70 Musique - février 2018 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 21 février 2018

Laurie Anderson et le Kronos Quartet


Un album du Kronos Quartet est toujours un évènement, souvent parce que le quatuor américain de la côte ouest joue des compositeurs méconnus venus de tous les horizons planétaires, ou pour insuffler une franche énergie électrique aux œuvres choisies. Ces critères ne peuvent être caractéristiques de leur collaboration avec la performeuse new-yorkaise Laurie Anderson dont les inventions n'ont jamais trouvé meilleure exposition que dans son film Home of the Brave (1986), si ce n'est le CD-Rom marsien Puppet Motel avec l'artiste Hsin-Chien Huang (1994). Mais le chemin parcouru ensemble révèle une œuvre aboutie où les sympathies s'expriment dans une unité n'excluant pas la diversité. La musique de Landfall (2015) se déroule comme un film en 30 courtes scènes évoquant la tempête Sandy de 2012 qui inonda New York. Laurie Anderson oscille entre rêve et réalité, flottant parmi les pertes qu'elle arrose pour faire germer de nouvelles pousses. Se joignant aux cordes de David Harrington, John Sherba, Hank Dutt et Sunny Yang, elle fait grincer les siennes, filetées ou vocales, intègre des ambiances sonores jouées au clavier Optigan, quelques percussions, et filtre le flot pour qu'une fine poussière s'y dépose.


Aucune surprise si l'on connaît ses marottes, mais une sérénité assumée après la perte de son compagnon, Lou Reed. Fortement épaulée par le quatuor et Jacob Garchik, elle a arrangé les morceaux en une merveilleuse synthèse qui réfléchit toute son œuvre. Sur scène, les notes sont transformées en texte projeté. Le disque n'est pas de ceux que l'on n'écoute qu'une fois. C'est un petit opéra comme elle les aime, lyrique et sensuel, que le quatuor magnifie en l'entourant d'une tendresse sincère avec l'énergie que le caractérise. Excellente cuvée du Kronos donc, offrant à Laurie Anderson les conditions de la maturité.

→ Laurie Anderson & Kronos Quartet, Landfall, cd Nonesuch, 16,99€ (double vinyle 26,90€)

jeudi 15 février 2018

Les autres, par un rappeur palestinien et une flûtiste d'origine syrienne


Trop de disques de rap américain sont frustrants lorsque leurs livrets ne divulguent pas les paroles de leur flow. Les commerçants inondent le globe de leurs produits comme si le monde entier comprenait leur langue. L'impérialisme s'infiltre insidieusement dans toutes les couches de la société. Pour Al Akhareen (Les autres), Osloob, rappeur, chanteur, beatboxer et producteur palestinien, et la flûtiste franco-syrienne Naïssam Jalal ont traduit ou fait traduire les textes arabes en français et en anglais. On perd sur le papier le rythme de la poésie qui s'écoute, mais l'on peut au moins savoir contre quoi ils protestent. Osloob, qui est né dans un camp de réfugiés au Liban, a retrouvé en France Naïssam Jalal, fille d'immigrés syriens. Ensemble ils hurlent leur colère contre le régime de Bachar el-Assad, contre l'occupation israélienne de la Palestine, contre la guerre qu'ils n'ont pas connue, mais dont ils subissent les effets, contre les religieux de tous bords, contre les marchands qui se gavent sur la misère des peuples, contre les médias corrompus qui trafiquent la réalité du terrain...


En passant du trio avec Dj Junkaz Lou au sextet en s'adjoignant le saxophoniste castelroussin Mehdi Chaïb, le bassiste sénégalais Alune Wade et le batteur guadeloupéen Arnaud Dolmen, Osloob et Naïssam Jalal allient le hip hop au jazz instrumental, les racines populaires du rap aux recherches lyriques cantonnées à un petit milieu élitaire. Comme les flûtistes Joce Mienniel et Sylvaine Hélary elle offre une nouvelle voie à son instrument. À Tunis lors du festival La Voix Est Libre j'avais été impressionné par les improvisations de Naïssam au ney et à la flûte traversière, entre la rage du ghetto et une poésie kirkienne. On la connaissait avec son groupe Rhythms of Resistance. Elle s'envole et entraîne ses camarades dans un groove qui sort le rap de sa monotonie instrumentale tandis qu'Osloob trouve dans cet orchestre une machine puissante qui porte ses mots de colère et ses vers d'espoir.

→ Osloob & Naïssam Jalal, Al Akhareen, cd Les couleurs du son, dist. L'autre distribution, sortie le 2 mars 2018

lundi 12 février 2018

Aum, fractale du silence


Si l'on emploie souvent le terme minimaliste pour ce qu'il était d'usage d'appeler musique répétitive, You've never listened to the wind du AUM Grand Ensemble dirigé par Julien Pontvianne mérite plus que tout autre le terme, même si l'éventail des timbres pianissimo est d'une richesse inattendue. Le saxophoniste-clarinettiste revendique l'influence de Messiaen, Feldman, Ligeti, Grisey ou LaMonte Young, mais je ne peux m'empêcher de penser à l'impact de 4'33 de Cage.
Comme le suggère le titre, après cela, vous n'entendrez plus jamais le vent comme avant. Je me demande même si ce disque n'a pas des vertus thérapeutiques. Le rythme du cœur se ralentit, des pensées douces vous envahissent lentement, chaque son produit par l'un des quatorze interprètes se savoure comme un joyau unique et l'ensemble fait corps, un orchestre où l'apport de chacun, chacune, est un tout, comme une fractale de l'œuvre complète.
Bâti au tour du texte de Fernando Pessoa Gardeur du troupeau, Julien Pontvianne a composé un nouvel hymne à la nature après Silere et Abhra où flottait déjà l'ombre de Thoreau. Les vents gonflent la voile, le gamelan renforce la pulsation des claviers, les contrebasses soutiennent les fondations, les sons électroniques font frissonner les feuilles. Tous les musiciens semblent vibrer en sympathie. C'est tout simplement magnifique.

→ AUM Grand Ensemble, You've never listened to the wind, CD Onze Heures Onze, dist. Absilone, 13€, sortie physique et numérique le 23 février 2018

vendredi 9 février 2018

Petite conversation avec John Coltrane


J'aime bien ces petits livres qu'on lit d'un trait. Pour l'accompagner j'ai posé A Love Supreme sur la platine. Exactement la même durée. Django est venu me faire des mamours tandis que j'étais allongé sur le divan. Il voulait que je lui frotte les oreilles, vigoureusement, encore. L'interviewer s'annonce d'emblée socialiste. Il faut voir ce que cela signifie aux États Unis en 1966. Frank Kofsky est donc marxiste, professeur d'Histoire à l'université de Sacramento et fan de jazz. Il écrira ensuite Black Nationalism and the Revolution in Music devenu John Coltrane and the Jazz Revolution of the 1960s, et Black Music, White Business: Illuminating the History and Political Economy of Jazz. Le titre souligne qu'il est bien dans la ligne de Malcolm X. Ses questions auront cette couleur. Il finit par réussir à enregistrer John Coltrane à l'arrière d'une voiture stationnée sur le parking d'un supermarché près de la gare de Deer Park à Long Island. Coltrane a conduit une quarantaine de minutes pour que Kofsky puisse attraper son train à l'heure pour Manhattan.
Kofsky l'interroge sur le rapport que la musique entretient avec la politique et le social, sur les difficultés qu'il a rencontrées avec la presse en 1961-62 en faisant évoluer sa musique vers des contrées plus aventureuses, sur son engagement en tant que musicien. Coltrane répond toujours un peu de manière abstraite, en musicien. Il raconte comment il travaille sans arrêt ses instruments, dans toutes les pièces de la maison, jusque dans les toilettes. Du rôle terrible d'une nouvelle embouchure, de l'attrait du soprano et de la difficile infidélité au ténor, de la flûte... On saisit l'humilité du saxophoniste qui ne veut plus jouer dans les clubs à cause du bruit du bar, sa générosité envers les autres musiciens, Dolphy, Sanders, Garrison, Rashied Ali, mais avant tout le bain musical dans lequel il flotte en permanence... Coltrane mourra un an plus tard d'un cancer du foie.

→ John Coltrane / Frank Kofsky, Conversation, ed. Lenka Lente, 9€ port compris

jeudi 8 février 2018

Des disques agréables


Je reçois trop de bons disques. Envoyez les mauvais ! Ces derniers temps mon blog finit par ressembler à une rubrique musicale. Après avoir parlé de moi pendant des années le seul moyen de ne pas me répéter est d'écouter les autres, des autres que la presse spécialisée et généraliste laisse pour compte, comptes d'apothicaire liés aux annonceurs. Mon court sommeil me permet néanmoins de continuer à œuvrer quitte à les rejoindre sur les étagères en espérant la même attention. Quoi de plus agréable que les surprises émanant de collègues que l'on ne connaît pas et de partager leur passions ?
Ainsi le saxophoniste-clarinettiste basse Tom Bourgeois a-t-il créé à Bruxelles le quartet Murmures avec l'accordéoniste Thibault Dille, le guitariste Florent Jeunieaux et le chanteur Loïs Le Van, qu'un double album vient nous révéler tout en tendresse et détermination. La voix susurrée rappelle la fragilité de Chet Baker quand la musique souligne le cousinage velouté avec Robert Wyatt. Les comparaisons sont ici inévitables alors que la démarche est parfaitement originale. Si le premier CD propose essentiellement des compositions de Bourgeois sur des textes de Popp Eszter, Laura Kast et François Vaiana, le second est une adaptation inattendue du Quatuor à cordes de Maurice Ravel ! On croit parfois entendre le soprano de Lol Coxhill ou la guitare de Terje Rypdal, mais c'est le charme des mélodies et la suavité des arrangements que l'on retient.


J'ai gardé sous le coude plusieurs disques agréables en sachant que je devrai les réécouter, d'autant que je suis plutôt à la recherche d'œuvres hirsutes qui me prennent à rebrousse-poil, mais pas jusqu'à ressentir la douleur du cosmétique que ma mère avait eu l'idée de m'infliger pour me coiffer les cheveux en brosse quand j'étais tout petit. On y retrouve souvent une instrumentation plus européenne que les cuivres éclatants d'outre-atlantique soutenus par une puissante section rythmique. Ainsi l'accordéon considéré ringard il y a quarante ans a-t-il retrouvé ses lettres de noblesse dans ces musiques contemporaines influencées par le jazz et le classique, comme le bois de la clarinette et du violoncelle, tous les trois faisant bon ménage avec la guitare et la contrebasse dans le Silent Walk du guitariste Samuel Strouk. Ainsi Vincent Peirani, François Salque, Florent Pujuila et Diego Imbert y perpétuent une tradition mélodique où chaque instrument expose son timbre harmonique dans toute sa richesse expressive. Ce sont pour moi les musiques du soir qui reposent des journées hyperactives.


L'Ensemble Minisym étend son orchestration au théorbe du guitariste Charles-Henry Beneteau, à la vielle du batteur Alexis Degrenier, à l'harmonium ou aux Dents de Dragon d'Amaury Cornut qui se joignent au violon d'Hélène Checco, à l'alto de Gwenola Morin et au violoncelle de Benjamin Jarry pour interpréter des pièces de Moondog en les adaptant pour leur sextuor, déchiffrant des inédits du Viking aveugle de la 6ème Avenue dont Amaury est un des spécialistes. La musique de Moondog inspire aujourd'hui quantité de jeunes musiciens qui trouvent dans ses rythmes répétitifs inhabituels et ses réminiscences médiévales un terreau à leur sensibilité jazzy minimaliste. Après avoir moi-même été séduit dès 1969, j'avais participé à un Hommage paru sur Trace Label, aujourd'hui épuisé. L'Ensemble Minisym possède la candeur de la passion et la fraîcheur de l'original.


Musique répétitive, quatuor à cordes (Hélène Frissung, Fanny Kobus, Carole Deville), bois (Cassandre Girard à la flûte, Laurent Rochelle à la clarinette basse et au soprano, mais aussi Daniel Palomo-Vunesa aux saxophones et Rhys Chatham à la trompette), percussion plutôt que batterie (Jérôme Chinour, Loïc Schild), poésie vocale (Guillaume Boppe, Sophie M, Géraldine Ros, Justine Schaeffer), on retrouve encore ces références dans Rivières de la nuit du guitariste Denis Frajerman. Comme dans les autres disques, le jazz s'affranchit ici du swing en privilégiant néanmoins les expressions individuelles se dégageant d'orchestrations soignées. Les voix se font incantatoires ou simplement narratives. Les instrumentaux évoquent des paysages cinématographiques dont le cinéma ferait bien de se passer quand il joue les redondances ! La musique a un pouvoir évocateur inégalable, suggérant le hors-champ mieux que toutes les images.

→ Tom Bourgeois, Murmures, double cd NeuKlang, sortie le 9 mars 2018
→ Samuel Strouk, Silent Walk, cd Crescendo by Fo Feo Productions, dist. Caroline
→ Ensemble Minisym, New Sound, cd Les Disques Bongo Joe, dist. L'autre distribution
→ Denis Frajerman, Rivières de la nuit, cd Douxième Lune, dist. Allumés du Jazz

mardi 6 février 2018

La soustraction des fleurs


Toujours à la recherche d'inouï, j'eus la chance de rencontrer André Ricros il y a vingt ans alors qu'il venait de monter le label Silex. Nombreuses de ses découvertes sont devenues aujourd'hui les phares de la nouvelle musique traditionnelle, entendre que leurs terroirs sont hexagonalement régionaux quand celui des jazzmen est plutôt afro-américain. Les uns comme les autres aiment improviser d'après des thèmes ou faire évoluer les structures de leurs œuvres selon des règles qu'ils se sont fixées à eux-mêmes. L'esprit et les oreilles ouvertes, empruntant également quantité de trouvailles à la musique contemporaine, au rock ou à la techno, ils laissent les frontières aux douaniers, leur langue universelle ne nécessitant que la passion.


C'est ainsi qu'en 1991 je suis instantanément séduit par le jeu et l'imaginaire du violoniste Jean-François Vrod qui joue alors dans La Compagnie Chez Bousca et Le Trio Violon. Passionné par le potentiel qu'offre l'électricité et l'informatique, il choisit également de monter le trio acoustique La soustraction des fleurs avec un autre violoniste, Frédéric Aurier, et le percussionniste Sylvain Lemêtre. Les trois musiciens utilisent leurs voix comme ils exploitent toutes les variations de timbres que leurs instruments leur permettent grâce à d'habiles préparations, et s'ils ne le permettent pas, eux-mêmes se l'autorisent, bravant les usages. Dans des paysages vallonnés ils font tourner la tête des danseurs et réfléchir leurs jambes. En plus de jouer du zarb, Lemêtre sait frapper tout ce qui sonne tandis que Vrod et Aurier nous font oublier qu'à eux deux ils n'ont que huit cordes. Leurs arcs nous font voyager bien au delà des contrées attendues. Aurier passe parfois à l'alto et Vrod fait des pieds et des mains sur une guitare à deux cordes, une radio, un kazoo ou détournant toutes sortes d'objets. D'amont (un premier CD restitue la musique de la performance Les Fêlés de la chorégraphe Cécile Magnien) en aval (le deuxième est enregistré onze ans plus tard), le trio de La soustraction des fleurs replante aussitôt ce qu'il cueille pour que leurs bouquets parfumés changent de couleurs selon les saisons...

Lien d’écoute de 5 morceaux de l'album
→ La soustraction des fleurs, Airs de moyenne montagne, double cd Umlaut, 20€

lundi 5 février 2018

Le Spat'sonore s'éclate en 3D


Les films en 360° me convainquent rarement. Au cinéma le cadre est d'autant capital qu'il détermine le hors-champ, territoire du son par excellence. Pourtant le sujet justifie ici pleinement cette technique permettant à chaque spectateur du film de vivre l'expérience musicale qu'offre le spectacle vivant. La spatialisation acoustique du Spat'sonore inventé par Nicolas Chedmail place le public au centre de l'orchestre dont les ramifications composées de tuyaux et pavillons nous encerclent et nous surplombent. Le film en 360° tourné par l'audioprothésiste Nicolas Sadoc au Festival WALDEN La folle journée reproduit cette expérience étonnante. Pas question cette fois de fermer les yeux comme il m'est arrivé de le faire lors de certains concerts pour en apprécier l'effet multiphonique. À moins de posséder un casque VR, l'appareil reproducteur le plus adapté est une tablette connectée à YouTube, le smartphone donnant une image évidemment plus petite, et un ordinateur oblige à glisser la petite main pour admirer la scène du sol au plafond et sous tous les angles du cercle. Il suffit donc de tourner sur soi-même, debout ou sur un fauteuil à roulettes, et de tourner, tourner...


À chacun, chacune, de contrôler l'image, mais aussi le son, puisque le microphone comme la caméra suit nos mouvements circulaires et sur toute la hauteur de la chapelle du domaine de Trefforest. Le son ne vient pas forcément de la place des interprètes puisqu'il est dirigé vers des pavillons éloignés par un jeu subtil d'aiguillages en métal. Chacun fait ainsi son mixage comme son cadre... Chedmail suggère de privilégier l'écoute au casque pour en profiter au maximum.


Ainsi je tourne, je tourne... Comme un derviche... Musique de vertige où la question de savoir où donner de la tête ne se pose plus !


Parmi le répertoire du Spat'sonore Nicolas Chedmail a choisi i Pirati a Palermu, une chanson sicilienne interprétée par Elsa Birgé et drôlement arrangée par les Spatistes ! Thomas Beaudelin, Amarylis Billet, Elsa Birgé, Philippe Bord, Nicolas Chedmail, Maxime Morel, Roméo Monteiro, Joris Rühl et Christelle Sery jouent le jeu jusqu'au bout de ce court-métrage dont chaque visionnage est différent.

vendredi 2 février 2018

Qu'est-ce qu'un Power Trio ?


Mardi je jouais le d'Artagnan de ces trois mousquetaires, bouclant l'une des dernières séances de mon prochain disque avec Hervé Legeay à la guitare, Vincent Segal à la basse et Cyril Atef à la batterie. Il ne me reste plus qu'à poser ma voix et mixer l'ensemble avec les sons électroniques que j'ai enregistrés en 1965 ! La technique accaparait toute mon attention de manière à restituer l'électricité produite par le power trio en très grande forme. Répondant à ma demande extrêmement ciblée, Vincent avait proposé une pièce de rock progressif en 9/8 tandis que Hervé lorgnait du côté du Grateful Dead. Les deux s'enchaînent à merveille et je cale maintenant mes mots sur la première partie pour laisser la place à l'envolée zeppelinesque de la seconde.


Si la section rythmique va de paire depuis plus d'une quinzaine d'années sous le nom de Bumcello, Hervé n'avait jamais joué avec eux. Vincent avait assisté à un concert du Drame décisif en 1983 aux Musiques de Traverses de Reims et nous jouons régulièrement ensemble depuis déjà huit ans. Ma seule rencontre musicale avec Cyril est un concert mémorable il y a deux ans au Triton avec eux deux qui avait duré près de trois heures ! Quant à Hervé, notre première collaboration remonte à 1992 pour 'Cause I've Got Time Only For Love avec Elsa qui avait six ans. Tenir le rôle de chanteur de rock m'a toujours fait un bien fou, que ce soit lors de mon premier concert au Lycée Claude Bernard ou plus tard pour les albums Kind Lieder et Crasse-Tignasse, mais cela me terrorise depuis qu'enfant on décida que je chantais faux... Parmi tous mes instruments ma voix livre une intimité sans fard. J'en use plusieurs fois et de manière très variée pour ce futur album extrêmement particulier auquel participent une quinzaine de musiciens, musiciennes et chanteuses.


Lorsque nous eûmes terminé, Cyril endossa l'une de mes vestes et Vincent s'empara du masque de Bernard Vitet pour annoncer l'enregistrement du prochain album de Bumcello qui se trouvait ainsi caché sous les traits du Drame !
De mon côté je repensais à l'Experience d'Hendrix, et aux Cream forcément. J'avais tout de même bœufé avec Clapton chez Gomelsky. On a les références qu'on peut. Pendant la séance je racontai à Cyril comment je m'étais retrouvé à jouer avec George Harrison chez Maxim's. Tout est lié. Le positionnement des instruments dans le panoramique me rappelle les Beatles. Vincent aurait préféré la mono. Et puis j'avais entendu le Dead au Fillmore West à San Francisco. Là j'avais la rythmique de M à sa grande époque qui cartonnait dans le studio avec une efficacité redoutable et la Gretsch d'Hervé qui hurlait dans le Fender en repissant dans les micros de la batterie. Je m'en suis plutôt bien sorti, mais j'ai tout fait en aveugle, pas en sourd ! Je cherchais l'ambiance des années 60 pour mon projet impossible, un truc à la Orson Welles comme lorsque nous avions composé les pièces pour piano de Brigitte Vée avec Bernard...