70 Musique - juin 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 25 juin 2010

Face B - Phase 3


Hier matin j'ai reçu un poster de 59x83cm plié en 8 dans une grande enveloppe blanche de Daniela Franco. L'objet commémore à la fois le site Internet et l'exposition qui eut lieu à La Maison Rouge en mai dernier. J'y avais contribué comme beaucoup (dont les noms figurent sur l'image ci-dessus si vous avez de bons yeux ou une loupe !) en donnant à l'artiste une liste de vinyles qui avaient compté pour moi. Le recto propose les pochettes imaginaires qu'a concoctées Daniela Franco accompagnées de textes probablement d'auteurs aussi virtuels que les albums présentés, une fantaisie fantasmatique à l'image du culte que les collectionneurs vouent à ce genre d'objets. La liste des faussaires inventifs est longue d'Orson Welles à Pierre-Oscar Lévy, de Remo Giazotto (l'adagio d'Albinoni !) à Michael Snow, de Borgès à Fontcuberta, etc., autant de canulars qui en disent plus long sur eux que sur leurs créatures. Ces pochettes étaient accrochées à l'entrée de l'exposition Vinyl tandis que des extraits sonores de nos listes peuvent être écoutés sur le site.
Le verso de l'affiche transforme nos disques en petites icônes dont "les 10 vinyles que j'ai achetés pour leurs pochettes et dont la musique ne m'a pas déçu, bien au contraire, puisqu'ils sont à l'origine de ma vocation de compositeur." Tout près de moi sur la page, Vincent Segal proposent "10 disques qui vont par paire" ! Nous avions réalisé ensemble un concert-visite de l'exposition Vinyl que l'on peut regarder et écouter sur Internet (YouTube, DaiolyMotion, Vimeo, comme cela pas de jaloux...) grâce au film tourné par Françoise. L'expérience nous plut tant que nous nous sommes retrouvés récemment dans les studios de Radio France et que nous comptons bien étendre notre collaboration à de prochains concerts.
La taille de l'affiche montre les limites et les spécificités de chaque média, papier ou écran. On ne peut y voir les mêmes choses. La feuille permet un coup d'œil d'ensemble, le site offre d'entendre du son et focalise sur les choix de chaque contributeur. Ils se complètent, comme une expo et son catalogue, un concert et un disque, une face A et une B, comme toi et moi.

jeudi 24 juin 2010

Rien dans les poches


Il y a quinze ans la performeuse-chanteuse-compositrice Laurie Anderson maîtrisait les nouveaux médias comme personne. Les instruments technologiques convenaient parfaitement à son univers égocentrique. Du répondeur de son tube O Superman (que j'ai adoré jouer en duo avec Vincent Segal à La maison Rouge) à la navigation sans interface apparente du Cd-Rom Puppet Motel, des vocodeurs et harmoniseurs vocaux au film Home of the Brave, ils semblaient avoir tous été conçus pour elle. Aussi, lorsque j'ai vu le journal sonore qu'elle a réalisé pour l'A.C.R., l'Atelier de Création Radiophonique de France Culture, j'ai bondi sur le bouquin et ses deux CD encartés (ed. Dis Voir, coll. ZagZig, 35€). Hélas, Rien dans les poches manque terriblement d'âme. Le choix de lire le texte en français est une très mauvaise idée car on a l'impression d'une dictée, mot à mot remonté en studio. Le ton de Laurie disparaît derrière un débit robotique sans expression. L'aspect désincarné de la récitation s'entend d'autant plus que certains bouts de reportage laissent entendre sa voix in situ, vivante et enjouée. La déception ne s'arrête pas là. Enfermée par la commande, la globe-trotteuse déverse des anecdotes fades sans prendre le recul nécessaire à l'exercice. Seul l'ennui des tournées transparaît sous la diction monotone et la superficialité des confidences. Les ambiances sonores ne sont pourtant pas inintéressantes, notez l'euphémisme, les passages musicaux agréables, même si noyés par le formatage. Le livre est sympa, joliment illustré de photographies et mis en pages, mais tout aussi vide de sens. Il ne passionnera que les fans ou les auditeurs qui n'ont jamais entendu d'évocations radiophoniques. Les autres préféreront les anciens disques de la diva new-yorkaise ou des Hörspiels plus inventifs.

mercredi 23 juin 2010

Le duo des chats de Michael Snow et Mani Mazinani


Dimanche à Kensington Market. Moins de vingt personnes assistent au duo de Cats (Octave Cat Synthesizers) de Michael Snow et Mani Mazinani. Pas de maffé pour ce soir. Le Ternaga African Bar a poussé les tables. Au premier étage la salle du restaurant sénégalais est réservée jusque fin août. L'entrée est gratuite. Dix jours après le vernissage de Solar Breath (Northern Caryatids) et Light Air, orchestré par Atom Egoyan, les deux artistes sont passés de la vidéo au duo de synthés analogiques. Ça miaule. Ça crache. Ça se fait les griffes. Ils possèdent le même instrument. En fermant les yeux, je repars quarante ans en arrière, quand je commençai à jouer du synthétiseur, un ARP 2600 que j'espère racheter si un salaire escompté se vérifie. L'improvisation, telle que je la conçois, exige d'anticiper les mouvements ; la composition instantanée s'édifie sur les leçons du passé et l'anticipation de l'avenir. Michael et Mani s'amusent comme des petits fous. Le concert est émouvant entre le vieux chat et le chaton persan dont les voix se croisent et nous caressent souvent dans le sens contraire à celui du poil. Ça fait rêver. L'esprit vagabonde.
En art, Antoine m'explique qu'une réalisation réussie valide le concept tandis que j'apprécie une œuvre au nombre d'interprétations qu'elle rend possibles. L'idée unique s'oppose à la polysémie. Godard disait que ce qui est important ce n'est pas le message, mais le regard. Comment accorder les deux ?
Dehors il y a plus de flics que de Torontais. À pied, à cheval ou en voiture, ils sillonnent la ville, la survolent en hélicoptères, érigent des barrières métalliques de plus de quatre mètres de haut, bloquent des rues, ils contrôlent, mais personne ne les prend au sérieux. Les Torontais, comme les Québécois, détestent le premier ministre canadien, le très conservateur Stephen Harper. Ce déploiement de force est-il le signe d'une faiblesse ? L'approche du G20 rend l'air irrespirable.
Je garde en tête le ronronnement des filtres résonnants et les feulements des oscillateurs de Michael et Mani. J'avais oublié un détail. Avant et après le show, Snow avait choisi du Jelly Roll Morton.

mardi 22 juin 2010

Le vivier du CNSM


Avant de partir à Toronto où j'ai tenu une sorte de journal de voyage, nous sommes allés écouter les créations pour orchestre de quelques étudiants du Département Jazz et Musiques Improvisées du CNSM, le Conservatoire National situé Porte de Pantin. Tout en haut des marches, Xavier Prévost, en charge des concerts jazz à Radio France, repère les jeunes musiciens qui renouvelleront le paysage musical français. Le jury prend des notes, les jeunes gens en produisent de belles. La qualité de leurs interventions est surprenante de vigueur et d'invention. Antonin Tri Hoang (à l'alto sur la photo) passe en premier, musique toute en nuances, avec des alliages de timbres inédits entre la contrebasse et la clarinette basse. Le trompettiste Louis Laurain m'impressionne particulièrement par son énergie où le geste s'allie à la musique. Déjà présent dans la pièce d'Antonin (j'apprends à l'instant qu'il a reçu les Mentions "très bien" à l'unanimité avec félicitations pour la conception ET la réalisation) qui joue de l'alto, le saxophoniste Benjamin Dousteyssier (au baryton sur la photo) est le suivant. Musique découpée à l'arrache, il électrise le public par sa fougue avec un ensemble doublant batteries, contrebasses, pianos, trompettes, plus quatre sax et un trombone, soit treize à la douzaine ! Antonin s'était adjoint un instrument rare avec Emmanuel Domergue au mellophone. Les deux pièces d'environ une heure se complètent merveilleusement et nous ressortons rassasiés comme cela nous arrive rarement des concerts de leurs aînés. La solidarité qui les anime n'y est certainement pas étrangère. À suivre.

samedi 12 juin 2010

(Tapage) Nocturne par Birgé et Segal


La radio nous permet de vérifier que nous sommes sur la même longueur d'ondes. La Passion du Vinyl avait été une performance, un jeu de réminiscences, une action-music à deux voix. Cet échange valide nos cordes sympathiques en jouant sans images. Le producteur Bruno Letort n'aurait pu en avoir l'initiative sans avoir entendu parler de notre visite-concert de l'exposition Vinyl à La Maison Rouge. Il n'avait pas vu le film tourné par Françoise Romand. Mais l'idée du duo lui avait plu. Attraper Vincent Segal entre deux trains lui semblait une épreuve. Le violoncelliste et moi avons instantanément sauté sur l'occasion. Sans n'avoir jamais répété ensemble, nous nous étions promenés parmi les pochettes de disques de la collection Schraenen. Sans n'avoir jamais répété ensemble, nous avons hoché la tête pour dire que oui, nous étions prêts. L'enregistrement tournait.
Tout était très doux. Comme la nuit. Nous avions passé deux heures à brancher la mixette, mais surtout à ne pas réussir à récupérer France Musique dans mon ordinateur. Question de câbles, d'asymétrie, d'impédance. Tant pis, fit Vincent, on fera sans. J'acquiesce. Ce n'est pas grave. Je voulais transformer le son de la modulation de fréquence en temps réel, comme dans les années 70 lorsque je montais en direct mes radiophonies. Il est comique de voir tout ce monde penché sur la question sans qu'aucun stress ne s'en dégage. Nous nous lançons donc dans une suite de mouvements courts dont la conversation est le fil rouge, avec en option majeure une ambiance acoustique à ce nocturne "tapageur".


Tapage nocturne est le nom de l'émission de Bruno Letort qui passe le dimanche à minuit sur France Musique. Plutôt que jouer aux casques, Vincent Segal proposa de ne pas amplifier son violoncelle tandis que je diffusais le son de mes machines au travers de deux enceintes, à une puissance acoustique s'entend. Tendre l'oreille, être sans cesse à l'écoute, nous réalisons que "nous" jouons ensemble, avec nos instruments relégués à leur rôle d'instruments. D'habitude, si nous sommes amplifiés ou lorsque nous nous coiffons d'un casque, ce sont nos sons qui jouent ensemble, pas nous.
La palette de Vincent me fait penser à un mobile de Calder. Chaque élément a sa forme, son timbre, et l'œuvre n'est équilibrée que par l'audacieuse composition qui l'unifie. Il alterne pizz et archet, joue plusieurs mélodies simultanément, écrase les accords ou rythme l'inexorable pulsion qui nous amène jusqu'à ce dimanche minuit, puisque ces compositions "instantanées" ont été mises en boîte il y a quelques jours. Débarrassé de mes claviers, je joue du Tenori-on sur lequel j'ai ajouté deux banques de sons personnels (la voix d'Elsa enfant et les percussions échantillonnées de mon VFX), ainsi que de la mascarade machine, l'application conçue avec Antoine Schmitt pour notre duo ensemble. L'instrument constitué d'un ordinateur portable avec webcam et, par extension d'un spot et d'un NanoKontrol, est une sorte de Thérémine du XXIème siècle que l'on contrôle en bougeant les mains à la manière d'un montreur de marionnettes à gaine. Je fais l'appoint avec ma trompette à anche, une varinette et un appeau. Notre musique de chambre se joue d'une jeune complicité où chacun réagit au doigt et à l'œil.
Il y aura une suite, sur scène très probablement, et lors d'autres rencontres avec Vincent Segal comme sur le disque que je devrais enregistrer sous mon nom propre pour la collection Signatures de Radio France. Mais ça c'est une autre histoire. En attendant, l'émission de demain dimanche soir (13 juin) est également diffusée dès lundi pendant un mois sur le site de France Musique.

mercredi 9 juin 2010

Les compositeurs de musiques en vrac


La confusion la plus terrible règne parmi les compositeurs de musique dite contemporaine. Sur le site Musiques en vrac je découvre avec stupeur une pétition signée par plus de 500 personnalités s'insurgeant contre l'élection à la Villa Médicis de deux compositeurs de musiques actuelles. La confusion porte d'abord sur musiques et musiciens : il apparaît que les seconds sont plus en vrac que leurs productions pour avoir cautionné une telle initiative sans en avoir mesuré les causes et les conséquences. La confusion s'exerce entre la critique des autorités de tutelle et la division que certains tenants de la musique contemporaine officielle veulent continuer à imposer à des compositeurs qui ne sortent pas du sérail.
Premièrement, la pétition anonyme évite tout engagement de ses rédacteurs, pour ne pas se faire mal voir du Ministère de la Culture tout en le critiquant sous couvert de ses signataires.
Deuxièmement, passé le haro stérile et fratricide sur les musiques actuelles que l'on pourrait appeler musiques contemporaines populaires en cela qu'elles n'ont pas rompu leurs racines avec l'actualité sociale comme il était courant de le vivre avant les années 50, les deux compositeurs de musiques actuelles et leurs projets ne sont cités nulle part. Or il s'agit des projets de Claire Diterzi et du binôme Malik Mezzadri-Gilbert Nouno. Je doute que nombreux signataires eussent validé l'honteuse pétition s'ils avaient connu le nom des artistes incriminés.
De là à penser que les anonymes rédacteurs sont un ou plusieurs manipulateurs il n'y a pas loin lorsque l'on sait que la première, Claire Touzi Dit Terzi dite Claire Diterzi, en plus d'être une femme dans un monde machiste très fermé, est "née d'un père kabyle qu'elle n'a pas connu" et que Malik Mezzadri dit Magic Malik est "né en Côte d'Ivoire et a grandi en Guadeloupe", origines assez peu courantes dans le secteur ô combien réactionnaire de la musique classique fut-elle contemporaine.
Surtout, le travail de ces trois compositeurs, quels que soient leurs secteurs d'intervention, a toujours été marqué par la recherche, le troisième larron, Gilbert Nouno étant lui-même un compositeur de musique électro-acoustique reconnu. Les contemporains, et même les jazzmen, ont toujours fantasmé le succès des rockers sans en connaître la réalité quotidienne.
Que l'on accorde des Villa Hors les Murs à des Delbecq et des Vigroux passe encore, mais que Rome accueille en sa maison mère des métèques dont le chemin a croisé le jazz, le rock, et pire, la chanson française, est intolérable pour une bourgeoisie imbue d'elle-même et gardienne de ses prérogatives de classe. Combien de signataires ont-ils écouté la musique de Malik, Nouno ou Diterzi ? L'ignorance des uns et des autres justifient les signatures incohérentes avec la morale de nombre d'entre eux. Si je n'ai eu qu'un bref contact avec Magic Malik lors de la production de la compilation des Allumés dont je fus en charge, j'ai écrit tout le bien que je pensais de la plus décriée, une des rares artistes inventives depuis Camille à oser confronter son imagination au monde aussi fermé de la chanson française. Car toute cette affaire pue la ségrégation hexagonale, absence de solidarité asphyxiant le monde artistique de ses préjugés d'un autre temps. Cette pétition n'a rien de contemporain. Et si le Ministère a imposé ces choix pour des raisons démagogiques, réjouissons-nous qu'il profite à des artistes qui le méritent et sortent du train-train soporifique d'un milieu refermé sur lui-même, dont les pratiques consanguines n'ont rien à offrir à la France de demain.

P.S.: Contre-pétition
P.P.S.: sur le site où mène le lien ci-dessus je me suis exprimé longuement, exercice exténuant, grâce aux commentaires aujourd'hui fermés par Benjamin Renaud, lui-même fatigué par l'énergie que requiert la gestion d'une telle entreprise. Beau travail, précis et modérateur, qu'il en soit remercié !

De l'origine du monde


Le tableau de Courbet m'a toujours plongé dans un abîme de réflexions sans fin, tel l'effort à me représenter le big bang. Là où l'astrophysique génère encore une angoisse indicible, la culture physique me caresse dans le sens du poil. Du sexe de ma mère à ceux de mes partenaires, voire de ma sœur ou ma fille, je ne peux souffler mot. Des souvenirs qui se confondent, cher Jacques Lacan (acquéreur du tableau en 1955 pour le cacher derrière une toile de son beau-frère Masson). Chaque syllabe s'égrène dans l'ombre, mystérieuse ou révélatrice. Les atomes s'accrochent aux lèvres comme les notes de la valse des sphères imaginée par le compositeur Tony Hymas ou l'escalier infini de ses grappes de croches. Son album qui vient de paraître sur le label nato ressemble à la musique d'un film impossible à tourner, une volée de cordes vertes, la chair de l'orchidée, le goût de l'espoir, la vie retrouvée. Enregistrée avec le Sonia Slany String and Wind Ensemble, sa suite De l'origine du monde peint une fresque cruelle sur le mur des Fédérés. La tendresse noie toute colère dans un océan d'archets où flottent les voix de Violeta Ferrer et Nathalie Richard pour rappeler que cinq ans plus tard le Maître peintre d'Ornans fut en 1871 l'un des acteurs de la Commune de Paris. Condamné à payer de sa poche la réédification de la colonne Vendôme, symbole de la barbarie qu'il avait suggéré d'abattre, et acculé à la ruine, il mourra en 1877, avant la première traite.
De L'origine du monde au commencement de notre ère, de l'éternité à l'instant présent, il n'y a qu'un pas que Tony Hymas, épaulé par le producteur Jean Rochard, franchit comme l'Èbre ou le Rubicon, le cœur aussi haut que le poing. Aussi, les chants de Marie Thollot et Monica Brett-Crowther ne sont pas d'Élysée. Ils incarnent la Résistance. L'accordéon de Janick Martin vient en renfort du piano de Hymas, avec en perspective la harpe d'Hélène Breschand et le violoncelle de Didier Petit. La peinture est encore fraîche. S'y fondent les images d'un épais et somptueux livret illustré par Benjamin Bouchet, Daniel Cacouault, Stéphane Courvoisier, Chloé Cruchaudet, Nathalie Ferlut, Sylvie Fontaine, Simon Goinard Phélipot, Stéphane Levallois, Jeanne Puchol, Rocco, Eloi Valat, Zou et, torgnole salutaire, Gustave Courbet. Le label nato (dist. L'autre distribution) répond à la crise de l'industrie phonographique en publiant cet obscur objet du désir, 112 pages à savourer en musique...

jeudi 3 juin 2010

Broken Circles de Franck Vigroux


La musique électronique de Franck Vigroux représentait déjà une extension de son jeu de guitare. Par son écriture pour orchestre il agrandit le cercle en saturant l'espace de zébrures électriques. Les termes collent à la fission de l'atome, la densité des cercles concentriques est brisée avec rage. Vigroux a eu l'intelligence d'engager deux électrons libres parmi les interprètes, Marc Ducret et Matthew Bourne prennent de temps en temps la tangente, à la guitare ou au piano Fender. Philippe Nahon dirige de main de maître ce petit ensemble amplifié également composé de clarinette, trompette, piano, violon, alto, violoncelle et percussion. L'Ensemble instrumental Ars Nova s'est adjoint la soprano Géraldine Keller. Seul point faible de Broken Circles, le texte pseudo poétique de Philippe Malone souligne les tentations contemporaines du compositeur par un pompiérisme auquel on préfèrera les sirènes industrielles. On aurait rêvé de la même audace que pour la musique. Elle défrise, irrite, gratte où ça vous démange. Les trames noir et blanc projetées sur l'orchestre par Philippe Fontes insistent sur les cassures en assurant la cohésion. Le son poussé de Carlos Duarte emporte sans agresser les oreilles. En première partie de cette soirée présentée à La Dynamo de Banlieues Bleues par le festival Extension organisé par La Muse en Circuit, Vigroux triture seul ses machines, jouant de l'infra-basse, des distorsions et du bruit blanc, structurant son discours du concassage et de la fusion des timbres en une ode métallurgique qui laisse entrevoir un timide magma sourdre sous les apparences de l'énergie mâle. Souhaitons que les ensembles de musique contemporaine passent plus souvent commande à des compositeurs (et des compositrices !) qui n'en sont pas issus, c'est rafraîchissant, même aux heures les plus brûlantes.