70 Musique - janvier 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

dimanche 31 janvier 2010

18 minutes pour Sun Sun Yip


Sun Sun Yip m'a demandé de sonoriser l'une de ses œuvres en 3D très haute définition dans sa version vidéographique. Il lui a fallu un an de calcul avec trois ordinateurs à raison de trente minutes par image pour en venir à bout. Jusqu'ici, je n'en connaissais qu'un agrandissement photographique d'un mètre cinquante de haut. J'ai composé une pièce de 18 minutes pour cordes transformées électro-acoustiquement qui rappelle les flux liquides qui s'échappent de l'objet impossible comme si c'était une fontaine, mais ce n'est pas de l'eau. L'œuvre rouge vif, G10 pour graine 2010, se réfère à la vie, à l'énergie, mais n'a rien à voir avec un cœur. Le choix des cordes a également pour mission d'empêcher toute interprétation hâtive de l'objet. J'ai enregistré cinq prises, les trois premières avec le frein, contrebasse électrique à tension variable construite par Bernard Vitet au début des années 70, les deux dernières avec un hou-k'in, violon vietnamien cousin du ehr-hu chinois dont l'archet est inséré entre deux cordes, et un violon tout ce qu'il y a de plus classique. J'ai transformé chaque instrument en temps réel grâce à mon Eventide H3000 programmé par un algorithme d'échos en escalier déphasés et renversés qui rallonge chaque note sur une vingtaine de secondes. Le mixage des cinq pistes produit des ambiances variées alors que l'objet se transforme en pivotant dans l'espace et que la musique s'échappe en sources jaillissantes.

vendredi 29 janvier 2010

Bob Dylan et Leonard Cohen reprennent des couleurs

((/blog/images/2010/Janvier 2010/Jef-Lee-Johnson-Fantastic-Merlins.jpg))%%%
Si Jean Rochard ne continuait pas à produire d'aussi beaux albums, ma vie de discophile et de chroniqueur occasionnel serait bien terne. Coup sur coup, il sort deux albums adaptant l'un Bob Dylan, l'autre Leonard Cohen. Ces disques Hope Street marquent-ils une nouvelle orientation pour le fondateur du label nato aujourd'hui distribué par L'autre Distribution ? Oui et non. Oui, parce que je ne lui connaissais pas autant d'attrait pour les folk singers engagés. Non, lorsque l'on connaît ses goûts pour les chansons qu'il aime entendre d'une autre oreille, avec des musiciens exprimant leur point de vue soliste comme le jazz leur a toujours permis de s'épanouir tant au sein du groupe qu'individuellement. La ligne politique exigeante, qui sous-tend toute sa production musicale et s'exprime régulièrement sous sa plume dans le Journal des Allumés du Jazz qu'il continue de porter quand je l'ai déserté, trouve son conte dans ses adaptations inspirées. La force poétique des distances prises avec les originaux est réfléchie chaque fois par un épais livret de 56 pages où le dessinateur Stéphane Levallois peint à l'aquarelle une émouvante histoire dont les zones d'ombre rappellent l'abstraction musicale. Rochard réalise ainsi un rêve de jeunesse en devenant accessoirement éditeur de bande dessinée. J'ai même cru un moment que l'auteur masqué Jean Simon était un de ses nombreux pseudonymes ! Dans un marché discographique qui préfère truquer les cartes en incriminant les jeunes pirates pour justifier son autodestruction programmée, on a rarement l'occasion d'acquérir d'aussi beaux objets, réalisés avec ferveur et passion.
Sur les traces de Jimi Hendrix qui avait lui-même repris All Along The Watchtower, Like a Rolling Stone, Drifter's Escape et Can You Please Crawl Out Your Window, Jef Lee Johnson, au mieux de sa forme, s'approprie à son tour onze chansons de Robert A. Zimmerman (I am a Lonesome Hobo, Highway 61 Revisted, Knocking on Heaven?s Door, etc.) avec la même formation guitare-basse-batterie. The Zimmerman Shadow (sortie le 8 février) est un exercice de haute volée, un brasier où se consument les fantômes, où les notes retrouvent le sens caché par les mots. La voix raconte le monde de Dylan, qui a grandi à Minneapolis où ont lieu les séances, retrouvant certaines inflexions qui forcent la musique elle-même.
Grand supporteur d'Ursus Minor et ayant moi-même participé à l'album Thisness de Jef Lee Johnson sur la reprise de Sorry Angel de Gainsbourg, la véritable révélation est pour moi How the Light Gets In (sortie le 8 mars) des Fantastic Merlins avec Kid Dakota. Composé de Nathan Hanson au sax ténor, Brian Roessler à la basse, Matt Turner au piano et surtout au violoncelle, Peter Hennig à la batterie, le groupe a invité le chanteur Kid Dakota pour les onze titres, et sur The Partisan Pascale Labbé et Florence Michon dirigent un ch?ur d'enfants. Jazzifiant sans perdre les intentions originales et assumant le lyrisme des chansons avec une orchestration décalée, l'équilibre chant-instrumentistes n'est pas sans rappeler un autre album de la collection Hope Street, Songs for Swans de Denis Colin avec Gwen Matthews. Ses cordes vocales vibrant en sympathie avec celles du violoncelle, Kid Dakota se rapproche plus de Paul Simon que de la basse du Canadien. Les tambours, les cymbales et la contrebasse scandent les mots du poète, faisant resurgir une sorte de rituel nord-américain depuis l'époque des grands espaces habités par les Indiens jusqu'aux répétitifs de la fin du XXème siècle en passant par les mouvements ouvriers des années 30 et les errances de la Beat Generation. Assumant leur douloureuse hérédité, les folk-singers ont toujours été contraints de choisir la résistance. Sanglots rageurs et critiques acérées sont les armes dont s'empare le public qui suit le cortège de pancartes et de banderoles dans la plus grande dignité, les deux albums se jouant debout même s'ils s'écoutent assis.

N.B. : dans le cadre de l'hommage nato a 30 ans, le Festival Sons d'Hiver programme le Jef Lee Johnson Band avec The Zimmerman Shadow ainsi que les Fantastic Merlins et Kid Dakota avec How the light gets in le 5 février à Choisy-le-Roi, et Ursus Minor avec Boots Riley et Desdamona le 11 février à Fontenay-sous-Bois.

P.S. : cela n'a rien à voir, si ce n'est l'attachement de Rochard à cette haute figure de la résistance nord-américaine, mais Howard Zinn est décédé mercredi (Hommage d'Amy Goodman avec Noam Chomsky, Alice Walker, Naomi Klein et Anthony Arnove sur Democracy Now!). Pour l'instant je n'ai pas lu grand chose dans la presse française qui continue de faire le black out sur les manifestations protestataires étatsuniennes. J'avais récemment enregistré ses conférences en compagnie de Arundhati Roy (vidéo fortement recommandée).

mardi 26 janvier 2010

Hendrix m'aide à remonter le temps


La mémoire varie selon les évènements et les rencontres. Au cours d'un dîner récent avec Paule Zajdermann, condisciple à l'Idhec, nous étions aussi à l'aise que 36 ans plus tôt lors de notre dernière entrevue. Le temps passe sans que nous ne soyons jamais capables de l'évaluer. Si l'ennui le rallonge à en mourir, l'excitation le contracte en sa plus simple expression. Notre comportement varie selon les âges de la vie au point de parfois nous parjurer en oubliant ce que nous avons été. Il est toujours fantastique de retomber en enfance, de retrouver des sensations perdues qui jaillissent en fulgurances aussitôt évanouies. Dimanche, la projection de Taking Woodstock d'Ang Lee, sorte de making of totalement raté sur le montage du festival mythique, provoqua néanmoins en moi quelques frissons à reconnaître l'air du temps soufflé sur ma nuque. Hier je découvrais un film bizarre de Mike Parkinson sur la mort de Jimi Hendrix. S'appuyant sur une prétendue déclassification de documents du FBI, Jimi-The Last 24 Hours avance l'hypothèse d'un assassinat pour raison politique, le guitar hero s'étant dangereusement rapproché des Black Panthers. Malgré d'intéressants témoignages et de douteuses reconstitutions la thèse du complot reste très improbable, mais un doute sérieux plane sur les agissements criminels de son manager Michael Jeffery. Si la gentillesse du musicien, sa faiblesse de caractère, son goût immodéré pour sex, drugs and rock'n roll ne sont plus un secret, l'espace d'un instant j'ai entendu la musique d'Hendrix dans l'état exact où je me trouvais début 1967. Elle sonnait à mes oreilles d'adolescent, évacuant toute familiarité acquise à force d'écoutes. Je ne percevais pas seulement le son du guitariste et de sa voix, mais le timbre brut et l'équilibre du trio formé avec Noel Redding et Mitch Mitchell tels qu'ils m'avaient sauté à la figure après les premiers enregistrements avec Curtis Knight. Je me revois plus tard retourner les pochettes des deux premiers 33 tours du trio comme si pouvait en tomber quelque indice, comme si un génie allait sortir de l'enveloppe pendant que la musique tourne inlassablement sur la platine. Je suis littéralement propulsé aux côtés de Michel Polizzi qui "avait ses entrées", je crois, à Lido Musique et nous faisait profiter de ses lumières ! En tapant ces lignes, je fais mon possible pour renouveler l'Experience, ce qui me demande un effort surhumain, conjugaison aussi savante que sensuelle de concentration et de lâcher-prise. Il ne s'agit pas d'une madeleine ou d'un effet facile à reproduire comme je le fais de manière quasi curative avec le premier mouvement de la première symphonie de Charles Ives par Eugene Ormandy ou de la seconde de Malher par Klemperer, des quatre derniers Lieder de Strauss par Lisa della Casa ou du We're Only In It For The Money des Mothers of Invention. C'est quelque chose qui m'échappe, qui n'a même probablement rien à voir avec la musique, une porte ouverte sur la quatrième dimension ?

lundi 25 janvier 2010

Guimbarde virtuose


Sacha m'a prêté un étonnant DVD du guimbardier suisse Anton Bruhin filmé en 1999 par Iwan Schumacher. Trümpi est un road-movie sans commentaire depuis Stoos en Suisse jusqu'à Tokyo en passant par Sakha-Yakutia en Sibérie. Il rappelle le célèbre Step The Border par la beauté et l'intelligence des images, par la variété des musiques et le mixage de tous les éléments sonores. Anton Bruhin passe de la guimbarde traditionnelle à d'astucieuses constructions qui lui permettent de jouer sans y toucher, amplifiant l'instrument grâce à des tuyaux en PVC rotatifs. Il tient souvent trois guimbardes dans sa main pour pouvoir changer rapidement de timbre et de tonalité. Au gré du voyage on rencontre toute une ribambelle de musiciens, Markus Flückiger, Spiridon Shishigin, Fedora Gogoleva, Tadagawa Leo, Makigami Koichi. L'extrait de YouTube ne provient pas de Trümpi qui est un vrai film musical avec de nombreux contrepoints signifiants ; nous assistons ici à un concert de Max Lässer et l'Überlandorchester au Casino d'Herisau en 2008 qui donne un aperçu de l'art de Bruhin.
Moi qui m'étais pensé virtuose de l'instrument, je rabaisse mon caquet devant tant de maestria. Actuellement en rupture de stock chez Dan Moi où nous commandons souvent des instruments ethniques, le DVD doit pouvoir s'acquérir en fouinant un peu sur le Net...

lundi 18 janvier 2010

Échappée belle


Après Comme une image (1989) et Les araignées (1997), le troisième CD d'Hélène Sage paraîtra bientôt sur le label GRRR (dist. Orkhêstra) auquel elle est restée fidèle depuis Supposons le problème résolu avec Bernard Vitet. Comme chaque fois, le puzzle qui relate ses aventures scéniques et ses rencontres laborantines fait œuvre, construit comme un château de cartes dont on aurait collé les bords pour qu'il résiste au réchauffement schématique et à la fonte des miroirs. Si les précédents relataient ses complicités instrumentales et chorégraphiques, Échappée belle s'organise essentiellement autour du verbe, chanté, psalmodié, joué vif ou retraité. Les textes d'Omar Khayyâm (XIIe siècle), Djalâl-Od-Dîn Rûmi (XIIIe), Nathalie Desmarest, Benoît Lavoisier, Luc Baron, Patrizia Runfolia, Louisa Paulin, Joseph Delteil, Nouveau Testament ou objets trouvés, servent de colonne vertébrale à ses iconoclasties sonores. Hélène Sage chante et joue de ses instruments de prédilection comme la contrebasse et ses flûtes, dont la basse est sa préférée, et se risque aux piano, bandonéon, violon, psaltérion, grandes orgues, orgue de cristal et divers idiophones. Marc Démereau (ordinateur), Alex Picques (sampling) et Pascal Portejoie (percussions) viennent de temps en temps à sa rencontre. La musique grince et frotte, siffle et enchante. Les voix de ses filles, Louise et Zoé Bouchicot, ponctuent l'ensemble avec impertinence. Les autres, théâtrales, font sens et contrastent avec les paysages organiques qu'Hélène peint aux couleurs incroyables de ses expérimentations hirsutes. L'unité du patchwork inventif tient à la fantaisie de l'équilibriste qui s'échappe bel et bien des sentiers battus.

dimanche 10 janvier 2010

Zounds! What Sounds!


Sacha Gattino, qui connaît mon appétit pour les trucs bizarres, m'a fait écouter un album incroyable enregistré sur Capitol en 1962 par Dean Elliot, un compositeur de musiques de dessins animés avec à son actif Mr Magoo dont j'étais fan dans mes toutes premières années (souvenir rapporté dont je ne garde aucune trace), Tom & Jerry, Bugs Bunny ou ceux du Dr Seuss... Mais l'association avec le fameux animateur Chuck Jones est postérieure à Zounds!What Sounds!, l'album de Dean Elliot and his swinging BIG BIG BAND!! Sa couverture indique : A Sonic Spectacular Presenting MUSIC! MUSIC! MUSIC! With these special Percussion Effects! Cement Mixer, Air Compressor, Punching Bag, Hand Saw, Thunderstorm, Raindrops, Celery Stalks (the crunchiest), 1001 Clocks, Bowling Pins and Many Many More!!. Le compositeur de Space Age Pop s'est adjoint l'aide du bruiteur Phil Kaye pour mêler à son orchestre lounge des effets sonores stéréo décoiffants qui nous font irrémédiablement penser à Spike Jones. On trouve la réédition CD chez Basta, mais écoutez déjà son Lonesome Road !
Souvent, écoutant certains compositeurs, j'aurais adoré que l'on me propose d'ajouter des sons concrets ou électroniques à leurs orchestres ou à leurs chansons, mais, contrairement à Dean Elliot dont les excentricités sont exclusivement plastiques, je travaille toujours dans une optique dramatique, entendre théâtrale, qui sert le sens de l'œuvre. J'aurais voulu être le Airto Moreira bruitiste de la nouvelle musique, saupoudrant de persil ou de piment la cuisine inventive de mes collègues musiciens. Un autre de mes fantasmes eut été d'improviser l'ambiance musicale d'un show style Nulle Part Ailleurs avec des ponctuations corrosives bien à propos. J'imagine un duo interventionniste avec Sacha, lui en percussionniste gagman et moi dans un traitement épique environnemental... Une idée.

vendredi 8 janvier 2010

Les archives libres de la poésie sonore


En traduisant free par libre, j'insiste sur l'indépendance des poètes et des musiciens qui les accompagnent, même si la gratuité du nouveau site lancé par Étienne Brunet a le mérite de proposer d'exceptionnelles archives sonores en écoute gratuite. Donguy-Expo rassemble des œuvres de Ezra Pound, Charlemagne Palestine, Robert Lax, Jean-François Bory, Marshall McLuhan, Ghérasim Luca, Augusto de Campos, John Giorno, François Dufrêne, Isidore Isou, Brion Gysin et Steve Lacy, Lawrence Ferlinghetti... Sur les traces d'ubuweb, cette extension de l'ancienne et mythique Galerie Donguy met à disposition de la poésie numérique et sonore pour un usage non-commercial, avec entre autres les merveilleuses archives des disques Son@rt qui devraient bientôt se retrouver en vente dans la boutique L'arobase qui sourit, la e.shop "en hommage à Robert Filliou". On y trouve dores et déjà des CD de Brunet avec Julien Blaine ou en concert avec Jacques Donguy à Sao Paulo, comme la rencontre de Jean-Clarence Lambert et Jean-Yves Bosseur. Les amateurs de rencontres vocales et instrumentales sont de plus en plus nombreux. Il y a peu, Jacques Perconte m'apportait un exemplaire de À surveiller de près, à punir parfois, sa collaboration avec Didier Arnaudet. Lui ai-je offert en retour mon duo avec Michel Houellebecq, je ne m'en souviens plus. Pour 2010, Sacha et moi avons en projet une rencontre sur scène avec Jacques Rebotier. Perconte, Rebotier, Brunet jaillissent toujours là où l'on ne les attend pas, slalomant entre les bornes des chapelles désaffectées et des halls surpeuplés pour explorer d'autres territoires, des possibles ailleurs rompant avec l'impossibilité du réel.

mardi 5 janvier 2010

Concerto pour violoncelle et 3 millions d'abeilles


La vidéo que Françoise avait découverte à la Biennale de Lyon est enfin en ligne : Didier Petit joue pour et avec les abeilles d'Olivier Darné sur le toit de la mairie de Saint-Denis. L'apiculteur-plasticien a créé le Parti Poétique pour polliniser la ville. "Poser une ruche quelque part consiste à poser un centre de prospection et à tracer autour de cette ruche un cercle d’environ 3 km de rayon. Ce territoire «invisible» délimite alors environ 3000 hectares de superficie qui constituent approximativement la zone de butinage et de prospection de l’abeille." La pollution liée aux pesticides épargne les villes que les abeilles ont adoptées avec gourmandise. On connaissait, entre autres, les ruches du square Georges Brassens à Paris où Elsa, enfant, avait appris à les caresser. Celles de Jean-Claude alimentent nos petits-déjeuners et nos goûters à s'en pâmer. Darné en a installées dans plusieurs quartiers de Paris et en banlieue. Sur son site, encore en construction, il vend déjà le Miel Béton à grand renfort de slogans tels "Time is Honey" ou "L'erreur est urbaine" ! Et le violoncelliste Didier Petit de charmer les abeilles qui volent autour de lui jusqu'à se poser sur le crin de son archet pour mieux ressentir les vibrations généreuses de son inspiration...

dimanche 3 janvier 2010

Poème symphonique pour 100 vélos


Wolf Ka m'a demandé d'écrire un petit texte pour le dossier du Poème symphonique pour 100 vélos que nous souhaitons créer en 2010.
Composer pour 100 vélos est un rêve d'avenir, porteur d'espoir d'une réappropriation humaine de la ville. C'est d'abord composer pour 100 cyclistes amateurs, étymologiquement ceux qui aiment se promener sur deux roues à la découverte d'autres paysages. Les miens sont sonores. Ils sont aussi mobiles, la symphonie se répandant dans l'espace grâce à la chorégraphie de Wolf Ka. Ces déplacements produisent eux-mêmes les sons des instruments imaginés avec le luthier Sylvain Ravasse. L'orchestre est constitué de flûtes qui prennent l'air, de cornemuses dont la poche est cachée sous la selle, de rayons frottés, de sonnettes accordées, de percussions cycliques, tout un monde inouï suggéré par nos balades. Et les cyclistes qui se croisent et tournent en rondes, pétaradant comme des gamins facétieux tels des clowns musiciens ou fendant l'air sur leurs montures customisées, dessinent un poème symphonique. Ils racontent ce que pourrait être la ville, dialoguant avec les oiseaux, recomposant l'espace urbain avec leur corps, mollets alertes, oreilles au vent et le cœur en bandoulière.
Compositeur et cycliste urbain, je ne pouvais que sauter de joie à la proposition de Wolf Ka de composer pour 100 vélos. Après les 100 métronomes de Ligeti et mes 100 lapins de Nabaz'mob dirigés avec Antoine Schmitt, le chiffre magique nous fait diviser l'orchestre en 10 familles d'instruments. La simplicité et la particularité de chaque appareil fabriquent une complexité inattendue. Les déplacements assurent à la partition un renouvellement constant, plein de surprises. Les sonorités inouïes des instruments fabriqués par Sylvain Ravasse lui apportent humour et poésie. Mon rôle consistant à organiser la symphonie dans le temps et dans l'espace, ce qui pouvait paraître archaïque se révèle visionnaire et futuriste. Au-delà de l'œuvre se dessine la ville de demain.