70 Musique - mai 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 26 mai 2012

Mystère total ce soir au Triton


Nous n'avons pas la moindre idée de ce que nous ferons ce soir au Triton, la célèbre salle de spectacle des Lilas. Si j'ai souvent joué avec le violoncelliste Vincent Segal je connais mal le travail des deux chorégraphes/danseuses Claudia Triozzi et Sandrine Maisonneuve. Vincent s'est déjà commis avec Claudia, et tous les amis me soufflent que nous avons de la chance de nous produire avec ces deux filles. C'est tout. La soirée du Festival Dodécadanse est sous le signe de l'improvisation. Deux musiciens, deux danseuses, que l'on sait généralement déborder du cadre ! Nous partagerons avec le public la surprise de la rencontre.
Sur les conseils de Jean-Pierre Vivante nous avons prévu de placer micros et instruments à différents endroits de la salle plutôt que de les concentrer sur scène. Le Theremin, le Tenori-on, le Kaossilator, l'iPad, la Mascarade Machine engendrent des gestes qui me semblent coller avec les mouvements chorégraphiques, tout comme les rhombes, le ZubeTube et pas mal d'instruments acoustiques que j'emporte ce soir. Vincent a choisi son violoncelle classique comme il l'a toujours fait lorsque nous sommes en duo, m'obligeant à régler mes machines sur une puissance acoustique. Il prévoit aussi quelques percussions. J'ai enregistré un nouveau programme de souffles et de respirations pour le Tenori-on en pensant au côté physique de cette rencontre exceptionnelle. Je pense aussi transformer avec la Mascarade Machine des enregistrements du duo avec Vincent diffusés en direct sur Internet. Mais j'ignore si je m'en servirai. Tout est possible. Il va falloir penser vite et réagir au doigt et à l'œil. C'est très excitant !

N.B.: pensez à réserver si ce n'est déjà fait. Tarif réduit sur présentation du flyer ci-dessus.

mercredi 23 mai 2012

Inspirer, souffler


Inspirer, souffler. La gymnastique quotidienne m'évite de me coincer le dos. Inspirer, souffler. La danse m'apparaît comme un truc intellectuel qui n'a rien à voir avec la dépense d'énergie. Inspirer, souffler. Ce qui suit semblera du charabia aux néophytes, mais je continue à privilégier le discours de la méthode aux recettes jalousement gardées. Inspirer, souffler. Transmettre ce qui m'a été donné, partager mes recherches font partie d'une histoire qui risquerait de se perdre si je n'en prenais le temps.
Voilà des années que je me demande quoi enregistrer pour remplir la troisième et dernière banque de sons du Tenori-on, 125 des 128 programmes de l'instrument électronique étant inamovibles. Lorsque j'avais acquis mon premier Tenori-on j'avais choisi la voix de ma fille Elsa (que je viens d'aider à rajeunir son site) et des sons percussifs fabriqués avec mon synthétiseur Ensoniq VFX-SD. L'embarras du choix m'avait empêché d'aller plus loin. Devant donner la réplique aux chorégraphes/danseuses Claudia Triozzi et Sandrine Maisonneuve samedi prochain au Triton, j'ai sélectionné des instruments où le geste fait partie du jeu comme le Theremin et la Mascarade Machine. N'étant pas un virtuose de la percussion corporelle, enregistrer ma respiration m'apparut le bon choix. J'ai fait des ah et des ho, des pah et des shhh pour remplir les seize pas de l'échantillonneur. Le résultat ressemble à ce que j'imaginais, un truc alerte fonctionnant bien en rythmique. La voix est un instrument très meuble qui permet de tester rapidement les idées les plus abracadabrantes. En plus c'est toujours amusant de faire du bruit avec sa bouche.
À la lecture du billet de lundi, Éric Vernhes a proposé d'ajouter un jack à la Crackle Box pour la brancher sur le pédalier qui sert déjà au Theremin. Comme tout sera improvisé je fourbis mes timbres en n'oubliant pas les instruments acoustiques aux qualités visuelles tels les rhombes et le ZubeTube. Oserai-je emporter mon violon ? Je disposerai des microphones un peu partout dans la salle pour pouvoir intervenir où cela me chante. Vincent Segal jouera de son violoncelle classique plutôt que de l'électrique, nous évitant toute surenchère amplifiée. Inspirer, souffler. Tu parles !

lundi 21 mai 2012

Ma Crackle Box à moi


Scotch se demande vraiment qu'est-ce que c'est que cet engin bizarre qui produit des cris de souris et des craquements de parquet quand je le prends entre mes doigts. La Crackle Box (Kraakdoos) est un instrument électronique rudimentaire inventé par Michel Waisvisz et Geert Hamelberg (STEIM) à la fin des années 60, mais ce modèle unique est un merveilleux cadeau d'Éric Vernhes qui l'a construit spécialement pour moi ! Il me rappelle l'amplificateur de téléphone dont je jouais lorsque j'ai commencé la musique. En approchant le micro-ventouse du haut-parleur on pouvait générer des mélodies distordues par effet Larsen. Je l'utilisai pour la première fois en public lors de l'inauguration de l'exposition Andy Warhol de 1971 à l'ARC, à Paris. Le même soir le Grand Magic Circus, à peine rentré de New York, faisait sa parade dehors, sur le parvis du musée d'art moderne. L'autre accessoire que je détournais pour produire des effets très spéciaux était le bouton "son sur son" de mon magnétophone Sony TC355 qui permettait les réinjections et saturait l'enregistrement. Mais je ne pouvais pas le transporter tandis que l'ampli de téléphone tenait dans ma musette et fonctionnait sur piles. Lorsqu'il avait dix ans, Éric fit la même trouvaille, amplifiant même les sons de toute sa maison en collant la ventouse sur de gros aimants et l'appliquant sur le mur. Le principe de la crackle box provient d'un circuit imprimé instable, le uA709, aujourd'hui très recherché. En y adjoignant des condensateurs, des transistors, une Led et une pile 9V, on obtient un instrument aléatoire et capricieux produisant des sons qu'en général on préfère éviter. Le principe repose sur la conductibilité du corps humain, je risque donc de ne pas pouvoir reproduire les mêmes effets si j'attrape la grippe, si je bois trop ou si la température ambiante me fait suer. J'aimerais l'utiliser samedi prochain pour le spectacle avec le violoncelliste Vincent Segal et les danseuses Claudia Triozzi et Sabine Maisonneuve que nous improviserons dans le cadre du Festival Dodécadanse au Triton, Les Lilas !


Ma Crackle Box possède un volume minuscule qui m'obligera à la présenter devant un microphone pour en faire profiter les spectateurs à moins qu'ils fassent silence et tendent l'oreille... Sur Internet on trouve le schéma de l'objet et maintes contributions musicales de fondus de glitch et de circuit bending comme Mouse on Mars ou Coil. Comme je m'extasie devant mon petit cadeau, Éric Vernhes nous e:ntraîne dans son laboratoire où sont installées ses extraordinaires sculptures sonores réagissant à notre présence, s'adressant à nous via des GPS détournés, composant des images inouïes et des sonorités jamais vues, à tel point que l'on peut se demander ce que fichent les galeristes de ne pas fondre sur l'artiste pour lui organiser quelque exposition ou rétrospective grandiose. Héritier de Nicolas Schöffer, Éric Vernhes sculpte, peint, soude, scie, filme, échafaude, programme, détourne pour créer des objets qui nous renvoient un regard critique sur le monde qui nous entoure et que nous croyons façonner.

vendredi 18 mai 2012

Mieux que le réel ?


Pendant des années j'ai défendu les instruments virtuels pour des raisons économiques. Lorsque le budget le permettait nous avions recours à un ensemble de musiciens, voire un orchestre symphonique, plutôt qu'à des clones électroniques. Certains projets le justifient encore, mais les avancées technologiques offrent des possibilités qu'aucune formation vivante ne permet. Quel compositeur n'a jamais rêvé de diriger un orchestre au doigt et à l'œil, mieux, d'entendre sa musique au fur et à mesure qu'il l'imagine ? Dans la vie réelle les deux sont impossibles à conjuguer. On peut toujours faire jouer des partitions, mais il est impossible d'improviser avec un gamelan au grand complet, un orchestre symphonique ou un big band de jazz. Aujourd'hui les instruments sont soigneusement échantillonnés par des virtuoses assistés par des ingénieurs du son chevronnés au point de créer l'illusion du vrai. Ce n'est évidemment qu'une chimère, car pour retrouver l'humanité du jeu il faut compter avec l'imperfection que la machine ignore. Sa programmation exige d'introduire quantité de petites erreurs ou de variations, on choisira le terme approprié selon sa propre approche philosophique. Les ensembles et certains instruments se prêtent mieux au subterfuge que d'autres. Si les claviers et les percussions supportent souvent la supercherie, la plupart des solistes ne sont pas prêts de perdre leur travail. N'essayez pas de remplacer un trompettiste ou un violoniste, vous courriez au massacre. Par contre les masses orchestrales offrent des alliages inédits que nos budgets en peau de chagrin ne permettent plus de créer à l'ancienne. Et, surtout, nous pouvons créer dans l'instant des sons qui nous étaient interdits jusqu'ici. On ne le répétera jamais assez, à chaque support correspond un type d'œuvre et chaque œuvre justifie tel ou tel choix d'outils.


Des applications informatiques telles UVI ou Kontakt sont des moteurs pour lesquels différentes sociétés fabriquent des instruments virtuels époustouflants. Les instruments de l'IRCAM et les jouets musicaux sont abrités par l'UVI Workstation tandis que Kontakt (Native Instruments) héberge quantité d'instruments étonnants, ensemble baroque, gamelan, Array Mbira, KIM, Morpheus, steel drum, piano préparé (SonicCouture), instruments du monde entier, pianos mythiques, etc. Si ces clones ont été échantillonnés d'après des instruments se jouant de manières fort diverses, ils ont l'avantage de pouvoir se jouer au clavier ou programmés par un séquenceur. Certains modes de jeu en deviennent accessibles ; par exemple, on ne pourrait autrement jouer des tiges d'un piano électrique EP73 à l'archet. Tous les mélanges sont possibles, le musicien bidouillant ses programmes comme il les entend.


Remercions ici les virtuoses qui ont enregistré chaque note de leur instrument pour les partager avec d'autres, pervertissant leurs outils comme il est souvent pratiqué en musique contemporaine, proposant quantité de modes de jeu que l'utilisateur peut régler à sa guise. Ainsi Thomas Bloch échantillonna son glass armonica mozartien, ses ondes Martenot, son cristal Baschet, le Birmingham Conservatoire livre ses clavecins, théorbes, psaltérions, le Keswick Museum son lithophone... Si aujourd'hui je peux faire semblant de jouer des ondes Martenot, je sais pourtant que rien ne vaudra jamais le plaisir de partager des instants musicaux avec Thomas comme lors de l'enregistrement de Nightmare avec Lindsay Cooper pour Sarajevo Suite à Londres en 1994. Plus je pianote sur ses merveilleuses machines folles en studio, plus je reviens vers les instruments acoustiques lorsque je me produis en concert !

vendredi 11 mai 2012

Un petit coup de pouce


Odeia joue au Triton (Métro Mairie des Lilas) ce soir à 21h dans le cadre du Festival Unis Sons 93 consacré cette année aux cordes. Avec ce quartet les cordes vocales de la chanteuse vibrent en sympathie avec les trois archetiers.
J'ai déjà écrit tout le bien que j'en pensais, indépendamment du fait qu'Elsa est ma fille. Elle n'en fait pas mystère, même si s'appeler Birgé comme son papa l'ennuie lorsqu'il s'agit de négocier avec cette nouvelle notoriété. Avec une mère également musicienne elle avait sagement, et passionnément, choisi la voie circassienne pour se démarquer de ses deux parents, mais la carrière d'une contorsionniste sur trapèze est de relative courte durée. La voilà donc revenir à ses amours (en)chantées qu'elle n'a jamais quittées depuis qu'à quelques mois elle pleurait déjà dans le ton ! Son interprétation de ¡ Vivan las Utopias ! dans le cultissime album dédié à Buenaventura Durruti (nato) est devenue un classique pour beaucoup. Elle n'avait que onze ans lorsqu'elle ouvrit ce disque en lisant Héritage de l'anarchiste espagnol. Aujourd'hui elle partage le goût de trois garçons pour les musiques qu'on dit du monde comme s'il en existait d'autres qui n'en soient pas, et monte un spectacle pour enfants avec sa mère, l'accordéoniste Michèle Buirette, et la percussionniste Linda Edsjö. Ça s'appelle Comment ça va sur la Terre ? et c'est drôle et enjoué.
La musique d'Odeia est plus grave, plus sombre, elle nous remue profondément. Le violoniste Lucien Alfonso, le violoncelliste-guitariste Karsten Hochapfel et le contrebassiste Pierre-Yves Le Jeune forment quatuor avec le timbre étendu de la voix d'Elsa. Le grave étonne quand l'aigu incarne la légèreté. Les langues des chansons sont souvent celles de la Méditerranée, italien, sicilien, espagnol, ladino, grec, français, mais il arrive que l'âme slave pointe son nez avec les ruses du russe. On me demande souvent si je suis fier. Drôle de question. C'est un sentiment que j'ignore. Je suis heureux qu'elle fasse ce qui lui plaît. Je vais bien de la savoir heureuse. Pour le reste, ce n'est que de la chance et du travail. Venez écouter Odeia au Triton (tarif réduit sur présentation du flyer ci-dessus), j'y serai aussi. C'est drôlement bien et je ne dis pas cela uniquement parce que c'est ma fille ;-) Les mélodies sont magnifiques et j'en ai toujours pincé pour les cordes. Ces quatre-là en ont plus d'une à leur arc.

mercredi 9 mai 2012

Gloria Coates, compositrice américaine


Le DJ saturait les enceintes. Ma tête ressemblait à une citrouille. Je suis descendu dans le jardin rejoindre les fumeurs, quitte à attraper la crève. C'est fait. Au clair de lune, devant les bambous, je rencontre Alex qui partage mon goût pour Ives, Ligeti, Scelsi et quelques autres atypiques... En rupture d'avec ses études classiques il a plongé dans la composition instinctive. Ma démarche aboutit au même point, mais en passant par le terrain ! Dans la conversation il évoque une compositrice américaine dont il est fan et dont je n'ai jamais entendu parler, Gloria Coates (autre site).


Née en 1938 dans le Wisconsin, vivant aujourd'hui à Munich, Gloria Coates affectionne particulièrement les glissandi chers à Penderecki (première période) et Xenakis, les timbales venant souvent donner du gras aux cordes. Sa musique n'a pas la froideur des férus de mathématiques. Les sentiments dramatiques flottent au-dessus d'un océan lugubre. Les pièces pour orchestre, à la fois minimalistes et aux textures insaisissables, conviennent particulièrement à sa critique du monde. Gloria Coates joue des dissonances, quarts de ton, canons et palindromes sans ne jamais négliger de susciter de fortes émotions. On pense au Hongrois et à l'Italien évoqués plus haut ainsi qu'aux Américains qu'elle se charge de faire connaître en Allemagne. À son actif, quinze symphonies, neuf quatuors, des pièces vocales et chorales, de la musique électronique, quantité d'autres alliages et les tableaux qui ornent ses pochettes. Je me suis fié à mon interlocuteur et j'ai commandé tout ce qui était disponible. S'annonce un festival Coates en ma demeure.


Tandis que je remplis mon panier j'en profite pour y ajouter un nouvel album de pièces de Fausto Romitelli (1963-2004) interprétées par l'Ensemble Musiques Nouvelles dirigé par Jean-Paul Dessy, mais je n'ai pas le même choc qu'avec Professor Bad Trip ou An Index of Metal. Y sont réunies Amok Koma, Flowing Down Too Slow, Domeniche alla periferia dell'impero, nell'alto dei giorni immobili et The Nameless City. On retrouve néanmoins tout ce qui nous fascinait, liberté totale de ton et d'emprunt sans ne jamais perdre son propre style, maîtrise des timbres, l'oreille absolue pour son temps, à savoir que d'être capable de tout entendre lui ouvre la voie des découvertes...
Enfin le nouveau Kronos Quartet est consacré à Vladimir Martynov, né en 1946, qui passe ici Mahler et Schubert à la loupe et au ralentisseur ! Musique répétitive à la russe où le tempo est détendu jusqu'au point mort, la contemplation musicale naissant de cette abstraction figurative, transposition probable de rites orthodoxes, démarche classique en regard de celle de Romitelli... Pour le Schubert-Quintet (Unfinished), l'ancienne violoncelliste du Kronos, Joan Jeanrenaud, rejoint ses anciens camarades. C'est évidemment plus léger que la gravité de Gloria Coates, mais à chaque moment de la journée, à chaque humeur correspond la musique adéquate.

lundi 7 mai 2012

Résistance


Qu'ajouter au concert de klaxons ? Espérer la prison à la bande de malfrats qui avait kidnappé notre pays ? Ils ont le nez dans leurs valises. Mais de fête, impossible ! J'avais joué les rabat-joie le 10 mai 1981 alors que François Mitterrand rimait avec nationalisations, abrogation de la peine de mort, 1% du budget à la culture, etc. On en est si loin avec François Hollande, voire son double, François Bayrou. François, François et François. À croire que leurs parents les destinaient tous les trois à servir la république. La sociale-démocratie m'a toujours débecté. Je ne peux me réjouir du résultat des urnes. Tout le travail reste à faire. Ces élections n'auront été qu'un réajustement logique des forces en présence. La crise qui s'avance demandera des solutions plus radicales. Les décisions se prendront dans la rue et les révolutions devront germer sous les crânes. La création est une des manières de répondre aux métastases qui ont gagné les cerveaux les moins informés, ou les plus désinformés, en tout cas déformés.


En addendum au billet de jeudi voici une nouvelle vidéo de la "musique d'ameublement" improvisée lors de l'inauguration du Grand Réinventaire le 18 avril 2012 au Triton. J'ai réalisé ce petit montage de cinq minutes à partir de ce que Françoise Romand avait filmé. Merci à Ève Risser et Antonin-Tri Hoang de m'avoir rejoint ce soir-là pour imaginer une musique qui s'échappe des chemins officiels. Pour que les idées se transforment il faut aussi s'attaquer aux formes. Rêver est l'une des composantes du succès. La libération passera par l'éclatement des consciences. Avec l'accès au savoir, la poésie en est la meilleure garante. Démystifiant les discours les plus convenus elle fait entrer l'impossible dans le réel.

jeudi 3 mai 2012

Musique d'ameublement révolutionnaire


4h45. Les oiseaux n'ont pas encore commencé leur concert matinal que Hélène Collon met en ligne un petit extrait de notre enrobage de la soirée du Grand Réinventaire au Triton le 18 avril dernier. Lorsque Raymond Macherel me proposa de jouer ce soir-là j'acceptai à condition que ce soit "freestyle" et de pouvoir accompagner les orateurs de façon aussi impertinente que pertinente. L'option festive des défilés et meetings me semblait inadéquate avec le niveau élevé des sujets abordés par tous les intervenants soutenant le Front de Gauche. Trouver une forme qui convienne au fond fait partie du travail du compositeur lorsqu'il s'agit de mettre la musique au service d'un projet quel qu'il soit. Devenu art appliqué, elle se confond aussitôt avec l'organisation de la soirée, son architecture, son ton et les surprises qu'elle doit générer pour que les trois heures de débat passent comme une lettre à la poste.
Clémentine Autain assura brillamment le rôle de meneuse de revue, MC improvisée ravissant l'auditoire. Pour soutenir les interventions parlées avec tact et élégance il fallait rassembler des musiciens incisifs qui sachent réagir au quart de seconde à un mot, le propre du Grand Réinventaire, de faire oublier les longueurs, d'oser un trait d'humour sans craindre de froisser, d'insister sur une sentence et de s'imposer sans ne jamais faire perdre le sens de la soirée éminemment politique. La pianiste Ève Risser et le saxophoniste Antonin-Tri Hoang furent des compagnons de jeu idéaux pour ce marathon dont la durée s'oublia ainsi grâce aux ponctuations discrètes et aux sept courts intermèdes permettant au public de reprendre sa respiration avant que sa concentration soit à nouveau sollicitée. Antonin passa à la clarinette basse pour les questions graves, Ève joua de l'électrophone tel que l'humour soit toujours présent dans notre exercice d'ameublement critique, ceux deux-là s'entendant à merveille comme lors de leur splendide duo intitulé Le Grand Bazar. J'avais déjà joué avec l'une et l'autre, mais nous n'avions jamais encore formé trio. Nous y avons pris goût. Pour cette chaude soirée je m'habillai léger, passant allègrement du Tenori-on rythmiquement audiovisuel à la trompette à anche sévère, d'un harmonica tendre aux mots articulés dans la guimbarde.


Pourtant notre principale intervention consista le plus souvent à ne rien faire, l'attention permanente nous ordonnant de pratiquer le silence pour que notre présence s'efface devant la rigueur des propos filmés par Alain Siciliano et Raymond Macherel et ceux tenus dans la salle du Triton. Les deux petits extraits capturés par Hélène Collon font partie des intermèdes mettant en valeur les cinq thématiques : crise du capitalisme, écologie et partage, justice et égalité, luttes sociales, culture et politique.
Les événements politiques méritent d'être traités comme il se doit, soit autrement ! Brisant avec le ronron de la télévision manipulatrice, Jacques Rebotier propose ce soir au Triton un nouvel épisode de sa Revue de Presse, cette fois avec Joëlle Léandre. Jeanne Added assure la première partie en solo. Le 7 juin je serai à mon tour le dernier invité de Rebotier.