Nous avions rendez-vous au Palais de Tokyo pour fêter la sortie des GRM Tools Spaces, déclinaison de la célèbre application, cette fois dédiée à la spatialisation sonore, mais Françoise se trompant d'entrée s'est retrouvée à la soirée du Crédit Agricole. Elle dégustait des huîtres, du foie gras avec de la gelée de coing, un œuf aux truffes, un feuilleté d'escargot, cocktail des plus raffinés, tandis qu'en dessous, à la cave du Yoyo, nous attendaient des sandwichs bourratifs. Là-haut, un des dirigeants de la banque félicitait ses troupes en se gargarisant du succès de l'année 2014, prévoyant une année 2015 aussi radieuse. La crise est parfaitement ciblée !
En bas, organisée par l'INA en partenariat avec le magazine Trax, la présentation des GRM Tools par l'ingénieur Emmanuel Favreau, responsable des développements au GRM et plus particulièrement de cette application, fut à la hauteur de leur extraordinaire potentiel, malgré une sonorisation épouvantable. Comme souvent le niveau sonore dépassa les limites de l'entendement, habitude absurde qui rendrait aphone quiconque aurait envie d'échanger le moindre propos avec son voisin ou sa voisine. Ainsi le brouhaha du public essayant de parler avant le concert sur la musique enregistrée ne faiblit pas lorsque c'est le tour des musiciens. Quatre petits sets se succédèrent malgré tout, alternant le meilleur et le pire. Edward Perraud ritualisa sa prestation solo à la batterie (photo). Mimetic me laissa de glace. eRikm scratcha en virtuose quantité de matériaux. Arnaud Rebotini écrabouilla au marteau pilon militaire le jeu électroacoustique de Christain Zanési.
Je désertai la fête après que Jean-Michel Jarre, dont la carrière peut se résumer à 80 millions d'albums vendus, eut reçu un prix offert par l'INA dont l'humour est à souligner puisqu'il s'agit d'un iPad avec dessus enregistrées 30 heures de documents télévisés sur le grand homme dont nombreuses remises de prix à l'intéressé. La séquence où l'usurpateur se vante d'être le premier compositeur à pouvoir sculpter le son n'est pas piquée des vers. Il encensa néanmoins son prétendu maître Pierre Schaeffer qui se retournerait dans sa tombe à l'écoute de tant de louanges, incompatibles avec la réalité musicale des uns et des autres. La suite de la soirée se continua sans nous avec deux DJ, probablement plus technos que concrets. Il y a un écueil infranchissable entre les discours et les déclarations d'intention, et de l'autre côté les démonstrations binaires sur le mode "enfoncez-vous bien ça dans la tête". Dommage que l'INA-GRM ne s'adresse pas à des créateurs électros ou autres, dont l'invention est l'égale des générations de chercheurs qui les ont précédés ! Mais peut-être est-ce l'incompétence des techniciens sonores malgré la qualité du système Nexo qui est la principale responsable de la bouillie avec sub-basses incorporées dont le public est victime dans son apathie léthargique ?
Vraiment dommage, parce que les GRM Tools Spaces méritaient franchement mieux, prêts à fragmenter et disperser les sons, les filtrer et les retarder dans l'espace multicanal, sans compter ses déclinaisons antérieures permettant le morphing, le vocodeur évolutif, les décalages de filtres, les glissandi de timbre, le noising, le tout en temps réel...
Dehors les fumeurs de la banque digéraient leurs boni de fin d'année. Lorsque nous sommes arrivés à la maison Bruno Letort diffusait en différé sur France Musique des extraits de la soirée au Yoyo, sans les décibels ni le tonneau de basses...