70 Musique - août 2019 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 15 août 2019

Nous verrons... Simon Goubert


J'ai beau aimer certains disques, je ne trouve pas toujours les mots. Dix fois j'ai remis le nouvel album du batteur-claviériste Simon Goubert sur la platine. Des images me venaient. Des souvenirs émus. L'école anglaise. Kate et Michael Westbrook, Lindsay Cooper, John Greaves... Les voix sont très présentes. Chacune a son caractère. Sorties de leur contexte musical les voix bretonnes swinguent d'une manière très originale. Je l'avais constaté avec Lors Jouin. Ici Annie Ebrel sur des paroles de Pierre-Jakez Hélias révèle une poésie rare. L'Américain de Paris, Mike Ladd, est de tous les projets expérimentaux où le flow engagé du slameur est recherché. Et puis il y a les habitués de Magma et Offering où Goubert officiait, Pierre-Michel Sivadier et Stella Vander. Ladd et Sivadier ont écrit de beaux textes, à la vie, à la mort. La musique, délicate et déterminée, toute en nuances, les accompagne. Goubert, qui l'a composée et arrangée pour la plupart, a trouvé l'équilibre. Il a appelé ses copains, le flûtiste Michel Edelin, le saxophoniste Vincent Lê Quang, le clarinettiste Sylvain Kassap, la pianiste Sophia Domancich, l'organiste Emmanuel Bex, la contrebassiste Hélène Labarrière. Rien que du beau monde, dévoué à un projet longuement mûri, rêve devenu réalité. Un joli petit nuage dans un ciel retrouvé.

→ Simon Goubert, Nous verrons..., Seventh/Ex-tensions records, 17,99€, sortie le 6 septembre 2019

lundi 12 août 2019

CQFD


La photo de jeudi dernier avait été prise après que j'ai écrit l'article Surtout pas de répétition, mais elle en illustre très bien le propos. Si cela avait été l'inverse, je m'en serais servi pour l'illustrer. Reprenons. Mais avant cela, je passe mon portrait au filtre à l'huile pour le différencier du cliché de jeudi, accentuant ainsi ma petite analyse.
Donc, d'un côté l'original, de l'autre son (mon) reflet dans la vitre. Or celui-ci n'est qu'une pâle imitation avec la grille de bois que j'identifie à une prison, comme toute tentative de figer les choses en amont, anticipant l'instant magique du concert (là je me réfère au précédent article évidemment). Ainsi, les véritables feuilles du charme surplombent la peinture du palmier, ou encore les briques peintes en trompe-l'œil sur le mur s'opposent au bois de cèdre parfumé. Vrai ciel blanc contre faux ciel bleu. Mon œil est perdu dans le vague, mais mon oreille est dressée vers la vague que je cache avec ma chemise où sont représentées des plumes, plus colorées que celles du pigeon occis par Django et qui gît à mes pieds. Ma main droite bouge simultanément deux potentiomètres tandis que la gauche n'est pas tout à fait bien placée, suggérant aux aficionados que la photo n'est qu'une reconstitution et que je fais tout simplement semblant de jouer. La situation de plein air peut mettre la puce à l'oreille des autres. Et je ne parle pas du cadre qui vous ferait bien rire si je l'élargissais ! Comme pour toutes les photographies qui accompagnent mes textes, je recadre au besoin. Dans la vitre du sauna se réfléchit le mur du studio d'enregistrement, rappelant que cette mise en scène relate malgré tout mon quotidien, qu'il soit musical ou extra-musical. Enfin, si j'ai choisi le cadre et la pause, je n'ai pas appuyé sur le bouton de pose. Il y a plus de signes que je n'en vois au premier abord, fussent-ils dictés par mon inconscient.
Comme je l'ai déjà expliqué, mes billets se lisent aussi toujours à différents niveaux de proximité, selon la complicité que j'entretiens (ou pas) avec mes lecteurs et lectrices. Au delà du mélange d'universalité et de révélations à la première personne du singulier que je me suis fixé dès le début du blog il y a 14 ans, je parsème ici et là des indices qui trouveront, pour la plupart, leur résolution dans de prochains billets... Là où c'est compliqué, pour ne pas dire complexe, c'est que j'écris souvent comme si le lecteur ou la lectrice avait tout lu, ce qui est absurde voire impossible. Je reçois ainsi des messages d'internautes, surtout sur Mediapartdrame.org est en miroir, réagissant à un article sans en connaître le contexte, et je suis obligé de m'expliquer alors que je me vois mal répéter chaque fois dans quelles perspectives tout cela s'inscrit... La répétition, c'était justement le sujet du billet de jeudi et aujourd'hui j'ai vraiment l'impression de rabâcher ! CQFD ;-)

jeudi 8 août 2019

Surtout pas de répétition


En titrant "Surtout pas de répétition" je ne prétends pas ne pas radoter. Chacun a ses marottes qui lui tiennent à cœur, ses petites histoires qu'il aime raconter et qu'il ressasse chaque fois qu'il rencontre une nouvelle personne au grand dam des proches. En 14 ans, après plus de 4200 articles, je tape souvent un requête dans le champ de recherche de mon blog pour vérifier si je n'ai pas déjà évoqué tel sujet par le passé. Certaines formules littéraires me reviennent régulièrement sous les doigts sans que je sache comment m'en débarrasser parce qu'elles me semblent cohérentes avec ma pensée. On peut l'assimiler au style, comme dans mes manières d'aborder ma musique par exemple.
C'est justement en musique que j'évite soigneusement de répéter. Et non de me répéter. Le travail consiste à identifier les intentions, préparer le matériel, qu'il soit physique ou cérébral, organiser les structures qui en découlent... Cela revient à se créer un alphabet, une palette, à supposer les possibles, en laissant la place à l'inconnu, à la surprise que l'instant génèrera. Les improvisateurs connaissent le danger d'une répétition réussie. On est forcément tenté de reproduire en scène ce qui a fonctionné alors, et la magie est difficilement reproductible. Il est préférable de sous-jouer, de trouver la place des éléments, sans se donner à fond. De toute manière, si tout se passe bien, on jouera autre chose que ce qui était prévu. Les préparations ne sont que des sécurités, des roues de secours en cas de faiblesse ou de panique. Le matériel électronique et informatique peut être capricieux ! Je fais donc des listes. Des listes de matériel à emporter au concert, des listes de programmes, de banques de sons, d'instruments qui serviront mon propos, des complémentaires par rapport aux musiciens avec qui je serai. Car l'important est de savoir pourquoi on fait les choses, quel propos l'on sert, à qui l'on s'adresse, avec qui l'on dialogue, et ce qu'on a à raconter.
Un jour le compositeur Jacques Rebotier, que j'apprécie énormément, me proposa d'écrire pour moi un solo avec cinquante représentations garanties. Comme je m'inquiétais de devoir rejouer chaque fois la même chose, il me le confirma et je dus décliner l'offre alléchante. Refaire plusieurs fois le même tour m'est insupportable. Enfant, je m'exerçais à l'illusionnisme, m'imposant des heures de manipulation devant le grand miroir Napoléon III du salon, mais il était recommandé de ne jamais recommencer un tour !
Depuis quelques jours j'apprends à me servir de The Pipe, un étrange synthétiseur buccal et vocal russe imaginé par Vlad Kreimer et construit par Soma dont je possède déjà le Lyra-8. J'ai lu le mode d'emploi en amont, puis j'ai réalisé une première approche, j'ai repris le mode d'emploi avec l'instrument, et maintenant je cherche à l'utiliser selon mes goûts musicaux qui sont souvent très différents de ceux du constructeur ou des autres interprètes. Je répète. Je fourbis mes armes, comme disait Bernard Vitet. Je travaille. Drôle de concept que le travail pour un artiste ! J'ai l'impression d'être toujours en vacances sans jamais ne m'arrêter de travailler. Mais jamais, au grand jamais, je ne déflore un enregistrement ou une représentation publique, en me mettant dans l'état second où je serai alors. Je ne fais que des gammes. Des sortes de gammes. Des exercices d'éducation physique. Des vocalises. Et puis je rêve. Je rêve beaucoup.

jeudi 1 août 2019

Mémoire d'un trou


Molo molo, Tu Tu, Boum, Chut, Tic Tac Tic Toc, Sosto Poco Toto Dolco, Chut, Molo, Auto, Poto a Roto, Copo. J’ignorais que Michel Magne avait édité des sérigraphies de ses partitions. Pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de Mémoire d’un trou figurant sur le disque musique tachiste qui a marqué mon enfance et laissé son empreinte sur mon travail. L’exemplaire du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne porte le numéro 28/100. Ce que Magne a intitulé Musique visuelle ressemble à une partition shadok. J’imagine que, laissée à la libre interprétation d’improvisateurs, cette partition en rouge et noir pourrait générer quantité d’œuvres hirsutes, très différentes de la Mémoire d’un trou dont je me souviens encore parfaitement.


En 1959 chaque pièce de l'album de musique tachiste de Magne était remarquablement illustrée par Sempé.