70 Musique - octobre 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 27 octobre 2008

Cocktail Gainsbourg


Comme je vais me coucher très tard après le happening délirant de Françoise à La Bellevilloise et que je donne un cours à 9h, je n'ai pas le temps d'écrire quoi que ce soit. Je ne vous laisse pas tomber pour autant et vous suggère une petite visite sur Poptronics, son équipe ayant concocté un délicieux cocktail Gainsbourg avec une flopée de vidéos formidables ! Si vous préférez écouter Bernard à la trompette, retrouvez Les oubliettes sur Deezer, et à demain pour de nouvelles aventures...

mercredi 22 octobre 2008

Pré-ONJ


Hier soir à La Balance avait lieu la soirée de présentation du nouvel Orchestre National de Jazz dont la direction artistique a été confiée à Daniel Yvinec. J'y allais sans penser au troisième épisode que je dois rédiger pour Jazz Magazine d'ici la fin du mois, puisque Franck Bergerot, son rédacteur en chef, avait envoyé un jeune journaliste et un photographe pour couvrir l'évènement en marge de mes chroniques. Yvinec avait demandé à ses musiciens de présenter de courtes pièces, souvent improvisées, en petites formations, histoire d'apprendre à se connaître, puisque certains ne s'étaient encore jamais rencontrés. Ce n'était donc pas un ONJ, mais les prémisses de quelque chose dont personne n'a encore l'idée, pas même ses protagonistes. Dire que le spectacle fut prometteur serait insultant tant l'alliage fut somptueux et les alliances merveilleuses par la variété et la richesse des émotions prodiguées. Ce fut un des plus agréables moments de musique que j'ai passé depuis longtemps. En face de chaque séquence, j'ai griffonné un mot dans l'obscurité écarlate de la salle qui se prêtait parfaitement à la musique de chambre.
Ève Risser (relève la tête ou je n'arriverai jamais à te prendre en photo !) ouvre le bal au piano et au synthétiseur : invention.
Antonin Tri Hoang la rejoint au sax alto : frénésie.
Ça commence bien, puisque c'est grâce à ces deux-là que je me suis intéressé au projet d'Yvinec...
Guillaume Poncelet à la trompette et au piano joue avec le guitariste Pierre Perchaud : tendresse.
À peine remis d'un accident de scooter il y a trois jours, Paul Brousseau pose sa béquille pour rejoindre claviers et batterie face au saxophoniste Matthieu Metzger : liberté.
Absent, Joce Mienniel a enregistré une vidéo projetée sur le mur, passant de la flûte aux effets vocaux didgeridesques, à la guimbarde avec retour à la flûte basse tandis que Yoann Serra l'accompagne en différé sur ses fûts : démesure.
Le batteur est rejoint par le bassiste Sylvain Daniel et le guitariste Pierre Perchaud, puis par Rémi Dumoulin au soprano : j'allais écrire funky, j'opte pour puissance.
Surprise en forme de coda, la chanteuse Karen Lanaud est accompagnée par Sylvain Daniel et Antonin Tri Hoang : sensualité.
Si l'ONJ arrive à préserver ces états de grâce où souffle un vent de jeunesse salutaire, l'addition risque d'être joyeuse !

samedi 18 octobre 2008

Mon portrait sonore par Émilie Mousset


J'avais rencontré Émilie Mousset alors qu'elle était l'assistante de Anne-Laure Liégeois sur la pièce de théâtre Médée dont j'avais composé la partition sonore. Quelques temps plus tard, attirée par le son, Émilie est venue me rendre visite au studio pour réaliser un petit portrait sonore de ma pomme. Elle a ainsi ponctué notre entretien avec les instruments de musique dont j'ai joué pour elle. On entendra mon VFX (c'est un synthétiseur), des guimbardes, la trompette de poche, une varinette, des percussions, mes téléphones, une flûte, des petits jouets, un carillon de pots de fleurs, le piano qu'elle a mélangé pour en faire une bouillabesse à la fois chronologique, didactique et loufoque. Je ne sais pas si elle fait exprès de laisser du silence à la fin de l'extrait qu'elle m'envoie, mais sa référence indirecte à Mozart et Cage me plaît beaucoup !

Durée : un peu moins ou un peu plus de 7 minutes selon son goût pour le silence en question...

jeudi 16 octobre 2008

Pommes d'argent au Souffle continu


Samedi après-midi j'ai dévalé la côte jusqu'au magasin de disques Le Souffle Continu que viennent d'ouvrir Théo Jarrier et Bernard Ducayron. On y trouve tout ce qui sort de l'ordinaire des grandes surfaces autrefois culturelles : du rock (indépendant, psyché 60's et 70's, post rock, free folk, krautrock, progressif, in opposition, no wave, hardcore 80's...), du jazz (free, improvisation libre...), de la musique expérimentale (classique contemporain du sérialisme au spectralisme, field recordings, électro-acoustique, concrète, fluxus, répétitif, minimaliste...), de l'électronique (electronica, dub, trip-hop...), du hard (heavy metal, trash, black metal, gothic, dark wave, electro indus...). Les prix sont plus que compétitifs et les deux compères aiment leur métier de disquaires. La boutique est sise au 22 rue Gerbier, au coin de la rue de la Roquette, avant d'arriver au Père Lachaise déserté par le fantôme de Jim Morrison. Ils n'y perdent pas au change puisqu'à l'endroit du passage piétons de la rue précédente, dite de la Croix Faubin, ont été préservées les cinq stèles sur lesquelles reposait la guillotine devant la porte de la prison de la Roquette de 1870 à 1909. La peine de mort a été abolie, celle du disque est partie remise.
Samedi après-midi il fait beau. Je ne repars pas les mains vides, puisque j'acquiers un livre d'entretien de Jacqueline Caux avec le regretté Luc Ferrari et que je découvre le second album des Silver Apples, perdus de vue depuis mon retour des USA en 1968. Du haut de mes quinze ans j'avais déjà un sacré nez puisque je rapportai dans mes bagages les trois premiers Mothers of Invention, les Silver Apples, Crown of Creation du Jefferson Airplane, David Peel and The Lower East Side, In-A-Gadda-Da-Vida (!) d'Iron Butterfly, Wild Man Fisher, et qu'à mon retour je trouvai chez Pan Music tenu par Adrien Nataf, mon premier contact avec un vrai disquaire, les deux premiers disques de Captain Beefheart, très vite suivis par White Noise, Sun Ra et Harry Partch...
En écoutant Contact deuxième album des Silver Apples datant de 1969, je me rends compte que c'était probablement la première fois que j'entendais du synthétiseur dans un environnement rock. La même année, le Switched-on-Bach de Walter (devenu Wendy) Carlos relevait plus de la prouesse technologique qu'il ne réfléchissait mes goûts rock 'n roll (en France, on disait "pop" plutôt que "rock" qui se référait alors à Elvis et consorts). Contact ressemble beaucoup à mon disque argenté dans lequel était glissé un poster couleurs plein de photos du duo sur les toits de N.Y., Dan Taylor jouait d'une batterie mélodique de 13 fûts et 5 cymbales et Simeon d'une batterie d'oscillateurs qui portait son nom. Le Simeon, composé de 9 oscillos contrôlés par 86 boutons, était joué avec les mains, les coudes et les genoux tandis que les pieds activaient les basses. Leurs voix reflétaient parfaitement l'époque psychédélique. Je terminai ainsi la soirée en me laissant bercer par leurs rythmes et leurs chansons.

mardi 14 octobre 2008

Tant que les heures passent


"Tant que les heures passent", bouillonnements, crépitements, piaillements forment les éléments d'une pâte organique qui ouvre sa porte à la matière humaine, à sa mécanique des fluides, dévorant la nature au fur et à mesure qu'elle la découvre et la traverse. Les corps sonores sont donnés pour ce qu'ils sont. Aucun anthropomorphisme ne vient pervertir ni leur rythme ferroviaire ni les timbres reconnaissables pour celle ou celui qui pratique l'art des bruits. Car si Bérangère Maximin choisit des sonorités communes à nombreuses œuvres électro-acoustiques elle sait les faire raisonner (la faute est de bon ton) en les agençant à sa façon.
Cela ne fait que commencer. "Boudmo" suinte jusqu'à transformer la baignoire en grotte humide et l'émail en puits sans fond. La main fait grincer les insectes de métal. L'alchimie devient sensuelle.
La voix parlée fait son entrée dans ""Ce corps vil", à la fois ingénue et vicieuse. Part One : échappée de son île, elle plonge dans un aquarium. On voit tout. Part Two : les murs se rapprochent, asphyxie. Qu'est-ce qui fait qu'une musique électro-acoustique se mette à vivre, à swinguer, quand tant d'autres nous endorment ? L'urgence, quelques hésitations, éviter le contrôle à tout prix, c'est dans les failles que la personnalité se dévoile. Enfermée à double tour, la compositrice devenue auteure s'échappe par les fentes du bois, par des trous de serrures mal obstrués, par de fausses lianes incarnées par le geste.
Le geste instrumental, c'est là le secret !
Les pièces sont très différentes les unes des autres. Avec gumbri, karkabas, violons tziganes et flûte océanique, le rapide intermède "Voyages morphologiques" épingle le pittoresque comme un papillon. Cruel ! Cruelle ?
"Si ce n'est toi (If It's Not You)" rappelle les archets pointus, introduit les cuivres glissants, pour finalement créer le malaise auquel on ne croyait plus, trop habitués aux convenances de l'institution. Ça dégouline, ça gerbe dans le trop plein, ça déborde. Comme on se sent mieux, après ! Après l'alerte, même si ça tourne encore...
Last but not least des surprises que recèlent l'album "Tant que les heures passent" paru chez Tzadik (dist. Orkhêstra), le magma électro-acoustique se transforme en solo de batterie, free jazz, rituel sauvage de nos jungles urbaines où le corps rejoint la machine pour des noces tant attendues qu'on n'en avait oublié l'heure qu'il est.