes claires, lyrisme pointilliste, concerto malin qu'on espère entendre rejoué, même si la partie de Lacy devra être évidemment interprétée par un autre soprano.
Il semble que lors du même concert le Kronos a également créé une Survivors Suite attribuée à Phillips (Barre ? Étrange, je ne connais que celle de Keith Jarrett) avec le batteur Max Roach, mais elle ne m'a pas aussi emballé que la pièce de Lacy qui montre une face méconnue du génial disciple de Monk, une prolongation du geste instrumental du saxophoniste plutôt qu'une confrontation comme celle avec la batterie. J'ai déjà évoqué ici les innombrables œuvres du répertoire du Kronos non publiées en cd, mais trouvables sur le Net avec un peu de chance, d'astuce et d'opiniâtreté. C'est chaque fois une découverte.

Tableau d'Arman L'attila des violons

samedi 3 février 2007

Étienne Auger commente son travail


À son tour sur son blog, le graphiste Étienne Auger raconte comment il a conçu et réalisé la pochette de mon nouveau cd, Établissement d'un ciel d'alternance, en duo avec Michel Houellebecq. Exprimer la méthode, donner les clefs de ce que nous fabriquons m'a toujours plu. J'espère que toutes ces notes (billets des 26 janvier, 28 janvier et 1er février) seront de quelque utilité à celles et ceux à qui nous transmettons parfois nos passions. La phrase de S.M.Eisenstein citée par Jean-André Fieschi dans la première lettre des Nouveaux Mystères de New York me suit depuis la fondation d'Un Drame Musical Instantané : il ne s'agit pas de représenter à l'attention du spectateur un processus qui a achevé son cours (œuvre morte), mais au contraire d'entraîner le spectateur dans le cours du processus (œuvre vivante).

Page 11 du livret illustrant l'index 4 (instrumental), Tchernobyl, composé avec Bernard Vitet qui a écrit la partie d'orchestre que j'ai rentrée dans la machine en 1994, pour la mixer huit ans plus tard en temps réel en jouant simultanément d'instruments électroniques. Une seule prise, comme tout le reste de l'album. Dans l'un et l'autre cas, c'est la première fois que je produis un disque dont je suis le seul musicien interprète. Seules la voix de Michel Houellebecq et la pensée de Bernard m'accompagnent dans cet étrange voyage au bout d'un monde.

jeudi 1 février 2007

Les pochettes auxquelles vous avez échappé


J'ai d'abord illustré l'annonce de la sortie d'Établissement d'un ciel d'alternance, mon nouveau cd en duo avec Michel Houellebecq par sa pochette originale, ce qui semblera logique. Deux jours plus tard, j'ouvrais l'objet et montrais ses entrailles ainsi que la une du livret qui l'habite. Aujourd'hui, vous avez droit à pas moins de douze autres propositions qui n'ont pas été retenues ! Les trois premières sont au format dvd (même si c'est un cd, j'ai souhaité quelque chose qui ressemble plus à un livre qu'à un disque). Il faut cliquer tout en bas à gauche sur "lire la suite" pour découvrir neuf autres pochettes dont six au format habituel des cd.


L'ensemble est dû au graphiste Étienne Auger (incandescence.com) qui avait déjà réalisé les pochettes de Machiavel et la réédition en cd de Trop d'adrénaline nuit. J'ai commenté son travail le 26 janvier dernier. J'ai rencontré Étienne il y a douze ans sur mon premier cd-rom, Au cirque avec Seurat. À Hyptique, nous faisions alors tous partie de ce que Pierre Lavoie appelle la dream team, avec Étienne Mineur (on les connaissait alors sous le nom des Étienne, depuis ils ont monté incandescence avec Arnaud Dangeul et Pierre Wendling), Antoine Schmitt, Olivier Koechlin... J'ai continué à travailler avec Étienne Auger sur des projets plus commerciaux, en particulier un magnifique cd-rom hyper-secret pour les laboratoires pharmaceutiques Firmenich (Lux Modernis) et un film pour Dunlop qui nous a menés sur le circuit du Castelet...


Étienne joue aussi de la guitare et programme des machines rythmiques. Il a réalisé un des remixes de Machiavel avec Agnès Desnos et était présent sur scène à son lancement au Glaz'Art, dernière performance live avec Michel Houellebecq, soirée mémorable déjà évoquée ici. Un extrait musical paraîtra bientôt en accompagnement du n°3 de la revue acoustellaire Sextant sous la forme d'un CD d'inédits du Drame téléchargeable gratuitement.
C'est très agréable de travailler avec un vrai graphiste, quelqu'un qui a une vision. S'il a le compas dans l'œil, il n'a pas oublié de le retirer. J'ai assez rapidement choisi la pochette définitive. Je ne sais pas si Étienne m'a envoyé tout ça pour servir de repoussoirs ou s'il hésitait sur certaines. Je sais qu'il veut m'envoyer également les images des perruches, celles dont parlent Michel dans son texte manuscrit qui figure dans le livret. Les perruches de la Fondation Cartier... À suivre.

Lire la suite