Aujourd’hui se tourne une page de ma vie musicale. Relier toutes les pages constituera peut-être un jour un livre. Le virage est plus intellectuel que factuel. J’ai terminé 18 pièces courtes pour le label Cézame. Si l’une d’elles leur plaît, je serai content. Les éditions KokaMedia ont été créées il y a déjà 25 ans par Frédéric Leibovitz qui m'a recontacté après ma participation à l'album Hommage à Moondog. La collection réunit thématiquement des œuvres contemporaines conçues pour illustrer des productions audiovisuelles. C’est la crème de l’illustration musicale. Denis Levaillant nous avait mis sur le coup il y a une dizaine d’années. Le Drame avait sorti deux titres sur la compilation L’étrange (tiens tiens !) et j’avais fait un solo de cythare inanga sur Ailleurs. Cela ne nous avait rien rapporté, mais on ne sait jamais, il suffit qu’un réalisateur s’entiche d’un morceau et que cela passe à la télé… Sur les derniers albums parus, je lis les noms de Parmegiani, Zanessi, Dupin, Didier Malherbe, Redolfi, Vanot, Musseau, Bosseur, Bjürstrom, Rocher, Letort, Hersant, Lasry… Les disques peuvent même s’écouter pour eux-mêmes. J’ai tout composé avec la Pâte à son et FluxTune, les boîtes à musique que j’ai inventées avec Frédéric Durieu. Il ne m’est pas toujours facile d’être sobre, monotone, et positif par dessus le marché ! Je suis trop friand de dialectique. Cette fois, je me suis cantonné à des choses très simples.


Une page se tourne chaque fois que je me sens désœuvré. Le travail ne manque pas, mais c’est la fin d’un cycle. L’écoute des entretiens de Varèse m’a confirmé mes choix récents. Je n’ai pas choisi de retourner aux sources, mais de repartir de là. La la la. La meilleure façon de se renouveler : retrouver la motivation de départ lorsque tout était à inventer. On cherche à faire du neuf, mais c’est en recommençant à zéro que l'air entre par la fenêtre... La rédaction de mon texte sur l’étincelle créatrice à paraître sur Poptronics a contribué à produire ce déclic après lequel je cours désespérément depuis une dizaine d’années, depuis que le Drame est en veilleuse. Établissement d’un ciel d’alternance a été enregistré en 96, le dernier album d’Un Drame Musical Instantané était Machiavel en 1998. Je ne crois pas que je referai des disques, il y en a suffisamment au catalogue GRRR et sur d’autres labels. Je voudrais faire un truc "impossible" en reprenant le travail de laboratoire. J’ai proposé à Franck Vigroux de composer ensemble un opéra, il a suggéré qu’il soit également vidéographique. C'est une façon de rencontrer du monde. Peu importe le temps que cela prendra, un an, deux ans, trois ans… J’ai besoin des voix pour donner du corps à la musique. Je réfléchis à ce qui me plaît lorsque je suis en studio : jouer avec mes cordes vocales, imaginer des bruits avec n’importe quoi, triturer le son, monter et bouger. Le geste instrumental est totalement jouissif. Dehors, j'écoute les bruits de la nature ou des machines. Je vais continuer à gérer le quotidien (musical) en me rendant utile avec mon travail "appliqué", mais j’ai autant besoin de déranger que de rêver. Il faut surtout que je recommence à faire ce que je ne sais pas faire.