70 Musique - octobre 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 31 octobre 2009

Au kaléidophone


Si le titre de l'ouvrage est long comme le bras, son contenu est d'une densité et d'une intensité rares par les temps qui courent. Le silence, les couleurs du prisme & la mécanique du temps rassemble les écrits de Daniel Caux, disparu l'an passé. Sa lecture est indispensable à quiconque voudrait connaître les autres musiques contemporaines, celles qui durent batailler en France contre le monopolisme des héritiers du dodécaphonisme. Daniel Caux, avec une précision de langage, un souci du détail et le recul nécessaire pour embrasser les mondes de la musique, offre un panorama exceptionnel des écoles américaines, que ce soit celle de la nuit, le free jazz, ou celles qui se sont affranchies de Darmstadt, c'est-à-dire ceux que l'on a appelés "répétitifs" ou "minimalistes" selon les époques. En lisant les propos de Cage, La Monte Young, Riley on comprend que des ponts existaient entre tous, entre le jazz des noirs et les cycles des blancs. Tout est lié. Cage n'a-t-il pas poussé les théories de Schönberg, dont il fut l'élève, au-delà des douze sons, jusqu'au bruit, non accordé, le treizième son ! Reich avait suivi les cours de Milhaud et Berio, Glass ceux de Nadia Boulanger et de Ravi Shankar, etc. Les lignées ne sont jamais simples.
Au travers de textes critiques et d'entretiens précieux, Daniel Caux rend d'abord hommage à celui qui imposa que "tout est musique", l'immense John Cage, qui influença tant d'artistes dont le mouvement Fluxus (si l'on connaît un peu la trajectoire de Yoko Ono, n'oublions pas que Nam June Paik et Joseph Beuys étaient musiciens) ou La Monte Young. Il insiste sur l'apport de ce dernier, qui anticipa avec ses drones psycho-acoustiques les recherches de Terry Riley, rapidement suivi par Steve Reich, Philip Glass ou le Velvet Underground. Dès les années 60, Daniel Caux avait su flairer l'importance de ces nouveaux courants, initiant les mémorables Nuits de la Fondation Maeght enregistrées sur le label Shandar. Il le faisait avec beaucoup d'humilité et de générosité, et je lui dois dès 1970 les émotions provoquées par Albert Ayler, Sun Ra, La Monte Young ou Steve Reich que j'ai la chance de découvrir en direct grâce à lui au cours de concerts mythiques. Six ans plus tard, j'assiste à Einstein on the Beach de Glass et Bob Wilson. Les entretiens réalisés alors que ces compositeurs ne sont pas encore devenus des monuments sont d'une richesse rarement égalée, d'une grande sincérité.
Dans la seconde partie, après les sérialistes des années 50, le free jazz et l'indétermination de Cage des années 60, les répétitifs des années 70, Daniel Caux évoque la génération dite "post-moderne" des années 80. Hypnotisé par la puissance de feu des Américains, en rupture avec la tradition classique dite contemporaine dont l'Ircam est en France le garant, il ratera les nouvelles musiques européennes, écrites ou improvisées, nobody's perfect !, mais s'intéressera aux compositeurs anglais. Le communiste Cornelius Cardew, encore un rejeton de Darmstadt en rebellion contre son maître, Stockhausen, défend l'importance du sens dans la musique ; Gavin Bryars a joué avec des improvisateurs comme Derek Bailey ou Tony Oxley ; Michael Nyman mêle sa passion pour Purcell aux influences répétitives et fréquente Brian Eno chez Cardew... Comme Cage s'insurgeant contre Schönberg, le maximaliste américain Glenn Branca pousse le minimalisme dans ses retranchements en saturant l'espace de guitares électriques. Même si j'ai apprécié certaines pièces ivesiennes de John Adams je dois avouer n'avoir jamais partagé l'engouement pour ces compositeurs que je trouvais biens mous et trop "religieux" à mon goût. Le néoclacissisme de Nyman ou de l'Estonien Arvo Pärt ne trouveront jamais grâce à mes yeux ni à mes oreilles.
La troisième partie abordant les musiciens de free jazz m'excite beaucoup plus, illustrée magnifiquement par des entretiens avec Albert Ayler qui incarne pour moi un des phares de l'histoire américaine, Sun Ra, Milford Graves... La quatrième pointe trois femmes d'exception, Meredith Monk, Laurie Anderson et Nina Hagen, les deux dernières toujours en entretien, et même si les analyses du musicologue sont toujours passionnantes, rien ne vaut jamais la parole des artistes... Dans la cinquième, Caux s'intéresse aux iconoclastes qui me sont probablement les plus proches, de Charles Valentin Alkan, le Berlioz du piano à Harry Partch en passant par des entretiens avec Leon Theremin, Conlon Nancarrow et Moondog (auquel je rendis hommage en participant à la compilation publiée en CD par TraceLabel)... Les dernières pages évoquent le retour de la musique électronique, des propos de Xenakis, des œuvres de Luc Ferrari, Eliane Radigue, Thom Willems, jusqu'à la techno.
Ce livre indispensable (ed. L'éclat) recèle un bonus de choix puisqu'y est inséré un CD réalisé par Philippe Langlois dans le cadre de l'Atelier de Création Radiophonique à partir des archives de l'INA des émissions que Daniel Caux réalisa pour France Culture. On y retrouve des extraits d'œuvres de nombreux musiciens cités précédemment, sans oublier Pierre Henry, Om Kalsoum, Urban Sax, Plastikman, Charlemagne Palestine, Michael Snow, leurs voix, et celle de Daniel Caux, analyste engagé, passeur passionné.
Le 9 novembre prochain à 20h30 au Centre Pompidou, Jacqueline Caux projettera son Hommage dans le cadre du Festival d'Automne avec la participation de La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, Meredith Monk, Pauline Oliveros, Gavin Bryars, Richie Hawtin, Bob Wilson et, grâce à des archives, John Cage. Gavin Bryars terminera la soirée par un court récital au piano.

lundi 26 octobre 2009

Orgueil


Il est toujours délicat et un peu énervant de rencontrer de (plus) jeunes compositeurs qui ne connaissent pas du tout mon travail et, en ignorant l'origine, m'annoncent fièrement mêler des bandes-son de films à leurs musiques, y ajouter des ambiances réelles ou des bruits de la vie quotidienne, mixer instruments acoustiques et électroniques, faire des montages d'échantillons volés à la radio ou à la télé, accompagner des textes en direct, s'être spécialisé dans les ciné-concerts ou créer de la musique interactive...
Si la paranoïa de Jacques Séguéla lui fit récemment prétendre qu'il inventa la publicité, je me garderai bien d'avancer que je suis l'auteur de la roue. Je ne peux néanmoins m'empêcher de ressentir un pincement au cœur lorsque je ne suis pas crédité pour les innovations auxquelles j'ai contribué. Être un précurseur, en avance sur les modes, n'est pas une qualité. L'orgueil en est flatté, mais la reconnaissance va en général aux suiveurs qui sauront exploiter commercialement ces avancées. L'isolement que cela prodigue ne permet pas de s'épanouir autrement que dans une course effrénée où l'on cherche en permanence à être le premier pour avoir toujours un métro d'avance. Connaissant bien l'histoire des arts et des inventions, j'eus dès mes débuts la précaution de laisser des traces, elles-mêmes relayées par la presse qui, si elle a souvent la mémoire courte, n'efface heureusement pas ses publications. Idem avec les récompenses obtenues dont la liste couvre des champs extrêmement variés. La conscience du temps que tout cela allait prendre m'a poussé à créer mon propre label de disques en 1975 et à revendiquer par écrit mes positions critiques aussi souvent que les occasions m'en furent données. Comme sur ce blog, il m'arrive de me contredire, mais je ne me dédis jamais.
Pour m'éviter des aigreurs, injustes en regard de la reconnaissance dont je profite dans d'autres domaines, je me suis décidé à rappeler ici quelques dates de réalisations qui n'ont jamais été fortuites, puisque toujours initiées par une réflexion incessante sur les arts et le monde qui nous entoure et dont nous sommes à la fois les acteurs et les spectateurs, les victimes et les bourreaux. Je rappelle enfin que mes études de cinéma ont largement influencé mon travail, mais qu'en musique je reste un autodidacte complet, en marge des circuits officiels que prodiguent une origine bien née ou un cursus scolaire exemplaire. Je gagne néanmoins ma vie depuis près de 40 ans en composant une musique "barjo" sans concession et une œuvre multimédia dont le succès n'aurait par contre pas eu besoin de cette mise au point.
1974 : dans mon premier film important, La nuit du phoque, j'exécute des montages radiophoniques cut que l'on retrouvera plus tard dans Crimes Parfaits (1981), développant le concept de "paysage social" contre celui de "paysage sonore" alors en vigueur. Je découvrirai John Cage peu après. J'avais déjà enregistré ma pièce pour ondes courtes et pompe à vélo en 1965 ! Entre temps, j'aurai l'occasion d'écouter la musique tachiste de Michel Magne, les reportages mixés de Barney Wilen, des passages de Luc Ferrari, les Shadoks de Cohen-Solal, les premières œuvres de Frank Zappa, le Poème électronique de Varèse, qui imprimeront leur marque indélébile sur mes propres recherches.
1975 : Défense de, disque entièrement improvisé, mêle les instruments électroniques joués en temps réel (ARP 2600) à des bandes électro-acoustiques créées dix ans plus tôt, des orgues à tuyaux au piano-jouet, des appeaux aux instruments classiques... La réédition CD de ce vinyle, devenu culte grâce à la liste Nurse With Wound, qu'en fit MIO, rassemble plus de sept heures de musique sur le DVD qui l'accompagne en plus du film La nuit du phoque. De 1975 à 1978, j'enseigne la partition sonore à l'IDHEC.
1976 : désirant faire connaître au public les merveilleuses inventions du cinéma muet, j'ai l'idée de jouer en direct une partition contemporaine entièrement improvisée avec le collectif Un Drame Musical Instantané que je viens de fonder avec Francis Gorgé et Bernard Vitet. Nous rejetons le terme improvisation au profit de composition instantanée en opposition à composition préalable. Dans les années qui suivront nous jouerons la musique de 26 films différents. La pratique des ciné-concerts était éteinte depuis l'avènement du parlant. Nous initierons, entre autres, la programmation du Festival d'Avignon (où nous "improviserons" également en direct sur les Jeux Olympiques de Los Angeles). J'ai un petit faible pour La glace à trois faces et La chute de la Maison Usher de Jean Epstein, découverts en 1972 grâce à Jean-André Fieschi, Le cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene, La Passion de Jeanne d'Arc de Carl T. Dreyer...
1977 : Un Drame Musical Instantané enregistre Trop d'adrénaline nuit. La pièce éponyme intègre dynamiquement la bande-son d'un film français de 1936. Dans Au pied de la lettre je dis un texte inédit de Jean Vigo. À cette époque, il était impossible d'enregistrer les films à la télévision, aussi j'en captais le son dans les salles ou sur le petit écran pour les réutiliser ensuite par bouffées (souvent délirantes et toujours sensiques) dans nos œuvres. J'imagine le concept de musique à propos.
1980 : pour le disque Rideau !, je compose Rien ne sert d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer (le titre est emprunté à Guillaume d'Orange par Bernard Vitet) en nous superposant à un orchestre classique qui s'accorde. Je découvrirai beaucoup plus tard Tuning d'Edgard Varèse, comme un adoubement ! M'enfin est quant à lui basé sur un enregistrement réalisé dans le café kabyle en face de chez moi.
1981 : création du grand orchestre d'Un D.M.I. mêlant mes synthétiseurs aux cordes, cuivres et percussion. Francis Gorgé y joue de la guitare électrique. Bernard Vitet fabrique depuis les années 60 de nombreux instruments originaux, lutherie souvent copiée (clavier de poëlles à frire, de pots de fleurs, de limes ; contrebasse à tension variable ; trompes et flûtes chromatiques en PVC, trompette à anche, trompette plongée dans l'eau, cor multiphonique, etc.). À Musica à Strasbourg en 1983 nous créons la musique de L'homme à la caméra de Dziga Vertov pour cet ensemble.
1984 : La Bourse et la vie est une œuvre pour le trio (synthétiseur PPG, guitare électrique, trompette à effets) avec le Nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France. En plein théâtre musical, nous risquons une grève (inscrite dans la partition !), mais le chef, Yves Prin, arrange le coup. Sur l'album Carnage, il y a également une pièce où nous remplaçons les instruments et les bruitages par des voix.
1985 : nous renouons avec la tradition des textes accompagnés en musique. Le K sera nommé aux Victoires de la Musique en 1992.
1987 : L'hallali est l'un des premiers CD à sortir en France, certainement le premier en musique nouvelle. Nous utilisons toutes les ressources de ce nouveau support (large plage dynamique, silence). Dans l'opéra-bouffe éponyme, j'utilise le vocodeur pour répondre à la soprano et à la basse qui interprètent les rôles principaux. La même année, je zappe en direct les chaînes de télévision sur satellite pour écrire un scénario à la volée que l'orchestre improvise illico.
1988 : l'album Qui vive ? intègre une radiophonie TV dans Des haricots la fin.
1992 : je participe à la création de la collection de disques Zéro de Conduite produite par André Ricros pour offrir aux enfants des œuvres de qualité conçues spécialement pour eux.
1993 : mon court-métrage Le sniper est la première fiction tournée à Sarajevo pendant le siège.
1994 : l'exposition-spectacle de la Grande Halle de la Villette Il était une fois la fête foraine scénographiée par Raymond Sarti est sonorisée par 70 sources indépendantes et des centaines de haut-parleurs.
1997 : Carton est le premier CD-Rom d'auteur à sortir en France. Je dois ce saut dans le multimédia au Puppet Motel de Laurie Anderson et à la confiance de Pierre Lavoie (Hyptique). Précédemment, avec Au cirque avec Seurat je pose les bases du design sonore dans les œuvres multimédia (humanisation de la machine, évolution de la partition en fonction du temps, notions de palette sonore, etc.). Mon site drame.org date de la même année.
1998 : le CD-Rom Machiavel est une œuvre comportementale réagissant au plaisir et à l'ennui, réalisée avec Antoine Schmitt.
1999 : le CD-Rom Alphabet est jugé par certains comme l'apogée de l'art interactif sur ce support. 15 prix internationaux.
2004 : La Pâte à Son, conçue avec Frédéric Durieu, anticipe le futur FluxTune, des machines à composer la musique sur un modèle radicalement différent du séquenceur.
2005 : Participation à la création du lapin Nabaztag, premier objet communicant grand public. J'invente pour lui tout ce qui passe par le conduit auditif.
En marge de ces créations, je suis fier d'avoir participé à la reconnaissance du statut d'improvisateur à la Sacem, ainsi qu'au dépôt sur support matériel plutôt que sur papier et à la signature collective, des réformes indispensables suite aux nouvelles pratiques. Je regrette que mes conseils n'aient pas été suivis en ce qui concerne la création sur les nouveaux médias et la mutation d'Internet. En ce domaine, mes interventions à la Sacem, à la Sacd et à la Scam semblent avoir été vains.
Toute cette autosatisfaction n'exclut pas que d'autres aient creusé leur sillon avant les miens. En réalité, personne n'invente jamais rien, il n'y a pas de création spontanée. Ce rappel permettra seulement de réintégrer mes différents apports à la chronologie.

dimanche 25 octobre 2009

Remettre rien sans cesse à demain


Comme chaque samedi mes bonnes intentions n'ont pas été suivies d'effet. Décidé à me reposer après une semaine bien chargée, j'ai commencé très tôt en écrivant une petite contribution sonore d'une minute pour le Tapage Nocturne de Bruno Letort consacré au Mur du Son, en référence au 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin. J'ai évidemment pris le contrepied de ce que j'imagine que les autres compositeurs produiront en enregistrant dans la foulée cette pièce exclusivement vocale (en ce qui me concerne !) et que j'ai intitulée Casual, en français on traduira "décontracté" ou "informel", que l'on prendra soin de prononcer avec un accent français de circonstance "Cage Wall", mon idée consistant à ébranler un mur a priori infranchissable lorsque l'on connaît les interdits radiophoniques ! À découvrir donc dimanche 15 novembre 2009 à 23h55 sur France Musique...
Comme il était dix heures du matin, je suis resté travailler au studio pour jeter un œil à la partition du premier module de 2025, le serious game destiné aux ados de 12 à 16 ans sur lequel planchent Nicolas Clauss et l'équipe de Tralalere. J'en suis évidemment sorti vers 19 heures après avoir réalisé un dépouillement quasi total, du moins en l'état d'avancement des animations et séquences interactives. J'ai essentiellement programmé le V-Synth pour les ambiances en boucle, les sons de navigation et ébauché la musique pour trouver la couleur générale avant d'aborder ce premier module. C'est toujours compliqué de réaliser un pilote en imaginant les potentialités de la série. J'ai terminé la journée en cherchant quelques sons de cordes et de cors pour donner une petite note cinématographique à ma partition, mélange d'électronique légère et de rythmes lourds destinés à produire un peu de stress chez le joueur chronométré.
J'aurais pu venir taper ce billet, m'allonger pour lire ou regarder un film, mais Françoise m'a demandé de chercher des sons de cours de la Bourse en anglais pour l'extrait qu'elle montrera jeudi prochain au 104 à l'occasion de la première de Pasta Unica. De mon côté j'ai envoyé à Cécile Denis une présentation linéaire de FluxTune que j'ai montée sur FinalCut à partir d'une copie-écran, avec Françoise pour me tenir la main, échange de bons procédés.
Si je tiens toujours mes promesses, je fais exception à mon égard. Par exemple, aujourd'hui dimanche je me suis promis d'être plus sage et de vaquer à des occupations moins studieuses. En d'autres termes j'espère avoir de la visite pour me dissiper et me forcer à faire ce que je ne sais pas faire, rien.

mercredi 14 octobre 2009

Le piano qui parle


Cette année au Forum Mondial de Venise, un piano récitait en anglais la Proclamation of the European Environmental Criminal Court. Ce n'est pas toujours très compréhensible, mais les intentions y sont. Le compositeur autrichien Peter Ablinger a transféré le spectre vocal d'un enfant à un ordinateur contrôlant un piano mécanique. Il a traduit les fréquences en pixels à une résolution suffisamment fine tel que seul un piano sache restituer le texte parlé, la mécanique étant contrôlée en midi et la programmation ayant probablement été réalisée sous Pure Data. Le résultat n'aurait pas déplu à Conlon Nancarrow !

Merci à François de Morant évoquant ce vocodeur acoustique. Je souhaite vivre assez longtemps pour continuer à m'émerveiller devant toutes les découvertes que nous ne cessons de faire en espérant que l'une d'entre elles remettra le monde à l'endroit. Une vieille chaussette n'exhale pas que l'odeur.

lundi 12 octobre 2009

Transparence de la musique d'ameublement


J'ai passé mon dimanche après-midi à regarder des épisodes de Fringe, science-fiction haletante, histoire de me changer les idées et de m'obliger à faire un break. Ce matin, j'enregistre plusieurs séquences dans la salle de bain : clapotis dans la baignoire, gouttes d'eau à différents débits, douche, gant de toilette, des ambiances très douces pour la partition que je compose pour la galerie d'exposition de Saint-Gobain dans le Marais, ayant précédemment appartenue à Claude Berri. C'est encore un pari un peu fou. Je dois écrire et enregistrer une petite demi-heure à diffuser en boucle permanente sans rendre folles les personnes qui travailleront là toute la semaine et ce jusqu'à ce que mort s'en suive... De la séquence ou du personnel ? Il est question d'accompagner les différents verres technologiques qui seront exposés en permanence en six thèmes et vingt-six variations. Le reste de la partition sera essentiellement réalisée avec des sons de synthèse. Chaque séquence a son style et sa couleur pour que l'on identifie chaque verre. Je commence à avoir une petite idée de comment cela doit sonner pour que chacun ait sa spécificité musicale en conservant l'aspect ambient de l'ensemble. C'est vraiment de la musique d'ameublement, mais elle doit faire sens et posséder un caractère original. J'y pense comme une œuvre malgré les fortes contraintes techniques et environnementales, plus excitantes qu'autre chose. Sonia et Valéry m'ont suggéré de composer deux pièces, l'une pour les démonstrations, plus fournie que la seconde que je compte fortement épurer pour créer une ambiance qui tournera presque tout le temps ! Il faut intégrer le silence musicalement, varier la longueur des séquences, empêcher que l'on identifie trop vite la chronologie pour éviter le sentiment oppressant de la boucle... Je dois absolument considérer la permanence comme un plus, une amélioration des conditions de travail. Dans des cas comme celui-ci je tente de me mettre dans la peau des auditeurs qui travailleront dans ce nouvel espace.

jeudi 8 octobre 2009

Le café musical


Servez-vous un café. Sucrez. Mélangez. Tenez la tasse par l'anse en en tapant doucement le fond avec la cuillère. Vous entendrez le son monter vers l'aigu. Quand il sera stabilisé recommencez à touiller. Les petites notes de percussion au fond de la tasse regrimperont vers l'aigu. Comment ça marche ? Quelle loi physique décrit le phénomène ? Je n'en ai pas la moindre idée. J'ai demandé à Valéry si on pouvait jouer avec d'autres liquides, mais depuis dix ans qu'il pratique ce sport il n'a jamais esayé. Après avoir tout renversé, j'ai réussi à reproduire l'expérience, mais avec tous ces cafés j'ai eu un peu de mal à m'endormir !

mardi 6 octobre 2009

Écris-moi une chanson


En 1994, Elsa avait 9 ans. Bernard et moi avions eu l'idée de lui écrire une douzaine de chansons, mais elles sont restées dans un tiroir comme des dizaines de projets inachevés. J'ai traîné trois semaines avant de trouver les mots de la première. Ensuite, j'en écrivais une chaque jour pendant que nous passions l'été en Bretagne. À la rentrée, Bernard s'est attelé à la musique et nous avons enregistré des maquettes de ce que cela pourrait devenir. Nous aurions aimé remplacer mes programmations par des musiciens, mais nous avons laissé le temps filer. J'ai déjà publié ici Les étoiles filantes et La glace. Ce troisième inédit figure aussi sur le disque téléchargeable avec la revue Sextant n°3.
C'était un jour comme aujourd'hui. Je n'avais pas d'inspiration. J'ai demandé à ma fille si elle avait une idée de sujet pour une chanson. Elle m'a répondu par les six premiers vers que j'ai recopiés tels quels et qui sont devenus le refrain...



Écris-moi une chanson
Pour les jours
Où j’ai envie de vivre
Écris-moi une chanson
Pour les jours
Où j’ai envie de mourir

Pour les jours
Où j’ai envie de mourir
Peu m’importe l’amour
Il n’y a rien qui m’attire
Lorsque seule contre tout
Je cherche à maîtriser
Les cauchemars ou les loups
Cachés sous l’oreiller
Si je pouvais choisir
Je supprimerais le soir
Au moment de dormir
Le sommeil tue l’espoir

Écris-moi une chanson
Pour les jours
Où j’ai envie de vivre
Écris-moi une chanson
Pour les jours
Où j’ai envie de mourir

Pour les jours
Où j’ai envie de vivre
Je veux beaucoup d’amour
Tant que ça me laisse ivre
Être entouré d’amis
Ou des singes du zoo
Dans la cour du lycée
Ou au milieu des flots
Il faut pour me ravir
Il faut par dessus tout
Qu’au moment de dormir
On me fasse un bisou

Écris-moi une chanson
Pour les jours
Où j’ai envie de vivre
Écris-moi une chanson
Pour les nuits
Où j’ai si peur de mourir

lundi 5 octobre 2009

Les petits cours d'eau font les grandes rivières


Éric Dalbin a mis en ligne quelques photos signées Yves Malenfer du rideau d'eau dont j'ai composé la musique pour le stand RCZ de Peugeot au Salon de Francfort. On y aura un avant-goût du travail graphique de Phormazero, mais il faudra attendre le film pour entendre la partition en mouvement. Voir billet du 15 septembre pour plus de détails. J'y développe comme d'habitude mon discours de la méthode.
Se rendre utile est une démarche gratifiante. Certains compositeurs rechignent à composer de la musique appliquée, or il est souvent plus sain de travailler pour le privé que pour le public. Les rapports humains sont directs, les désirs et les appréciations s'expriment, c'est déjà pas mal, de plus, clairement, ce qui est fort appréciable. Je rappelle que, par exemple ici, j'ai été totalement libre d'écrire ce que je voulais, sans aucune contrainte si ce n'est le cahier des charges qui spécifiait exclusivement que la "création artistique" devait être "cristalline et futuriste". Techniquement, je composai avec le son de l'eau venant percuter le bassin récupérateur. Je me verrais très bien éditer le résultat comme n'importe quelle œuvre personnelle. Le Poème Électronique de Varèse n'a-t-il pas été conçu pour le Pavillon Philips de l'Exposition Universelle de Bruxelles en 1958 !
Les rémunérations afférentes à ce genre de commande permettent en outre d'en créer d'autres ou d'en accepter dont le budget est inexistant. J'ai l'habitude de dépenser d'une main ce que je perçois de l'autre. Ainsi les salaires générés par notre opéra de lapins nous offrent les moyens de prendre le temps pour réfléchir à de nouvelles créations ou simplement de choisir les travaux qui nous excitent le plus et les partenaires les plus sympathiques, de ceux avec qui nous vibrons en sympathie. J'ai déjà écrit que je ne travaille plus qu'avec des gens gentils !
Ainsi je rêve de mes prochaines collaborations, que ce soit avec Antoine Schmitt (nous avons deux projets "live" sur le feu, l'un assez lourd pour lequel nous sollicitons des aides publiques, l'autre, commandé pour une première partie de Nabaz'mob en ouverture du Festival de Victoriaville au Québec), avec Nicolas Clauss (deux projets encore, le trio live avec Sacha Gattino et le "serious game" pour Tralalere dont les trois premiers modules doivent être prêts avant la fin de l'année), avec Étienne Mineur (pour des livres interactifs convoquant les dernières avancées technologiques), avec Valéry Faidherbe (une commande pour Saint-Gobain qui va se préciser dans les jours qui viennent), avec Françoise Romand (projets de films en cours), avec Pierre-Oscar Lévy (la musique du film devrait s'écrire avant qu'il ne commence à monter et Bernard Vitet sera de l'aventure) et quelques autres, tous amis de longue date ou qui le deviendront, avec qui je partage la soif d'inventer et de rêver. Je reste à l'affût de nouvelles idées comme de rencontres inattendues qui bouleverseront ce à quoi je m'attendais. Ainsi hier matin quelle ne fut pas ma surprise lorsque la pianiste et compositrice Ève Risser m'alpagua sur le quai de la gare de Strasbourg ! Pour l'instant je prendrais bien quelques jours de repos, mais en suis-je capable ?