70 Musique - novembre 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 26 novembre 2008

Tes abysses me sont des abîmes


J'en ai marre, j'en ai marre, j'en ai marre. Chaque fois que je cherche la maquette de la chanson Tes abysses me sont des abîmes composée avec Bernard Vitet, j'y passe la matinée. C'est dur d'être obsessionnel. Pas moyen de retrouver l'original qui est forcément sur DAT, mais en fouillant dans les archives je découvre chaque fois une foule de trucs oubliés, inédits, concerts, émissions de radio, maquettes, rencontres, improvisations... Je finis par mettre la main sur une copie cassette sur laquelle est également enregistré le playback de L'@ des Chiapas, un autre inédit dont il existe quelque part une version avec ma voix. Bon, cette fois j'écris le titre sur le boîtier et surtout je numérise. L'indexation sur Tri-Catalog de mes archives informatiques rend tout accessible en un clic ; il suffit de taper le nom d'un fichier et je retrouve instantanément le titre parmi des centaines de CDR. Il n'empêche que j'aimerais bien retrouver la DAT et, mieux encore, avoir un jour l'occasion de l'enregistrer avec un véritable orchestre.
En 1992, lorsque Francis Gorgé quitta Un Drame Musical Instantané, Bernard et moi nous sommes demandés ce que nous avions envie de faire. Nous avions un petit matelas, de quoi tenir une année sans rentrée pécunière. Ensemble, nous avons exprimé le désir d'écrire des chansons. Bernard avait beaucoup œuvré dans le domaine puisqu'il accompagna en soliste Gainsbourg, Barbara, Montand, Bardot, Claude François, Brigitte Fontaine, Colette Magny, parmi des dizaines d'autres, et qu'il composa (anonymement, ça c'est un peu idiot, on y reviendra) le pont du plus rentable tube du répertoire de la Sacem ! Comme nous ne composions plus que pour le plaisir, nous n'avons jamais autant travaillé que pendant cette année prétendument sabbatique ! Avec le Drame, nous avions déjà produit quelques chansons ici et là, et en particulier le CD Kind Lieder, sous-titré "neuf chansons qui font mal". André Ricros nous commanda Crasse-Tignasse pour la collection pour enfants Zéro de Conduite, que nous enregistrâmes avec le percussionniste Gérard Siracusa et, en invité, Michel Musseau au piano. Ces "neuf chansons pour les enfants qui aiment avoir peur" d'après Der Struwwelpeter du Dr Hoffmann dans une traduction remarquable de Cavanna nous donnèrent envie de faire un disque plus "adulte", avec l'ambition de secouer la variété française. Carton ne remporta évidemment pas le succès escompté, si ce n'est sa partie CD-Rom qui associait à chaque chanson un jeu interactif à partir des photographies de Michel Séméniako, devenant une référence dans le domaine et inaugurant toute une série de CD-Rom et d'œuvres interactives en ligne, mais ça c'est une autre histoire.


Nous avions rangé Carton dans un tiroir et ne l'avons publié que quatre ans plus tard en 1997, après l'avoir remixé quatre fois. Bernard n'était jamais content et je crois qu'il continue à marmonner dans sa barbe que c'est n'est pas encore ça ! Si j'avais dû attendre qu'il soit satisfait de quelque morceau que ce soit nous n'aurions jamais rien sorti en trente-deux ans de collaboration... Après avoir terminé Carton, je m'étais trouvé une veine de parolier et lui de compositeur. Je suis épaté par l'à propos lyrique de ses mélodies et par ses astuces harmoniques. L'orchestration et la programmation me sont dévolues. Nous avons envisagé proposer nos chansons à des interprètes, mais nous n'avons jamais eu le courage d'en faire la démarche. Nombreuses compositions hantent ainsi nos tiroirs. Tes abysses me sont des abîmes en fait partie, avec quelques dizaines d'autres. Celle-ci a le mérite d'exister sous forme de maquette, ce qui me permet de vous la livrer aujourd'hui, dans le plus simple appareil :



Il est toujours pénible d'être catalogué. Les amateurs de nos élucubrations instrumentales ou expérimentales étaient aussi décontenancés que celles et ceux qui adoraient nos chansons mais ne comprenaient rien au reste de notre travail. Encore aujourd'hui, j'ai du mal à faire admettre que mes pièces orchestrales ou virtuelles, mes œuvres de commande et les morceaux les plus personnels, mon travail de designer sonore ou de compositeur procèdent de la même logique et de la même sensibilité. Sans parler de mes casquettes de réalisateur de films et d'auteur multimédia, de directeur artistique et de producteur, de blogueur et journaliste, de pédagogue et de donneur de leçons... On se retrouve affublé du qualificatif de touche-à-tout, certes de génie (cough cough, je cite Libé !), mais la plupart du temps cela ne fait pas sérieux, alors que dans le genre on ne fait pas plus rigoureux. À chaque projet correspond un support, à chaque support correspond un projet spécifique.

Photos prises à Paris en 1982 chez Tion Fa et au Québec en 1987.
Chanson enregistrée au Studio GRRR, boulevard de Ménilmontant.

jeudi 13 novembre 2008

Discorama, comme un dimanche


Ça commence à s'affoler pour les fêtes chez les éditeurs. Prix littéraires d'un côté, coffrets DVD de l'autre, comme si le porte-monnaie était extensible alors que la crise touche les ménages de plein fouet. Lorsque l'on n'en est pas directement victime, on n'a qu'à regarder autour de soi en ouvrant les yeux et les oreilles pour s'en convaincre.
N'empêche qu'il y a de beaux cadeaux à (se) faire, tel ce coffret de 3 DVD (INA, 29,99€) compilant les Discorama de Denise Glaser, programmés le dimanche avant le déjeuner dans les années 60. Avant de devenir la première productrice-présentatrice de la télévision avec son émission dédiée à l'actualité du disque, Denise Glaser avait été une illustratrice sonore recherchée. On pourra apprécier la qualité de ses entretiens devenus des modèles de ce que cela avait été et de ce que cela pourrait être ! Le temps de respirer, d'écouter, de s'exprimer... Beaucoup de tendresse et d'engagement. À l'époque le pouvoir gaulliste contrôlait les informations, mais fichait la paix aux secteurs des dramatiques et des variétés, repères de "rouges" ! C'est devenu plus difficile à partir de 1981, car les socialistes avaient compris l'importance des autres émissions que le Journal... Le réalisateur Raoul Sangla contribua grandement au succès de Discorama, avec ses échelles et ses caméras dans le champ et ses deux tabourets, comme de son égérie. Mais, définitivement virée en 1974, Denise Glaser mourut neuf ans plus tard dans la misère.
Le coffret offre des instants inoubliables, que l'on apprécie ou pas les artistes, peu importe ! Denise Glaser savait faire parler ses invités, les mettre à l'aise, leur laisser le temps... Se succèdent Barbara, Brel, Ferré, Moustaki, Gainsbourg, Polnareff, Lara, Le Forestier... Mais aussi Piaf, Bécaud, Aznavour, Nougaro, Reggiani... Ou encore Xenakis, Dali, Vince Taylor, Johnny, Eddy, Dutronc... Comme Paco Ibañez, Miriam Makeba (récemment disparue), Caetano Veloso, Joan Baez... Et en bouquet final, Dick Annegarn et Nino Ferrer... J'en passe... Elle offrit leur chance à nombre d'entre eux alors qu'ils débutaient...