70 Musique - décembre 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 25 décembre 2010

Cinq chants de Noël arrangés pour boîte à musique


C'est le jour idéal pour télécharger les cinq chants de Noël remarquablement arrangés par Bernard Vitet en 1998. Présents dans l'album Musique appliquée de Birgé-Vitet, Jingle Bells, Il est né le divin enfant, Les Rois mages, Douce Nuit et Mon beau sapin (index 14 à 18), que j'avais orchestrés pour boîte à musique dans le CD-Rom Mon atelier de Noël (commande d'Hyptique pour Hachette), font partie des 400 morceaux inédits que vous pouvez écouter en ligne ou télécharger gratuitement sur le nouveau site drame.org, soit 60 heures de musique improbable. Mais "quand on est artiste, il faut faire tous les genres", comme prévenait Bourvil au début du tango Pour sûr. Sur le CD-Rom les personnages s'animaient en rythme, ici il faudra que vous vous fassiez vous-même votre cinéma. Joyeux Noël !

mercredi 22 décembre 2010

La merveilleuse histoire du Petit Piano Michelsonne


La boîte aux lettres est un coffre à jouets où apparaissent chaque matin des trésors comme par magie. Ce matin il contenait le livre de Lynda Michel sur l'invention de son père, La merveilleuse histoire du Petit Piano Michelsonne. Composé d'un historique détaillé de 1939 jusqu'à l'incendie qui ravagea l'usine en 1970, de portraits d'artistes qui utilisent l'instrument pour leur plus grande joie et d'un catalogue où sont exposés tous les modèles avec prospectus, publicités, etc. L'objet serait nostalgique si le piano-jouet n'était adulé par de nombreux compositeurs contemporains (il manque Ève Risser et Michel Musseau, mais nous sommes déjà nombreux !) qui ont envoyé photographies et textes chantant les louanges du petit piano.
J'ai la chance d'en posséder deux même s'ils ne sont plus en très bon état. Depuis que j'ai envoyé mon témoignage à Lynda Michel j'ai retrouvé de nombreuses pièces inédites que j'ai mises en téléchargement gratuit sur la nouvelle version du site drame.org et que l'on peut écouter essentiellement dans l'album inédit Poisons (1977), sous les doigts de Bernard Vitet (Ethanol, Trop d'adrénaline nuit, Glotin, Poisons 2, De l'alcool de bois, Absinthe, Goudron, Gueuze Lambic Mort Subite), de la chanteuse Tamia (Digitaline, Goudron, Gueuze Lambic Mort Subite) ou sous les miens (He has been bitten by a snake, Le poison des orties, Androctonus Australis, Eine kleine Nachtmuzik, Penser à aut'chose et à haute voix, Penser à fermer le gaz, et avec Colette Magny en 1983). Mon premier enregistrement discographique avec le petit piano Michelsonne coïncide avec mon premier album, Défense de, en 1975. On peut l'entendre au début du Réveil, duo avec Francis Gorgé.
Je n'ai jamais fait de distinction entre les instruments sérieux qui constituent la lutherie traditionnelle, les jouets, les instruments ethniques, les prototypes construits par Bernard et les objets détournés de leur usage habituel. Leur choix dépend essentiellement de leur potentiel musical. Depuis les années 60 je continue de souffler dans un truc en bois tricolore à m'en faire exploser les tempes pour produire des sons suraigus proches des stridences d'un saxophone dont on mord l'anche. À côté de ce free jazz disproportionné je possède, entre autres, une boîte à ouvrage où sont rangés des dizaines de petits machins bizarres, d'un côté les percussions, de l'autre les vents. Alors que j'étais en séance avec le violoncelliste Vincent Segal je me suis même découvert récemment un talent particulier à jouer du ballon de baudruche pour produire un nombre inimaginable d'effets variés, mélodiques ou bruitistes. Puisqu'on dit des musiciens qu'ils jouent, tous mes instruments sont des jouets, du grand piano au petit Michelsonne, de la guimbarde au violon, des appeaux au trombone, du synthétiseur au clavier de pots de fleurs. À chaque projet correspond une instrumentation précise, quatuor à cordes ou big band de jazz, groupe de polyinstrumentistes débridés ou orchestre symphonique, encore que j'ai une fâcheuse tendance à intégrer des incongruités dans les schémas les plus classiques. Pour le timbre unique de ses tiges de métal tubulaires, aucune musique ne saurait se priver du petit piano Michelsonne, qu'elle soit du monde, du nôtre ou de l'autre, ou même des sphères ! (Ed. Lynda Michel, 14a avenue du Docteur Houillon, 67600 Sélestat, 09 65 29 56 75, 25€)

mardi 21 décembre 2010

Du cœur au ventre


Je suis affecté plus que je ne l'imaginais. Les graveurs, la chaudière, c'est de l'histoire ancienne. Mais la disparition de Beefheart, c'est la fin d'une histoire. Que le dernier de mes initiateurs passe l'arme à gauche ne laisse plus de place que pour l'avenir.
Comme rien n'est jamais tout à fait noir, dimanche matin j'avais tout de même un point à mon actif et pas sur le nez. Levé à 6h30 je compose la musique des maquettes du nouveau projet de Sun Sun Yip, un douze écrans en cercle et un dispositif à quatre plus bizarre. J'enregistre huit versions linéaires de cette composition qui sera interactive s'il gagne le concours international visé et cinq versions du projet de repli. Cette fois je choisis les sons purs de l'orgue de cristal ponctués de petites flaques d'eau aériennes pour l'un et des sons aquatiques de synthèse dans l'esprit de mon Rideau d'eau pour l'autre. Ses images de synthèse en 3D sont incroyables.
Hier 6h30 rebelote, mais cette fois je prépare la séance avec Vincent Segal pour notre concert au Triton du 12 février prochain. Avec lui tout est simple et je me surprends chaque fois à réussir des trucs inimaginables dont je me serais cru incapable. En trois heures nous bouclons le programme calqué sur la forme sonate : allegro, presto, adagio, finale. De mon côté, aucun clavier, mais mon Tenori-on, le Kaossilator et la Mascarade Machine conçue avec Antoine Schmitt sur deux morceaux, le reste en acoustique avec, entre autres, trois instruments à vent construits par Bernard Vitet. Vincent découvre également la contrebasse à tension variable dit le frein qu'il a construite au début des années 70 et son arbalète, un violon alto à frets en laiton et plexiglas fabriqué dix ans plus tard avec l'aide de Raoul de Pesters. Vincent est si enthousiaste qu'il décide de ne pas seulement jouer du violoncelle, ce qui lui arrive rarement, mais aussi de ces deux prototypes que je transforme en direct avec l'Eventide, produisant un effet de quatuor à cordes ou l'illusion d'un espace infini.


En sortant de déjeuner nous passons au Triton voir la salle que Vincent ne connaît pas, parce qu'il souhaite jouer à puissance acoustique. Sur la scène Sclavis répète un projet baroque. Dehors le programme qui ressemble à un panneau d'aéroport affiche "bizarre" pour qualifier notre duo. C'est bien trouvé...
Ces deux matinées me requinquent. Je pourrais peut-être faire la grasse matinée si les idées ne se présentaient d'elles-mêmes au réveil. Je vais partir en vacances en espérant que mes yeux s'ouvriront sur l'espace-temps local et sur rien d'autre si ce n'est ma mie qui en a autant besoin que moi. Nous sommes excités de ne rien savoir de ce qui nous attend, d'abord pendant notre périple asiatique, et puis après, à notre retour.
De l'inconnu naît le désir...

jeudi 16 décembre 2010

Hoang et Delbecq jouent sur du velours


En cuisine les Chinois diffèrent des Français par leur intérêt égal pour la texture en plus du goût. Antonin-Tri Hoang et Benoît Delbecq sont donc en train d'enregistrer un disque chinois. Hier et aujourd'hui, au Studio de La Muse en Circuit, le duo joue si merveilleusement sur les timbres et les harmoniques que je crois entendre un petit orchestre de chambre, avec cordes, cuivres et percussion. L'ingénieur du son Étienne Bultingaire a placé quatre micros dans le piano plus deux pour les préparations du pianiste qui coince dans les cordes gommes et petits bouts de bois, démultipliant ainsi ses sonorités pour constituer un véritable ensemble de gamelan. Le moindre souffle du saxophoniste-clarinettiste basse qui a composé onze des douze pièces du disque glisse sur du velours, de la soie ou de la tôle ondulée. La tendresse qui émane de la séance est incroyable. C'est du vif argent offert à nos oreilles ébahies.


Je profite de ma visite pour faire quelques clichés d'une musique qui s'en affranchit, l'innommable, libre et simplement belle. Si tous les morceaux sont à l'image des trois que j'ai entendus, un grand disque se profile pour avril prochain.

mercredi 15 décembre 2010

Sur ses pas


Bernard trouve que le nouveau site du Drame n'est pas assez accrocheur, persuadé que personne n'y restera plus d'un quart d'heure. Il est allé y jeter un coup d'œil chez un copain. Ne possédant pas Internet, il s'est isolé socialement. Plus personne, si ce n'est le Mini s'terre et quelques musées, n'envoie d'invitations sur carton. On ne téléphone même plus, on envoie un courriel, personnel ou en nombre. Cela ne change rien à l'affaire. Je n'ai jamais essayé d'être "commercial". J'ai parfois cherché à faire plaisir, parfois pas. Je préfère être "musical", suivre mon inspiration, sachant que certaines œuvres sont plus difficiles d'approche que d'autres. La base de données pharaonique qui croît de jour en jour sur drame.org fut donc créée pour plusieurs raisons.
La première est paranoïaque, similaire à celle qui me fit créer les disques GRRR en 1975, à 22 ans. J'avais très tôt compris que le chemin serait long et qu'il était donc indispensable de laisser des preuves validant ma démarche. La seconde, plus prosaïque, consiste à empêcher notre travail de disparaître, faute de matériel de diffusion adéquat et de destruction chimique des supports d'enregistrement. La troisième est dynamique, car laisser le passé derrière soi permet d'envisager l'avenir. Contrairement à la boutade de Pierre Oscar sur Mediapart, faire table rase n'évite pas la répétition, surtout lorsque l'on se souvient que la première fois est une comédie et la seconde une tragédie. Je joue Marx contre Mao !
De toute manière on ne sait jamais d'où le succès peut surgir, ni pourquoi le "public" s'entiche de ce que nous lui livrons. En écoutant Radio Drame un auditeur non averti tombant sur un des 39 Poisons de 1977 (24 heures, c'est l'album inédit le plus long !) risque évidemment de zapper dans la minute tandis qu'une chanson ou une musique de film le séduira plus facilement. Le site est avant tout un témoignage de notre débordante activité et permet d'écouter ou télécharger gratuitement déjà 60 heures de musique, quelques 400 morceaux dont nombreux durent plus de 30 minutes. Il y en a aussi de quelques secondes et d'autres d'une durée plus normale, entendre formatée. Ce n'est pas seulement une pirouette pour me débarrasser de la question que je réponds que j'ai toujours composé de la musique "barjo". Tout ce que j'imagine et réalise, que ce soit sonore ou visuel, littéraire ou culinaire, s'est toujours adressé aux curieux. "Objet difficile à ramasser", disait Cocteau. Je cherche chaque fois quelque chose de nouveau, l'absence d'étiquette ne favorise pas le repérage, mais les copains s'exclament "c'est bien toi !". Je ne sais jamais comment le prendre. Bien ou mal ? Probablement un peu des deux. La fragilité est motrice.
Et mon camarade de continuer à me chercher des poux dans la tête ! Nous n'avons jamais cessé de nous chamailler tendrement. Bernard a l'art de retourner les évidences. Ses critiques m'ont souvent fait avancer. Au pire j'ai déjà essuyé le feu des remarques que j'entendrai plus tard, me permettant de fourbir mes armes en ayant déjà envisagé les attaques dont nous serions l'objet.

vendredi 10 décembre 2010

La 2CV décapotée du 21 juin 1982


Le 21 juin 1982, à l'occasion de la première Fête de la Musique, avant que cela ne ressemble à une quinzaine commerciale avec foire d'empoigne pour jouer dans le meilleur spot de la capitale, nous avions transformé la 2CV de Brigitte Dornès en scène mobile. La capote enroulée, elle conduisait pendant que Marianne Bonneau enregistrait le duo de fadas debout sur les sièges. Hélène Sage avait installé son haut-parleur en pavillon et tous deux soufflions allègrement dans toutes sortes de trompes, flûtes, instruments à anche, sans compter les percussions qui nous reposaient lorsque nous n'en pouvions plus de nous époumoner. Nous croisions parfois des musiciens dans la rue ou à leur fenêtre. La Fête ressemblait à un gros défouloir bruitiste, un jour des fous sans lien avec ce que c'est devenu dès l'année suivante.
J'ai mis un long extrait en ligne (35 sur les 90 minutes enregistrées) de cette promenade radiophonique dans Paris sur le nouveau site du Drame, juste après le concert en duo avec Hélène que nous avons donné à Ordis en Catalogne deux mois plus tard. Je me souviens avoir coulé une bielle en descendant à fond la caisse par l'autoroute. J'avais dû décharger tout le matériel, Marianne et moi avions dormi dans le garage. La Tramontane était une commande pour le Festival d'Ordis. Nous expliquions nos instruments et répondions aux questions du public entre les pièces que nous improvisions avec les cloches de l'église devant laquelle était dressé le podium. C'était la nuit. La Tramontane soufflait.
Pas de photo de la Fête de la Musique, mais un cliché que j'ai pris à l'usine Pali-Kao lorsque j'ai entendu et vu Hélène pour la première fois. Sa Mercedes roulant au pas venait frapper le corps de la chorégraphe Lulla Card (Lulla Chourlin) pendant que la voix d'Hélène était diffusée par le mégaphone évoqué plus haut. Elle jouait aussi de la contrebasse sur le toit. Impressionné, j'ai proposé à Hélène de rejoindre le grand orchestre d'Un Drame Musical Instantané que nous étions en train de former. Lulla a ensuite créé avec nous le spectacle Zappeurs-Pompiers et j'ai continué sporadiquement à jouer avec Hélène...
Quant aux 2CV, ce fut la grande déception d'Elsa quand sa mère vendit la dernière. Pour ma part je n'en appréciais pas particulièrement l'assise, mais j'esquisse toujours un sourire lorsque j'en croise une sur la route.

mercredi 8 décembre 2010

Radio Drame


Numériser l'ensemble de mes archives est un exploit surhumain, pas seulement pour des questions de temps, mais aussi parce que les bandes quart de piste ou deux pistes ainsi que les cassettes se désagrègent chimiquement quand ce ne sont pas les machines qui font défaut. Les DAT et les premiers CD-R sont également fragiles. Seuls les vinyles et le papier résistent à l'épreuve du temps. Il est souvent trop tard, les bandes déposant une bouillasse sur les têtes du Revox qui m'obligent à les nettoyer dix fois à l'alcool pour une seule bobine. Une cassette a déposé des particules métalliques que je dois souffler pour ne pas esquinter la platine toute neuve. Comme je demandais au gérant de Scoop comment font les autres propriétaires de bandes, il me répondit : "ils meurent". Entendre que les praticiens des années 70 disparaissant au fur et à mesure, leurs descendants jettent les bandes que plus aucun magnéto ne peut lire, à moins qu'ils soient conscients de l'importance de leur héritage. Le patrimoine, aussi gigantesque soit-il, disparaît à une vitesse V. Le trou noir dans l'histoire de l'humanité se profile.
Aujourd'hui j'ai ajouté "Émissions de radio" à la collection des albums inédits du nouveau site drame.org. Les 6 heures d'entretiens, extraits musicaux, reportages in situ, pièces inédites qu'il propose complètent les 50 heures de musique offertes à l'écoute et au téléchargement gratuit sous format mp3. De 1979 à 2001 (j'en suis là, mais il y a encore beaucoup de bandes que je n'ai pas écoutées) ma voix est devenue plus grave alors que mes préoccupations l'ont toujours été. Celles de Francis Gorgé et Bernard Vitet se joignent à la mienne pour expliquer le travail d'Un Drame Musical Instantané et défendre nos idées que ce soit sur la musique ou la vie en général, avec humour, provocation et la rage de vivre. J'ai coupé une séquence de 1995 qui risquait d'être comprise de travers ; j'y répondais qu'Internet ne serait pas une révolution pour tout le monde, que rien ne changerait fondamentalement, parce que chaque jour 30000 enfants continueraient de mourir de malnutrition, parce que le Capital fait feu de tout bois. Comme toute révolution, il s'agit de revenir là où l'on est déjà passé et cela profite généralement à une seule classe.
Redécouvrant ces enregistrements jamais réécoutés depuis, je suis fasciné par nos propos qui révèlent explicitement le "discours de la méthode" qui a toujours marqué mon travail et dont ce Blog est une des manifestations actuelles. Dans la première plaquette du Drame nous citions Eisenstein : "il ne s'agit pas de représenter un spectacle qui a achevé son cours (œuvre morte), mais d'entraîner le spectateur dans le cours du processus (œuvre vivante)." Je ne peux rêver mieux pour exprimer pourquoi la mise en ligne d'un corpus aussi copieux s'inscrit dans ma démarche. Passé le nombre et la diversité des œuvres, m'intéressent l'art et la manière, et, plus encore, les motivations qui m'auront fait agir.

mardi 7 décembre 2010

Ménilmiche


Michèle Buirette et Erik Patrix ont l'art d'organiser des fêtes où chacun et chacune se sent libre de se laisser voguer sur le flot musical. On danse certes moins qu'avant, mais on écoute plus et ça joue ! La restructuration prochaine de son appartement est le prétexte de cette soirée amicale où les musiciens se succèdent pour des petits sets d'environ un quart d'heure. Michèle à l'accordéon et la suédoise Linda Edsjö au vibraphone ouvrent le bal avec des chansons polyglottes où la poésie est toujours teintée d'humour. Linda enchaîne avec la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard, duo vocal très original, cousin de Björk et Värtinnä avec une fantaisie qui ne tient qu'à elles. Lucien Alfonso et Andoni Aguirre prennent le relais pour un duo violon-piano alternant classique et traditionnel avec une rare sensibilité, rejoints bientôt par Elsa pour trois chansons en italien et en russe telles qu'Ando agrippe son accordéon.


Je découvre ma fille pour la première fois en direct avec sa nouvelle voix. Pour lui avoir ressassé si longtemps d'articuler et de chanter plus fort je suis subjugué par la mue, puissance d'émission et sensualité renversante, sans omettre d'y ajouter un peu d'humour et pas mal de tragédie. Michèle se joint au trio pour un dernier morceau avant la pause, mais déjà le jeune conteur chinois Ma Xiaolong, invité par Abbi Patrix, nous présente un sketch dans un dialecte de Yanghzou que mon ami Sun Sun comprend à peine, remarquable jeu de mime où un simple changement d'angle du corps incarne le dialogue entre un vieux déprimé et un jeune optimiste...


À mon tour j'attrape le Tenori-on, bientôt rejoint par Lucien dont le violon s'envole sur les rythmes électroniques. Comme je passe au Kaossilator avec mes haut-parleurs magnétiques en épaulettes, Dominique Fonfrède et Anita Glodek s'approchent en circonvolutions vocales qui donnent à notre maison (ce n'est tout de même pas de la House !) une allure de vaisseau moderne. L'accordéon est partout, dans les mains de Dominique Schiff qui chante en yiddish ou d'Elsa qui discrètement dans la cuisine me montre son nouvel instrument à clavier piano. Grégory Beller et Adrien saisissent une guitare. J'allais partir quand le quartet d'Antonin Tri-Hoang, Elie Duris, Romain Clerc-Renaud et Thibault Cellier arrive de la Miroiterie où ils viennent de jouer. Et rebelote, je ne sais pas à quelle heure cela s'est terminé, swing et valse, mais ça jouait d'enfer quand j'ai claqué la porte... Magnifique endroit où j'ai vécu treize ans il y a déjà longtemps !

lundi 6 décembre 2010

40 ans d'archives, 300 inédits, 50 heures gratuites


La nouvelle version du site drame.org, qui n'avait pas subi de refonte depuis 1997, est en ligne ! Il y aura encore quelques petits ajustements, mais il aura fallu un an pour en venir à bout. L'ajout le plus important est certainement la radio aléatoire sur la page d'accueil qui permet de se plonger dans l'univers sonore d'Un Drame Musical Instantané, de tous les artistes du label GRRR ainsi que dans mon travail personnel. Sur la Home, on peut donc écouter quelques 50 heures d'archives, la plupart inédites. Si la page Disques est une boutique en ligne et l'on sait le soin que nous portâmes à tous les albums-concepts vinyles, CD ou CD-Extras, la page mp3 offre plus de 300 morceaux inédits en les regroupant par album thématique. Sur chacun, l'écoute est ordonnée comme sur n'importe quel CD avec la possibilité de sélectionner une pièce parmi les autres. Certains albums durent 26 minutes comme mon duo avec Vincent Segal, d'autres durent plusieurs heures jusqu'à 24 heures pour la série des Poisons, époque fondatrice du Drame en 1977. Ce n'est pas tout, le téléchargement de tout cela est également possible et totalement gratuit, mais on peut généreusement soutenir l'entreprise en cliquant sur un des boutons PayPal (remerciement spécial à Emmanuel Girard qui fut le premier donateur hier matin).
Donner libre accès à 50 heures et 40 ans d'archives, c'est jouer le millésime contre la date de péremption. Offrir plus de 300 pièces la plupart inédites, c'est perpétuer un partage qui ne date pas d'hier. Proposer autant de chemins variés, c'est laisser l'auditeur creuser son sillon comme il l'entend. Les mp3 ne prétendent pas rivaliser avec les disques, car rien ne vaut l'objet disque (tous les albums matériels, avec beau livret et qualité audio maximale sont en vente sur le site).
À côté de Radio Drame, on retrouve les rubriques habituelles, News, Presse, Biographies, Liens dont un vers ce Blog, Photos pour la presse, Crédits, etc. Au fur et à mesure je compléterai la base de données mp3, j'actualiserai les news et tenterai d'améliorer la présentation du site. Remerciements particuliers à Contact terrestre, Nicolas Clauss, Antoine Schmitt, Françoise Romand qui m'ont accompagné et conseillé à des degrés divers pour que cette folie devienne réalité.

samedi 4 décembre 2010

Une version musicale de Stragtégies Obliques


Accompagner un chanteur, un récitant, un slameur réclame une humilité des musiciens qui le soutiennent, un sens du rythme du vocaliste pour laisser la place à des respirations instrumentales, un accord musical de tous les protagonistes tel que l'ensemble fasse œuvre. Avec seulement quelques notes les meilleurs solistes savent placer le contrechant entre deux vers et les chanteurs les plus dramatiques, au sens théâtral du terme, jouent du hors-champ que leur apporte le chorus. Le trio Stratégies Obliques formé de D' de Kabal, Benoît Delbecq et Franco Mannara va bien au-delà du genre, emplissant l'espace d'une musique où la voix domine le paysage.


Benoît Delbecq est un pianiste dont la rare finesse le fait trop souvent s'effacer à mon goût devant les musiciens avec qui ils jouent. L'amour délicat qu'il leur porte lui donne des manières de gentleman poète. Électrifié, il tient aussi bien la basse qu'il rythme l'orchestre avec des percussions échantillonnées. Il prépare le piano avec toutes sortes d'objets incongrus jouant le rôle d'un orchestre de gamelan au complet, qu'il se concentre sur l'acoustique ou s'éparpille ambidextre sur de multiples petits claviers pour colorer l'espace et le zébrer d'une gloire transperçant les nuages.


Franco Mannara a l'art de répondre. Qu'il chuchotte, gratte sa guitare ou lance un programme informatique sur son ordinateur, il est toujours dans l'écoute, tissant sa toile nocturne pour attraper les notes dont il se repaît en loup-garou. Il en a le chœur. Le trio devrait user plus souvent de mélodies, osant donner à leurs inventions le public qu'il mérite, comme le rapper haïtien Wyclef Jean le fit avec ses chansons.


Le timbre unique de D' de Kabal, dont la gravité oscille entre énergie musculaire et fragilité robotique, projète les ombres de Platon sur les parois de la caverne. Ses textes arpentent les quartiers, des hontes de l'Histoire aux scandales de la crise. Son approche musicale fond les mots dans l'orchestre. Voilà pourquoi Stratégies Obliques est un groupe et ses réponses sibyllines pourraient représenter la version sonore du jeu de cartes divinatoires de Brian Eno et Peter Schmidt.


Le trio crut jouer 1h15 et dépassa ses prévisions de 30 minutes sans aucune interruption. Si ce n'était mon postérieur qui crie au supplice sur la chaise du Triton, dure comme du bois, j'aurais hurlé "encore !" pour le plaisir d'entendre une miniature en rappel, pour voir.